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Jacques Renaud
Le Crayon-feutre de ma tante a mis le feu
nouvelle
Note : cette nouvelle révisée par l’auteur a été publiée pour la première fois en 1989 dans L’Espace du diable, sous le titre «Le Crayon de ma tante».
© Copyright 1989, 2012 Hamilton-Lucas Sinclair ( Loup Kibiloki, Jacques Renaud, Le Scribe), cliquer
J’avais pensé que je pourrais m’amuser à écrire avec le crayon-feutre pendant quatre petites minutes, pas plus: après j’avais ma composition française à faire et je pouvais pas la faire avec le crayon-feutre de ma tante, c’était interdit à l’école. Mais le crayon-feutre écrivait tout seul en entraînant ma main depuis au moins cinq minutes et il avait pas l’air d’avoir le goût de s’arrêter: il continuait de page en page dans mon cahier malgré moi et son débit ne ralentissait pas.
J’étais énervé et je lui ai parlé, même si ça avait l’air fou de parler à un crayon: je lui ai demandé d’avoir plus de suite dans les idées ou de s’arrêter; encore une fois j’avais ma composition française à écrire. Mais le crayon continuait à rédiger sans m’écouter. Il écrivait n’importe quoi, toutes sortes de signes et moi je suivais, la main compulsivement crispée dessus.
Finalement, le crayon-feutre a épuisé tout mon cahier mais j’avais aussi deux tablettes de papier vert sur la petite table de la chambre d’ami que ma tante m’avait prêtée, un beau papier vert pâle qui faisait penser à un carré d’herbe.
Mon crayon se jeta sur le papier en m’entraînant et épuisa la première tablette feuille après feuille en moins de cinq minutes. Ensuite le crayon-feutre se jeta sur la deuxième tablette. Je ne lâchais pas le crayon, j’étais essoufflé, j’avais jamais écrit ou travaillé aussi vite de toute ma vie.
Après avoir complètement couvert les feuillets de la deuxième tablette, le crayon s’est mis à écrire sur la table. Je tenais toujours le crayon dans ma main, je n’avais pas le choix, il me conduisait, je le suivais, je ne sais pas si je peux dire que j’étais “émerveillé”, je n’avais pas eu le temps de penser, c’était parti tout seul, j’étais surtout essoufflé. Il y avait des feuillets pleins de barbots partout autour sur la table et par terre.
Le crayon-feutre continuait à écrire directement sur la table en faisant voler les feuillets qui traînaient dessus. Toute la table se couvrait de signes, des sortes de lettres d’une autre langue ou des dessins, des sortes de dessins petits, compliqués, mais qui faisaient penser à des lettres.
Puis le crayon s’est jeté par terre et s’est mis à gratter les mêmes sortes de barbots sur le tapis. Il faisait ça direct sur le tapis en le déchirant par endroits et en le marquant à travers les motifs verts et rouges. Je ne comprenais pas ce qu’il écrivait, j’avais envie de crier: «Arrête!» Mais je ne criais pas, j’en étais incapable: je murmurais «voyons .. », «qu’est-ce que c’est ..» J’aimais pas ça: j’avais ma composition à faire. Mais j’arrivais pas à crier, j’devais être hypnotisé, c’était la première fois que je voyais un crayon faire tout seul. Au fond, je voulais pas qu’il s’arrête..
Et il s’est bientôt mis à écrire sur les murs, d’autres sortes de barbots. Au début son encre était bleue et coulait mince. Elle était maintenant noire et le trait avait épaissi. Le crayon-feutre était en train de terminer le troisième mur du salon. Ma tante était pas encore rentrée, j’avais pas encore pensé à elle, et c’est au moment où le crayon achevait le troisième mur que j’y pensai parce que la photo de ma tante, la soeur de ma mère, était accrochée sur ce mur-là. Je n’eus pas le temps d’arrêter le crayon, il pirouettait déjà sur la photo, et au moment même où le feutre du crayon se mettait à crisser sur la vitre du cadre, ça sonnait à la porte.
C’était ma tante. Elle avait pas sa clé. J’ai couru pour aller lui répondre. J’ai ouvert. J’étais tellement énervé que j’ai pas réalisé que je tenais le crayon-feutre dans ma main et qu’il s’était arrêté. Ma tante Émilie, elle s’appelle Émilie, est entrée en coup de vent, les deux bras pleins de sacs d’épicerie. Elle a passé dans le salon en mâchant sa Wrigley’s et en sentant bon, et sans rien voir tellement elle allait vite, et elle est allée déposer les sacs d’épicerie sur la table de la cuisine en lançant: «Ça va bien Ticoune? As-tu fait tes devoirs?»
Elle m’appelait des fois “Ticoune”. Elle est toujours de bonne humeur. J’ai dit «oui», un petit «oui» pas fort, j’étais pas convaincu, ce que le crayon-feutre avait fait pouvait pas être considéré comme un devoir ni comme une composition française. Et ma tante Émilie m’avait dit de pas faire ma composition française avec le crayon-feutre parce qu’à l’école y veulent pas. Je le savais mais c’était un maudit beau crayon, c’était un des plus beaux crayons-feutres que j’ai jamais vus et elle m’avait tellement dit de pas m’en servir que dès qu’elle était sortie ç’a avait été plus fort que moi, je l’avais regardé, on aurait dit qu’il me regardait lui aussi, on aurait dit qu’il disait «prends-moi, prends-moi», je voulais l’essayer. Ma mère aurait pas été d’accord pour que je le prenne, elle non plus, l’école voulait pas, mais ma mère était pas là, elle était à l’hôpital pour avoir une soeur, son gros ventre était mûr, c’était pour ça que ma tante Émilie me gardait. La veille, son ami Simon était venu et ils étaient allés tous les deux dans sa chambre et je m’étais approché de la porte, je les avais vus ensemble. Simon tenait le crayon feutre et il le montrait à ma tante. Ça avait l’air mystérieux. Plus tard il était parti. J’étais excité, tout seul avec ma tante, je pouvais faire tout ce que je voulais, tout ce qui me passait par la tête, en tout cas je le pensais. C’est excitant quand on est gardé par sa tante.
– Ticoune…? Paulo?…
Ma tante était toujours dans la cuisine, elle déballait l’épicerie.
– As-tu fait tes devoirs, Paulo?
– Oui… He… N…
– Bon, alors montre-moi ça, lança ma tante en faisant irruption dans le salon avec sa grande bouche toujours pleine d’une grosse palette fraîche de Wrigley’s.
C’est quand elle a aperçu son portrait barbouillé sur le mur et accroché croche juste derrière moi, juste au-dessus de ma tête, c’est là que la baboune lui est tombée. Une drôle de baboune tombante, faut dire: j’avais l’impression, sur le coup, que c’était pas une baboune étonnée-fâchée. On aurait dit qu’elle admirait ce que j’avais fait. J’ai prié très fort pour qu’elle ne regarde pas par terre, le plancher, le tapis étaient pleins de signes. J’avais honte de moi, honte du crayon. “Honte”, peut-êt’ pas, mais en tout cas elle a dû voir le mur aussi parce que son portrait était accroché dessus. Puis elle a regardé autour. Comme faut. Il restait un seul mur sur lequel j’avais pas écrit. Puis ma tante a regardé le tapis. Moi je commençais à avoir l’impression que j’avais commis une faute grave. J’ai commencé à penser à ma mère.
– Qu’est-ce que…?, ma tante a murmuré.
Elle s’est tournée vers moi.
– J’veux voir ma mère, j’ai dit …
Ça m’est sorti tout seul. Dès qu’elle s’est tournée vers moi. Je suis devenu confus.
– Comment t’as fait ça…?!, disait ma tante en regardant les signes partout.
– …
– Quand j’pense que Simon se demandait comment faire, dit-elle, la bouche entrouverte, les yeux dans le vague.
Elle regardait les barbots. Je pouvais pas répondre. Je pouvais pas comprendre ce qu’elle voulait dire, je m’attendais à être chicané, je tremblais dans mes culottes. Elle m’a regardé encore après avoir jeté un autre coup d’oeil silencieux autour. Elle avait l’air moitié estomaqué, moitié, moitié j’sais pas quoi. Dans ma tête elle était fâchée mais chaque fois que je levais un peu les yeux sur elle j’avais l’impression qu’elle allait rire ou exploser comme quand elle nous souhaite «bonne année!». On aurait dit qu’elle riait.
– Faut qu’j’appelle Simon, elle a dit.
Elle a dit ça. Peut-être pour que Simon me punisse, le crayon était peut-être à Simon, je sais pas. Je commençais à avoir chaud. Il faisait chaud, chaud dans la pièce. La bouche de ma tante était entrouverte et je voyais la belle Spearmint rose entre ses belle grandes incisives blanches, mâchouillée, un peu pendouillante, pleine de salive. Elle avait toujours pas l’air de me vouloir du mal, elle avait même toujours un peu l’air “joyeux Noël”, “bonne année”, genre ..
– Comment t’as fait … Pourquoi t’as fait ça?
Elle me regardait et regardait les murs, le tapis, sa photo.
– C’est pas moi, j’ai dit, c’est l’crayon.
Je pense qu’elle a pas entendu. Elle avait dit qu’elle voulait appeler Simon mais elle l’appelait pas. Elle s’était mise à marcher vers la photo en la regardant, les yeux écarquillés. Elle a redressé le cadre avec sa grande main droite, lentement, en le contemplant, puis en le lâchant d’un coup en disant, comme ça, «c’est chaud». Je pleurnichais: «C’est pas d’ma faute, c’est l’crayon…» Je pense qu’elle a dit: «J’sais.» Elle me regardait pas. Des fois les parents disent qu’y «savent» mais y savent pas, ou alors c’est juste des mots. Des mots qu’ils disent pour dire qu’ils nous croient pas. Puis elle a murmuré, toujours sans me regarder, toujours les yeux rivés sur la photo: «T’as pas fait exprès?…» Et elle a dit encore: «Ça tient pas debout…»
J’étais tendu sans bon sens. Je savais pas quoi dire, quoi faire. Le crayon gisait au pied du mur juste sous la photo de ma tante Émilie: je l’avais dans la main en ouvrant la porte à ma tante mais je l’avais laissé tomber par terre, là, en revenant dans le salon après qu’elle soit entrée. Je me suis jeté sur le crayon, je l’ai ramassé, j’ai crié à ma tante en le lui montrant: «C’est d’sa faute!»
Ma tante s’est tournée. Elle ne me regardait pas, elle regardait le crayon. J’avais chaud, je me sentais mal, j’ai dit: «Tu chauffes trop, ma tante.» Elle regardait le crayon dans ma main, elle m’a pas regardé, elle a dit: «J’ai éteint le chauffage ce matin.» Je l’ai regardée. On était pas en été: les feuilles tombaient dehors, on était en automne, des fois y faisait froid – pas comme en hiver, mais des fois y faisait froid. Ma tante avait tellement un drôle d’air, vraiment un drôle d’air, une sorte de petit air garce, un petit air genre fille vulgaire comme dans les films avec des bums à la télé.
– Montre-moi, elle a dit en tendant sa longue main fine vers le crayon.
Je savais pas ce qu’elle voulait dire et je la voyais mal, je la voyais brouillée: j’avais plein d’eau collante dans les cils et dans les yeux, je suais à grosses gouttes et je continuais à lui montrer le crayon. Elle a continué à avancer vers moi en se penchant, la main tendue. J’avais l’impression que ses grands yeux bleus voulaient me manger. Elle a pris le crayon et l’a serré très fort mais sans me l’enlever. Ses doigts étaient mouillés. Je pense qu’elle a passé le revers de son autre main sur son front. Elle me regardait toujours avec les mêmes grands yeux et avec la même grande bouche entrouverte sur ses dents blanches mais qui ne mastiquaient plus – je voyais le bout rosi de sa chique de Wrigley’s pendouiller légèrement dans sa commissure gauche.
– T’es bon, a-t-elle murmuré… T’es drôlement bon.
Là, je comprenais plus. Elle a commencé à vouloir retirer le crayon de mes mains en me disant: «Montre.» Il y avait quelque chose dans sa manière de me demander ça qui me faisait penser à ma mère. J’avais tout d’un coup pas envie du tout de laisser aller le crayon. Je serrai ma main dessus. J’avais soudain l’impression qu’il m’appartenait et que ma tante voulait m’enlever quelque chose qui m’appartenait, qui serait, qui devrait toujours être à moi et que si elle me l’enlevait je ne pourrais jamais plus le récupérer. C’était comme si le crayon était quelque chose qui faisait partie de mon corps.
– Montre, montre… Aie pas peur.
Je me suis mis à faire signe que “non” avec la tête. J’avais l’impression d’entendre le crayon dire «garde-moi, garde-moi». Je savais pas comment dire à ma tante que ça me faisait mal en dedans de sentir que le crayon allait se séparer de moi, glisser de ma main, passer dans la sienne…
– Donne, Ticoune, donne…
Elle s’était mise à tirer plus fermement dessus. On aurait dit qu’elle en avait eu peur jusqu’à maintenant et qu’elle essayait de surmonter sa peur. Mais moi, maintenant, je serrais, je voulais pas laisser aller le crayon-feutre. Parait que les enfants de huit ans peuvent être têtus effrayant, ben c’est vrai. Le téléphone a sonné d’un coup et ma tante s’est tournée tout de suite en sursautant et en me lâchant. J’ai serré le crayon dans ma main et j’ai couru au fond du salon. Ma tante s’est tournée vers moi: elle avait l’air un peu perdue et en même temps, cette fois, elle avait l’air fâchée contre moi, nerveuse.
Le téléphone a sonné encore. Elle a dit: «Attends-moi, Ticoune», et elle est allée répondre. Je la voyais aller de dos. Sa blouse bleue dans son dos était toute trempée. Je tenais le crayon, il était chaud, il vibrait maintenant dans ma main, il était content. J’avais l’impression qu’il allait se remettre à écrire. «Simon?» C’était ma tante, elle était au téléphone avec son ami, Simon, que j’avais vu la veille. C’était un grand maigre très gentil, l’air drôle, des yeux trop grands et un nez en bec de perroquet et des cheveux noirs. Il avait commencé à me montrer à écrire en lettres attachées parce que j’ai changé d’école cet automne et il faut apprendre les lettres attachées, l’anglais aussi, c’est une école privée. Simon m’a dit qu’il existait beaucoup de sortes de langues et beaucoup de sortes d’écritures pour toutes sortes de langues, et il m’en a montré quelques-unes..
«Oui, le crayon», disait maintenant ma tante au téléphone. Elle jetait parfois un oeil sur moi en parlant à Simon. Je la regardais de loin. Elle m’a fait une sorte de petit sourire rapide et elle a détourné les yeux. La veille, j’avais demandé à Simon combien il y avait de sortes d’écritures dans tout le monde entier. Il avait levé les mains en les secouant, il avait fait un air en écarquillant les yeux, puis il avait dit: «Des milliers.« «Ah oui?» Il a ri et il a dit: «Peut-être des millions.» «Tant que ça?» «On peut même en inventer», qu’il a dit encore en regardant ma tante qui s’était mise à jouer avec le crayon-feutre. Ma tante a fait signe que “oui” avec la tête et «hum, hum» avec sa grande bouche, et avec surtout le haut de son nez, tout en examinant le crayon-feutre. «J’vous crois pas», que j’ai dit à Simon à propos des langues. Ils se sont regardés un instant tous les deux puis Simon m’a dit en montrant le crayon feutre que ma tante tenait: «Avec ça, tu peux écrire des langues qui existent pas encore. Ça peut écrire la langue qui fait rire, la langue qui fait pleurer, celle qui met le feu.» «Simon! Voyons!», avait lancé ma tante. «J’aimerais ça écrire ma composition française avec», ai-je dit. «Non non, a dit ma tante, ça…» Simon l’a regardée et elle s’est tue. Puis Simon m’a dit en se retenant de rire, ça je le voyais bien : «C’est vrai, t’es mieux de pas faire ta composition française avec ça…» Il s’est tourné vers ma tante. Elle m’a regardé, ses yeux étaient sombres, illisibles. Elle m’a dit: «Simon a raison, faut pas toucher à ce crayon-là!»
Et ce matin, ma tante est partie faire les courses, et je suis allé m’emparer du crayon dans la chambre de ma tante, et ..
Vous connaissez le reste.
Maintenant le crayon veut encore écrire, ça je le sens dans ma main, le crayon vibre, chaud. Ma tante me regarde en parlant avec Simon au téléphone. «J’penses que Ticoune a trouvé comment…», dit-elle à Simon au téléphone en me regardant.
Le crayon-feutre vibre dans ma main. Je suis excité mais je suis inquiet. La journée risque de passer sans que j’aie pu faire ma composition française. Je regarde ma tante. «Tout noter?», dit-elle dans le téléphone en regardant les murs et le tapis, le cadre.
Elle a pas encore vu dans la chambre d’amis où j’ai ma table de travail. «Il a le don, tu penses?», qu’elle dit à Simon au téléphone. Elle me regarde. «En tout cas, moi je pouvais pas», dit-elle à Simon. Elle soulève les yeux en haussant les sourcils comme pour dire: «Oui, il a le don, c’est sûr, ça se voit…» J’aimerais bien savoir quel don j’ai. Ma tante glisse le dos de sa main sur son front perlé de sueur en écoutant Simon à l’autre bout. Elle a chaud. Moi aussi. Il fait chaud. Puis j’entends ma tante dire: «On serait pas mieux de tout photographier au lieu de transcrire? Y en a partout…» Un moment de silence. Puis ma tante dit encore : «Oui, partout dans le salon…» Un court moment de silence. «Partout, j’te dis!» Silence, elle regarde autour. «… Partout, à part un mur. J’peux pas m’mettre à tout transcrire.» Silence. «Des runes, des barbots en énochien, un peu de grec je pense, quelque chose qui ressemble à de l’hébreu… Le reste, je sais pas, je connais pas. En tout cas il fait chaud, de plus en plus chaud…» Silence. «Chaud, chaud, c-h-a-u-d “chaud”, tu comprends plus l’français?» Silence. «C’que tu lui as dit? Si j’me rappelle c’que t’as dit à Ticoune?!? Mais comment veux-tu que .. ? … » Silence. «Non, je chauffe pas la maison, non!» Silence. «Je chauffe pas, j’te dis, j’ai arrêté le chauffage hier…» Silence. «Oui, la chaleur, ç’a augmenté, j’t’ai dit!» Silence. «Tout noter?!» Silence. «Tout noter avant que, .. avant que quoi? Répète, j’ai pas entendu, on pourrait demander au petit de tout réécrire sur papier et ?…» Silence. «Ça se réécrit pas? .. Oui! Évidemment, le papier ça brûle! » Silence. «Faut faire attention c’est dangereux?» Silence. «Simon!» Silence. «Ça y est!» Silence. «Non, Ticoune! Arrête!», qu’elle me lance.
Moi, j’me suis remis à écrire sur le mur qui restait, c’est le crayon qui mène. Ma tante Émilie, énervée, dans le téléphone : «Non! Ticoune a recommencé à écrire sur l’autre mur, le dernier mur! C’est… C’est… J’sais pas c’que c’est, non, mais y fait chaud, Simon, on sue à grosses gouttes ici …» (court silence) «… Han? Mais j’peux pas contrôler tout ça, Simon, viens, c’était ton idée, ça …» Silence.
Moi, je suis le mouvement véhément du crayon-feutre. Je dois être en train d’écrire une histoire avec une écriture qui existe pas. L’écriture de la langue qui fait rire, ou qui fait pleurer, on va voir, ou bien c’est celle qui met le feu. Ma tante tousse. Ma tante dit dans le téléphone : «J’te dis qu’la chaleur monte, Simon!» Silence. «Han? Que quoi? Simon, ça monte, j’te dis!» Silence. «Lire les signes!? Sur le ton que… Les lire sur quel ton, tu dis?!? Simon, qu’est-ce qu’y faut faire?!» Silence. «C’que t’avais dit à Ticoune? Qu’est-ce t’avais dit à Ticoune?!» Silence. «La langue qui…, la langue qui met quoi!?…» Silence. Ma tante tousse encore. «Si ça fume dans la pièce? Oui!!…» Ma tante regarde autour, tousse. «Oui, Simon, ça fume! Simon?… J’peux pas contrôler, Simon… Y a… Y a du feu dans le mur! Simon, l’mur brûle! Simon?… Simon!!?» Silence. «J’peux pas l’arrêter, Simon, j’peux pas!… Han?…»
Ma tante regarde le mur où j’écris. «Ça ça brûle…» Silence. «Ça fume, ça brûle! Simon… Qu… Qu’est-ce est qu’on fait… Allô? Qu’est-ce est qu… Simon!? Simon!!! Raccroche pas! Simon, écoute! Viens chercher ton crayon! Simon! T’as raccroché, maudit! Simon!! Ah! t’es là! Arrête de niaiser! J’ai peur! Le feu monte dans l’plafond, Simon! Quoi? Ticoune? Mais Ticoune y s’en fout, y continue! Tu.. Tu ris!?.. Tu..! Simon! C’est pas drôle! Simon! C’est pas drôle!! Hein? Appeler les quoi?.. »
© Copyright 1989, 2012 Hamilton-Lucas Sinclair (Loup Kibiloki, Jacques Renaud, Le Scribe), cliquer
Les oeuvres de fiction de Jacques Renaud qu’on trouve sur ce blog :
Le Cassé, la novella, avec les nouvelles; la vraie version originale et intégrale, la seule autorisée par l’auteur. — Le Crayon-feutre de ma tante a mis le feu, nouvelle. — L’Agonie d’un Chasseur, ou Les Métamorphoses du Ouatever, novella.
La Naissance d’un Sorcier, nouvelle. — C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer, nouvelle. — Émile Newspapp, Roi des Masses, novella. — Et Paix sur la Terre (And on Earth, Peace), nouvelle. — L’histoire du vieux pilote de brousse et de l’aspirant audacieux, conte
Le beau p’tit Paul, le nerd entêté, et les trois adultes qui disent pas la même chose, nouvelle — La chambre à louer, le nerd entêté, et les quinze règlements aplatis — La mésange, le nerd entêté, et l’érudit persiffleur
Jack le Canuck, chanson naïve pour Jack Kerouac, poème — L’histoire de l’homme qui aimait la bière Molson et qui fut victime de trahison, conte
Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : La Petite Magicienne, nouvelle; Héraclite, la Licorne et le Scribe, nouvelle.
Sur Le Cassé de Jacques Renaud, des extraits de critiques.
Jadis, la liberté d’expression régnait dans ma ruelle, ou La ruelle invisible
Le Cassé de Jacques Renaud : le vrai, le faussé, le faux (A-t-on voulu détruire la carrière de l’auteur ?)
And on Earth Peace, Le Cassé, le joual, Jacques Renaud (Sur Jacques Renaud, l’époque du Cassé, le “joual”.)
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