C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer – nouvelle de Jacques Renaud.

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Fantasy Fish – Poisson Fantastique – du peintre Elen Christof (peintre américain; je ne me lasse pas de ce poisson). Source et lien vers son site en cliquant sur l’image; source of illustration and link to American painter Elen Christof’s site by clicking on image.


Il y a un article sur ce blog portant sur cette nouvelle et sur le symbole du Poisson: « C’est Der Fisch qui a détruit le Mur de Berlin.  Berlin, Check-Point Charlie, Die Mauer, la Mitre.»


 

La nouvelle C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer, de l’écrivain québécois Jacques Renaud (auteur de Le Cassé), a été écrite à Berlin-Ouest, MartinStrasse, en 1984, cinq ans avant la destruction du Mur. («Der Fisch», en allemand, signifie «Le Poisson».)

Cette nouvelle a été publiée pour la première fois au printemps 1987, en France, dans la revue Brèves, No 24/25, sous le titre «Der Fisch» dans un «Spécial Québec» préparé et présenté par Serge Safran.

La même nouvelle a été reprise dans L’Espace du Diable, de Jacques Renaud, un recueil de cinq nouvelles et d’une novella, publié en 1989 à Montréal et dont le dépôt légal date du 3e trimestre 1989.

En d’autres termes, la nouvelle a été publiée pour la deuxième fois, au plus tard, avant la fin du mois de septembre 1989.

Un  peu plus d’un mois plus tard, ce fameux 9 novembre 1989, le Mur de Berlin tombait. Tombait à l’eau, quoi. Comme s’il avait attendu que la nouvelle soit publiée juste un peu avant … :-) Comme si, comme si, bien sûr.

Je mentionne tout ça simplement parce que certain critique québécois, à l’époque de la publication de L’Espace du Diable (qui contenait la nouvelle présentée ici) avait laissé entendre que cette nouvelle avait été écrite après la chute du mur, même si ce critique avait, sous son nez, la preuve imprimée du contraire, et même s’il connaissait et lisait la revue Brèves dans laquelle la nouvelle avait été publiée au printemps 1987 (comme on a vu).   P’tit monde :)  Ennéoué.

Jacques Renaud, l’auteur, a apporté quelques corrections de style.

Loup.

Note: On appelle «ichtyophobe», celui ou celle qui a la phobie (qui a peur) des poissons.


C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer

Jacques Renaud

nouvelle


© Copyright 1984, 2010 Hamilton Sinclair ( Loup Kibiloki, Jacques Renaud, Le Scribe), cliquer


 

Le Poisson arriva de l’Est à cinq heures de l’après-midi vers la fin du mois d’octobre et se plaça en queue à la station souterraine de métro Friedrich-Strasse pour passer à Berlin-Ouest.

C’était à une de ces époques où les tensions entre l’Est et l’Ouest diminuent, particulièrement à ce poste-frontière souterrain dans le métro de Berlin entre Berlin-Est et Berlin-Ouest.

On peut penser que c’est cette rumeur de détente qui avait attiré Der Fisch (c’était le nom du poisson, “Der Fisch”, “Le Poisson”) à la station. Il y avait longtemps qu’il voulait aller à Berlin-Ouest.

On sait que la frontière entre Berlin-Ouest et Berlin-Est est un tissu de paradoxes sur lesquels nous n’insisterons pas. Qu’il suffise de dire qu’il n’y a de frontière, dans cette station de métro, que du côté de l’Est, pas du côté de l’Ouest; qu’un mur d’environ deux fois la hauteur d’un homme et d’une longueur de 168 kilomètres entoure tout Berlin-Ouest (ce qui a une certaine importance pour l’intelligence de notre histoire) et qu’il est infiniment plus facile pour un Berlinois de l’Ouest d’aller faire le touriste à Berlin-Est, par tranches-limites de vingt-quatre heures et en payant chaque fois vingt-cinq Deutsche Marks, que ce ne l’est, pour un Berlinois de l’Est, de le faire en sens contraire.

Der Fisch arrivait de l’Est et il voulait passer de l’autre côté. Faire un tour. C’était un bon gros poisson, honnête et déterminé.

Certains sont allés jusqu’à comparer Berlin-Ouest, avec les kilomètres du mur qui l’entourent, à un îlot occidental perdu dans l’océan du communisme. Der Fisch n’était pas d’accord avec cette version des choses. D’abord, l’Allemagne dite “communiste” (qui ne l’est pas et ne l’a jamais été – elle est socialiste), qui baignait et enveloppait Berlin-Ouest, n’était pas un océan, ni même un lac. Ensuite, Der Fisch savait qu’on ne construit pas un mur circulaire, comme celui qui entourait Berlin-Ouest, pour obtenir une île. Ordinairement, on fait ça pour obtenir une piscine. Der Fisch n’était pas con. Il avait son idée: que ce devait certainement être une piscine d’une espèce toute spéciale et dont la nature ou le contenu étaient extrêmement bien cachés. Une piscine immense, c’est sûr, et non pas un de ces prétentieux petits trucs olympiques avec rien dedans que de l’eau aseptisée. Et si on cachait le contenu de cette piscine, c’est qu’on devait avoir de bonnes raisons. En tout cas, il devait y avoir beaucoup d’eau. Der Fisch n’était pas venu ici pour rien, au hasard, sans penser: il s’était fait une idée claire de la piscine et il irait sentir les eaux de ce côté-là, il y nagerait, il boufferait du fretin, gros ou petit, il ferait ce que tout poisson de sa taille a le goût de faire ou peut se permettre de faire. Ensuite, il reviendrait.

Der Fisch garda la queue pendant une heure. Il était maintenant au cinquième rang parmi les touristes non-allemands et les quelques Berlinois de I’Ouest qui revenaient de leur périple de vingt-quatre heures à Berlin-Est.

Les murs de la station au poste-frontière souterrain étaient hauts. Jaunâtres. Der Fisch s’en accommodait: il s’y sentait déjà comme dans un étrange aquarium rempli d’une eau invisible, épaisse, encore intouchable. C’était peut-être une eau semblable qu’il y avait de l’autre côté du mur.

Der Fisch attendait, avançant de quelques pouces chaque fois qu’un visiteur repassait à l’Ouest après la vérification des passeports ou des papiers.

Une heure passa encore.

Pratiquement plus personne, parmi les gens qui se tenaient en ligne devant et derrière lui, ne parlait l’allemand, ou n’importe quel dialecte allemand, y compris le berlinois (par exemple, un vrai Berliner ne dit pas “Ich” quand il dit “je”, il dit “Ik” – ça, vous saviez pas, c’est sûr). Le dernier Berlinois était repassé une heure auparavant. Ceux qui restaient n’étaient ni allemands, de l’Est ou de l’Ouest. Ni poissons, d’ailleurs. Sauf Der Fisch.

Der Fisch était maintenant le deuxième en queue. Dans une trentaine de minutes il franchirait lui-même les limites, pousserait sur le deuxième portillon verdâtre, de l’autre côté du guichet vitré, et il plongerait dans les eaux de Berlin-Ouest, dans l’immense piscine cachée.

Même s’il venait de l’Est, il passerait, comme les touristes qui retournaient. Il le savait. Il passerait.

Der Fisch était grand. C’était un grand poisson. Pas mal grand pour un poisson d’eau douce. En fait, Der Fisch était une truite. Une grosse. Sa tête dépassait sensiblement d’un bon pied celle de tous les touristes de sa rangée.

Nous savons tous qu’un poisson qui marche de front, sur les deux bouts de sa queue, a un oeil qui voit droit devant, et l’autre derrière la tête. Der Fisch n’eut donc pas à se retourner pour constater qu’il ne restait pas grand monde derrière lui: une vieille femme debout, droite sur ses jambes, et une jeune fille écrasée sur son pack-sack en nylon rouge.

C’était tout.

Il n’y avait pas grand monde qui retournait dans la piscine. Peut-être parce qu’on était en octobre? On approchait pourtant minuit, l’heure-limite pour le retour à l’Ouest. Mais c’était parfait comme ça. Ou autrement. Der Fisch, au fond, s’en fichait. Il était très capable d’attendre et très capable de ne pas attendre. Les deux. Il réalisa d’un coup l’extrême polyvalence de son tempérament et il s’en trouva bien. Avec une pareille froideur d’humeurs, on pouvait se sortir de bien des mauvais pas et traverser n’importe quel poste frontière, la queue dans le nez. Et il était probablement, bel et bien, d’après ses propres observations, le seul Berlinois de l’Est à vouloir traverser la frontière, en tout cas ce jour-là et à cette heure-là.

Côté douanes, derrière le guichet vitré coincé entre les deux portillons verdâtres – l’un donnant à l’Est, l’autre à l’Ouest – où chaque touriste était momentanément isolé comme dans une cage pour l’examen des passeports, Ernst Gomatke, le douanier de service, même s’il n’y avait jamais vraiment pensé, aurait certainement répondu “non” si on lui avait demandé: “Êtes-vous un poisson, ein Fisch?” Il n’était ni poisson, ni rien de la sorte. On aurait peut-être, tout au plus, noté que le mot “poisson” le faisait curieusement frémir. Rien de plus. Gomatke était un agent des douanes de la D.D.R. Il en était fier, parfois ouvertement, parfois secrètement, rempli d’une foi typiquement luthérienne envers les autorités. Du moins les préjugés socio-historiques nous poussent-ils à le penser, ce qui ne prouve absolument rien – et Der Fisch, un marginal, en était tout-à-fait conscient.

Les pensées flottantes de Ernst Gomatke se ramassèrent en un petit grumeau qui s’effrita d’un coup quand il vit apparaître, à travers la vitre du guichet, la grosse mitre monoculaire et humide de Der Fisch qui se penchait vers lui.

Il ne l’aurait certainement pas admis en présence des autorités mais il éprouva, sur-le-champ, une terreur pissante au bas-ventre et ce frisson désagréable, classique et glacial qui lui saisissait le dos et le cou et glissait jusque sur ses mains qu’il serra instinctivement, compulsivement, pendant que ses orteils se resserraient dans ses bottes et qu’il faisait saillir et ballonner sa lèvre inférieure en se mordant celle d’en haut comme une tranche de jambon.

Puis d’un coup, les dents de Ernst relâchèrent sa lèvre supérieure. Il se leva, tourna deux ou trois fois sur lui-même dans le guichet, en proie à une panique folle, parvint à se contrôler un peu au quatrième tour et soudain, comme mû par un ressort, il sortit précipitamment de l’édicule, pensa un instant aux toilettes pour lesquelles il éprouvait soudain une nostalgie folle –  mais se contrôla – contourna l’approche du guichet et en ouvrit précipitamment le portillon. Il regarda attentivement celui qui venait tout juste de pencher sa tête vers lui par le guichet vitré.

Ja. Horreur. Pas d’erreur.

C’était un poisson. Un gros. Pas d’erreur.

Ça sentait les complications.

Ernst appela immédiatement l’un des officiers de service qui se précipita vers lui, baissa la tête, jeta un coup d’oeil perplexe à la fourche du pantalon de Ernst. Puis l’officier leva la tête vers le visage de Ernst, l’observa un instant en en comparant la couleur aux murs jaunâtres de la station de métro; le foie des murs semblait dans un meilleur état. L’officier subalterne se contenta de dire: “Ja! Kamarad?!”

– Hans, répliqua Ernst, prends ma place. On a un problème d’identité. Évêque ou poisson. Faut que j’y voie. Prends ma place au guichet.

– Ja, Kamarad, fit Hans.

Hans alla prendre la place de Ernst au guichet pour faire passer la vieille qui attendait. Ernst fit un signe de la main au poisson pour qu’il sorte de l’édicule.

Ernst Gomatke observa un instant le manège de Hans qui s’installait au guichet, et celui de la vieille qui entrait dans l’édicule. Puis il se tourna lentement vers le poisson qui était revenu se placer, toujours debout, immobile, devant la dernière personne de la queue, la jeune fille écrasée, à moitié endormie sur son pack-sack rouge, dispendieux, typiquement ouest-européen.

Ernst regarda bien Der Fisch et nota tout de suite qu’il s’agissait d’une truite, avec des écailles, des ouïes, des nageoires, une bouche bée. La truite se tenait bel et bien en équilibre stable sur les deux bouts légèrement retroussés de sa queue. Un oeil latéral faisait face à l’officier et semblait le fixer. En fait, l’oeil semblait parfois le regarder, lui, Ernst, et semblait parfois regarder le plafond ou les murs. Ou tout en même temps. Ou peut-être rien du tout…

C’était la première fois que le préposé au guichet voyait une truite de cette grosseur au poste-frontière souterrain de la Friedrich-Strasse. Et debout. Mais le problème n’était pas là. Le problème immédiat, le vrai problème, était de parvenir à ouvrir sa propre bouche pour demander au poisson de produire son passeport ou ses papiers. Les nerfs de Ernst, que ce dernier contrôlait maintenant, ou tentait de contrôler, avec une volonté de fer, se vengeaient de lui en lui soudant subversivement les dents du haut à celles du bas. Ernst connaissait la faune de son pays mais pas suffisamment pour jurer que cette truite était bien allemande – et de l’Est. Elle pouvait être russe, polonaise, yougoslave, turque, anglaise, américaine… Il aurait soudain voulu se retrouver n’importe où, en Sibérie ou à Berlin-Ouest, mais pas ici. Le problème était trop gros.

Il parvint cependant à faire un autre signe de la main au poisson qui se mit à marcher vers lui en posant un bout de queue retroussée devant l’autre, son oeil semblant parfois se confondre avec la lumière blafarde de la station, le vert délavé des portillons, le jaunâtre des murs.

(“Ein Fisch! Ja. Ein Fisch!”) Oui. Un poisson.

Ernst se remit à trembler.

Trembler: aurait-il à répondre de ça devant les autorités? C’était humiliant. Le poisson était maintenant sur lui, avec son oeil plat et brillant comme un énorme, énorme bouton de parka. Ernst pouvait même sentir le froid humide de la truite, un froid un peu huileux, courir sur sa propre chair en y faisant lever des picots.

Sa mâchoire se desserra soudain, sa bouche articula: “Pass, bitte – papiers, s’il vous plaît…”

La  bouche du douanier se ressouda aussitôt.

– Tiens, c’est la première fois qu’on prend mes ouïes pour des poches, fit Der Fisch.

L’autre, qui venait d’entendre, regardait Der Fisch, les yeux ronds, le ventre crispé.

Le poisson se rapprocha encore et poursuivit: “Comme vous pouvez voir, je suis nu, Ernst Gomatke. Pas de poches, pas de papiers. Des ouïes, oui…”

L’officier, scellé dans son mutisme, regardait Der Fisch avec un irrépressible besoin de pisser.

Le poisson poursuivit, de sa voix calme, fluide, étonnamment douce: “Je crois que je suis en règle. À l’Est, les poissons ne sont pas tenus de porter de vêtements. En tous cas, pas l’uniforme, ça j’en suis sûr… À l’Ouest, je sais pas…”

– Ja! explosa soudain Ernst, pris d’un fou rire cascadant qui résonna partout dans le vide de la station.

Il venait de penser: “Pas de vêtements, pas de papiers, le problème est réglé!” Le poisson devait rebrousser chemin un point c’est tout!

Du bras, de la main et de l’index, Ernst indiqua au poisson la direction de l’Est.

– Il faut retourner en arrière monsieur… Monsieur?

– Der Fisch.

– Vous n’avez pas de papiers. Pas de papiers, pas de passage. Rebroussez chemin.

Le poisson sembla attendre un instant puis se tourna, lentement, pendant que Ernst regardait l’oeil disparaître peu à peu à sa vue.

Le poisson fit ainsi un tour complet sur lui-même. L’autre flanc du poisson apparut face à Ernst, et l’autre oeil, pareil à l’autre.

– Vous voyez bien que rebrousser chemin ne change rien, murmura Der Fisch, profondément convaincu qu’il irait nager dans la grande piscine.

Avant que Ernst ait pu répliquer, le poisson poursuivait: “Mon derrière est comme mon devant. C’est la même chose, d’ailleurs, pour mon devant: c’est comme mon derrière. Ou alors je n’ai ni devant, ni derrière. Alors comment rebrousser?…”

Le poisson avait effectué la manoeuvre avec une aise angélique. Il faisait toujours face au préposé avec son autre oeil, pareil à l’autre, et les deux pointes de sa queue qui lui servaient de pieds s’étaient re-retroussées comme avant, les pointes vers l’officier.

Ernst Gomatke jeta un regard éperdu, inquiet, autour de lui, en quête d’une aide dont il ne voyait plus d’où elle pourrait venir. La touriste au pack-sack était repassée à l’Ouest et Hans était probablement parti boire un Schnapps en cachette. Ernst Gomatke était seul dans la station avec le maudit poisson. De toute façon, c’était lui, Ernst, qui était en charge de la grenze, ce jour-là. C’était à lui qu’il revenait de résoudre le problème.

Ou le cauchemar.

Cauchemar ou pas, Gomatke se sentait complètement paralysé par la présence de l’énorme truite. Der Fisch était impressionnant. Ou impressionnante. Gomatke commençait à sombrer dans un étrange état d’engourdissement et de fascination. Il avait soudain une envie folle d’aller se baigner. Lui aussi. Et en même temps, cette envie folle lui répugnait. Était-ce à cause du poisson qui se tenait debout, presque contre son nez, que Gomatke commençait à sentir de l’eau poissonneuse partout, autour de lui, une eau invisible mais épaisse?

Gomatke tenta de revenir à lui. Il pensa soudain que ce n’était peut-être pas une situation totalement inhabituelle. D’autres officiers des douanes, comme lui, avaient peut-être déjà eu à traiter avec des poissons. Peut-être semblables à celui-ci. Ernst fit un effort de raisonnement et se convainquit que, certaines minorités mises à part peut-être, la race, le sexe ou le niveau culturel des gens ne devaient jamais influencer la qualité de l’approche ou du traitement. Ça devait aussi s’appliquer aux espèces. Rien, en fait, ne devait jamais prévenir un serviteur de la D.D.R. de tenter d’établir ou d’ouvrir un dialogue avec un individu, si marginal fût-il. Ernst essaya de se rappeler dans quel maudit manuel il avait bien pu lire, déjà, cette directive, mais il ne parvint pas à se rappeler. Quoi qu’il en fût, ce poisson, de toute évidence, n’essayait pas de passer en fraude: il empruntait la filière officielle, sans se cacher, il n’essayait pas de sauter le mur ou même de franchir secrètement la Spree. Der Fisch était un bon, un très bon poisson, un très bon poisson bien discipliné, respectueux des autorités. Il était digne d’un traitement honorable. Ce n’était pas un adversaire du peuple.

Ernst se détendit. Tenta de se détendre. Réussit un peu. Ses crampes d’estomac diminuèrent. Un peu. Ses dents se desserrèrent: “Hum, vous comprenez, Herr …”

Gomatke hésita.

– “Herr Fisch”, précisa le poisson d’une voix de violoncelle qui semblait glisser partout sur les murs jaunes-verts.

Il ajouta: “Ou “Der Fisch”, comme ils m’appellent quand ils me pêchent… Ou quand ils essayent…”

– Ach! so, fit Gomatke. Ach! so, Der Fisch… Je dois vous dire: il vous faut absolument des papiers pour traverser à Berlin-Ouest, c’est le règlement.

Ernst regardait maintenant le poisson avec un sourire d’ange de Reims.

Der Fisch répondit aussitôt: “Que voulez-vous que je fasse avec des papiers dans une piscine? La seule sorte de papier que je connaisse dont le destin est de finir à l’eau c’est votre papier hygiénique, j’en sais quelquechose.”

L’allusion cingla l’officier.

Il avait été trop, beaucoup trop poli, beaucoup trop gentil avec cet intrus. Il allait trop loin. Gomatke nota cependant qu’il avait mécaniquement caché ses propres mains derrière son dos: elles lui semblaient soudain enduites de toute la crotte humaine de ces tonnes de papiers qu’il n’avait jamais cessé de demander à tout le monde depuis vingt ans. Il sentit monter en lui une nervosité, une colère, une rage dépitée et, en même temps, il avait la sensation de s’enfoncer dans un puisard épais et froid comme la mort. Il sentit soudain sa vie en danger et tout son être réagit massivement, hurlant presque, d’abord dans sa tête, comme pour  récapituler: “Papiers! Si pas papiers, retour au bercail, tas de shaise, pots de merde!” Puis il ouvrit la bouche et hurla: “Il vous faut des papiers en ordre, c’est clair! Autrement faut retourner en D.D.R., côté face ou côté cul, avec ou sans derrière, avec un oeil de cul, de flanc ou d’occiput, égal! MAIS TU PEUX PAS TRAVERSER L’MUR! VERSTEHST DU???”

– Ja, je comprends, murmura le poisson, toujours sur le même ton de voix. Ik verstehe. Il en faut. Puisqu’il en faut, allez donc aux toilettes et rapportez-m’en donc une bonne épaisseur.

L’oeil du poisson brillait avec un tel éclat que Ernst Gomatke sentit de nouveau l’urgence du cabinet qui l’avait déjà tiraillé quelques minutes avant. Il se mit à courir, tourna un coin côté D.D.R., toujours dans le métro, poussa une porte marquée Herren, s’assit pendant cinq minutes, compléta, en forçant, les formalités qui le concernaient, puis revint à Der Fisch avec une épaisseur de papier rude, cheap mais résistant, frais, solide, un bon gros papier honnête et tendit le tout au poisson d’une main qui n’arrêtait pas de trembler.

– C’est titil… C’est illégal, pppas na-tu-rel, je me souviens pppas d’avoir lu ça dans les manuels, mmmais j’ai jamais vu de dde … de toutes façons, faut en finir!…

– Vous ne le regretterez pas, murmura le poisson. Grâce à ce bon tapon de papier d’quat’sous, vous allez permettre à un pauvre citoyen de la D.D.R. d’aller nager un moment dans les eaux de la grande piscine capitaliste berlinoise, de l’autre côté de la grenze, et qui sait, peut-être, d’avaler quelques-uns de ces maudits bandits fascistes…

Gomatke, perplexe, s’efforça encore de maîtriser sa nervosité. Ce poisson qui le terrifiait n’était peut-être, après tout, qu’un pauvre innocent. Gomatke contrôla son débit.

– J’veux pas vous contredire, Herr Fisch, mais Berlin-Ouest, c’est pas une piscine. Je sais pas tout ce qu’on trouve de ce côté-là, mais c’est certainement pas, non plus, un aquarium.

– Bien, fit Der Fisch dont la voix glissait doucement en résonnant partout dans l’air et qui ne voulait pas détromper le douanier. Ça veut dire que mes papiers vont durer plus longtemps… Merci…

D’un geste leste de sa nageoire latérale, Der Fisch s’envoya le tapon de papier dans l’ouïe.

– Ja, fit Gomatke, qui sentait que l’affaire tirait à sa fin.

Il regarda Der Fisch s’acheminer lentement, comme un fluide, jusqu’au premier des deux portillons verdâtres qui le séparaient du grand paradis liquide. Mais juste avant d’ouvrir le premier portillon, qui donnait sur le guichet vitré, Der Fisch se tourna vers Gomatke, maintenant seul dans la pièce aux plafonds trop hauts, à la lumière trop blafarde, aux murs trop jaunâtres, trop épais.

Gomatke sentait une épaisseur liquide et mystérieuse le comprimer de toutes parts.

– On a parfois besoin d’un plus poisson que soi pour s’apercevoir qu’on peut aussi nager, murmura Der Fisch… Vous n’auriez pas eu si peur de moi si vous aviez appris, de votre côté, à vivre sous l’eau. Enfin… Je ne suis pas là pour vous sermonner, Gomatke, je vous ai toujours aimé…

Gomatke crut voir l’oeil du poisson cligner.

Il avait hâte, hâte que Der Fisch soit de l’autre côté à faire angoisser et à faire chier les bandits de l’Ouest.

Après avoir apparemment cligné, l’oeil du poisson fixa le douanier encore un moment.

Gomatke aurait hurlé.

(“Y va traverser, oui ou non!”)

Le premier portillon crissa et le poisson s’avança, dans le petit couloir flanqué du guichet, passa devant le guichet, poursuivit vers l’autre portillon, celui qui ouvrait à l’Ouest vers sa maudite piscine. Son oeil arrière ne lâchait pas Gomatke et Der Fisch ne laissa pas tout de suite se refermer le premier portillon. Gomatke, les tripes serrées, le coeur battant d’un bord, de l’autre, les oreilles sifflantes, entendit Der Fisch lui dire: “Et si je n’étais pas un poisson, Herr Gomatke? Hein? Vous n’avez pas pensé à ça? Hi! Hi! Hi! Et si j’étais un citoyen de la D.D.R. se passant lui-même en contrebande sous ce déguisement?…”

Der Fisch écrasait Ernst Gomatke de tout son oeil arrière. Gomatke était maintenant accroupi, épuisé, au milieu du grand hall, le visage pâle comme la mort, au bord du suicide.

– Rassurez-vous, Gomatke, s’empressa de murmurer gentiment Der Fisch. La farce serait trop grosse, indigne d’une nouvelle bien écrite… Je plaisantais. Je suis une vraie truite. Un peu grosse, c’est vrai. Mais une vraie truite, de l’Est. Maintenant, je vais vous montrer quelque chose.

Der Fisch, toujours en gardant le premier portillon ouvert, poussa sur le deuxième qui donnait à l’Ouest.

Ce fut soudain. Fraction de seconde. La mâchoire inférieure de Gomatke s’ouvrit vers le bas de plusieurs centimètres. Le maudit poisson avait raison.  Absolument. C’était de l’eau, de l’autre côté. Des tonnes. Gomatke n’eut ni le temps de se suicider, s’il eut fallu le faire, ni celui de penser plus.

L’eau s’engouffrait massivement à travers l’étroit passage en le faisant éclater, renversant tout sur son passage.

En quelques secondes, toute la station Friedrich-Strasse fut balayée par un gigantesque raz de marée d’eau douce.

L’eau ressortit comme un geyser par l’ouverture de la station à l’Est, envahissant le Vieux Berlin, emportant, patte en l’air, toute la garde du Mémorial aux victimes du Fascisme, roulant en tous sens, sans interruption, jusqu’à Alexander Platz, s’enroulant furieusement, comme une immense tresse liquide, autour de la Tour Radio-Télé, vertigineusement haute, grimpant en spirale autour de son axe jusqu’à l’immense oignon sphérique qui l’ornait au bout et en l’arrachant d’un coup avec son restaurant et ses touristes. L’eau poursuivit son chemin en se précipitant vers la Pologne et en emportant, comme un flotteur, la grosse sphère arrachée à la Tour, avec Der Fisch debout dessus, extatique, ses papiers d’identité se déroulant et se défaisant dans l’onde, comme un ruban, hors de ses ouïes.

De Ernst Gomatke, tout ce que l’on sut, par la suite, à partir de fragments détrempés de dossiers de police tenus jusque-là secrets, et récupérés par chance beaucoup plus tard, est qu’il était ichtyophobe.

On ne parvient pas encore à comprendre, aujourd’hui, comment une truite du volume de Der Fisch, aussi voyante et aussi spéciale, ait pu parvenir, un jour, à se faufiler dans les couloirs de la bureaucratie est-allemande et à prendre connaissance du contenu d’un dossier de police aussi obscur et en même temps aussi sensible, aussi insignifiant et en même temps aussi explosif et aussi crucial.

Berlin-Ouest, MartinStrasse, 1984.

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Des notes de l’auteur:

J’aime bien la première phrase de la nouvelle: «Le Poisson arriva de l’Est à cinq heures de l’après-midi vers la fin du mois d’octobre…» Le 9 novembre, c’est pas «la fin du mois d’octobre» mais, à l’échelle de «l’Histoire», c’est proche. Tout ce qui manquait, au bout de la phrase, c’était l’année :-) Anyway: le Poisson était là, fidèle à son rendez-vous avec le destin et avec les neurones de l’auteur…

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Der Fisch n’est pas une prédiction, évidemment, mais c’est peut-être une sorte de prophétie «inconsciente», symbolique et humoristique, comme elles se produisent parfois (plus souvent qu’on pense) quand on écrit intuitivement et spontanément, par besoin, par goût, par plaisir serein.

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Je ne crois pas au “hasard” –  qui n’est jamais qu’un synonyme “scienticisé” ou “ensnobé” de “Dieu-dont-les-voies-sont-impénétrables” (comme le hasard). En tout cas, si le “hasard” existe, c’est un dieu qui travaille très fort à tout faire advenir sans en avoir l’air… Mais c’est comme ça: certains “athées”, pas tous, ou encore certains esprits qui se piquent souvent d’être “scientifiques”, semblent être passés maître dans l’art de se payer de mots. Ils ne sont pas les seuls, ça m’arrive, ça arrive à tout le monde, mais certaines personnes semblent particulièrement douées pour ne jamais s’en rendre compte.

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J’aime redécouvrir la symbolique spontanée de Der Fisch: le poisson dressé, la mitre, l’oeil double, chaque oeil tellement semblable à l’autre qu’on ne parviendrait que très difficilement à les distinguer l’un de l’autre – et pourtant, ils ne sont évidemment pas le même, donc ils sont différents…  Vous êtes-vous déjà arrêté à observer, entre autres sur une photo, l’oeil gauche, puis l’oeil droit? Observez bien. Chez certains, la différence peut être très marquée. Quel est celui des deux yeux qui semble le plus profond? Et qu’est-ce que ça peut signifier? Allez-y, plongez, observez, vaut toujours mieux errer, même longtemps, sur son propre chemin, que d’avoir parfaitement raison en empruntant le chemin d’un autre. Je disais ça comme ça. Srî Aurobindo disait la même chose. C’est grâce à lui que cette idée a pris naissance en moi et s’est établie avec toute l’importance qu’elle avait à prendre dans mon esprit et dans ma conscience. Bon, de quoi je parles…

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Je ne commenterai pas la nouvelle, ici (Ah, tiens?!…), ce serait trop long. Peut-être une autre fois. Mais j’aimerais mentionner ceci en passant: comme beaucoup d’artistes ou d’écrivains, il m’arrive très, très, très rarement (presque pratiquement jamais) d’élaborer une symbolique ou une signification avant de rédiger un texte. Je découvre une symbolique ou une signification, si j’en découvre une, après. Souvent “par accident” ou par ce “hasard” qui travaille très fort pour nous déniaiser et nous faire prendre conscience qu’il existe peu, puis à peine, puis pas du tout…  De plus, je laisse surgir ces significations sans jamais les forcer. J’essaie d’en sonder l’écho ou la vérité. Avec une attitude très semblable à celle que je privilégie quand j’écris. Finalement, tout ça pour dire que j’ai la même attitude tout autant en rédigeant qu’en observant après coup…

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Je me méfie des dictionnaires de symboles, mais je les trouve quand même utiles (comme dans “méfie-toi des dictionnaires mais garde-les à portée de bout de bras”,  ou comme dans “fais confiance à Allah mais attache ton chameau”, ou comme dans “conscience infinie, mais les pieds quelque part”, etc.), à la condition de ne pas leur demander (aux dictionnaires…) d’être vivant, ou conscient, ou créateur, ou à l’écoûte, en lieu et place de la dynamique profondément conscientisante qui existe en chacun de nous…

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Le lendemain de la destruction du mur de Berlin, le 10 novembre 1989, l’auteur fêtait son 46e anniversaire de naissance… (longue ovation… he..)

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Ceci dit, je sais que ce ne sont pas tous les Allemands – de l’Est ou de l’Ouest – qui se réjouissent de l’événement et de ses conséquences. Et ils semblent avoir souvent d’excellentes raisons. On dit souvent qu’il existe deux côtés à une médaille.  Je vais vous dire: des côtés à une médaille, il en existe autant que le nombre de fois où vous allez la retourner de bord. Quand au Mur, mes sympathies vont spontanément et sincèrement à tous ceux qui en souffrent aujourd’hui parce qu’il n’est plus là, ou qui en ont souffert quand il se dressait.

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J’ai apporté des corrections mineures au texte, comme des corrections de style (essentiellement).

J’espère que vous avez aimé, ou que vous allez aimer Der Fisch.

Jr


© Copyright 1984, 2010 Hamilton Sinclair (Loup Kibiloki, Jacques Renaud, Le Scribe) cliquer


 

Des oeuvres de fiction de Jacques Renaud qu’on trouve sur ce blog :   Le Cassé, la novella, avec les nouvelles; la vraie version originale et intégrale, la seule autorisée par l’auteur.   —   Le Crayon-feutre de ma tante a mis le feu, nouvelle.   —   L’Agonie d’un Chasseur, ou Les Métamorphoses du Ouatever, novella.    –   La Naissance d’un Sorcier, nouvelle.   —   C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer, nouvelle.   —   Émile Newspapp, Roi des Masses, novella.   —   Et Paix sur la Terre (And on Earth, Peace), nouvelle.   —   L’histoire du vieux pilote de brousse et de l’aspirant audacieux, nouvelle  –  Le beau p’tit Paul, le nerd entêté, et les trois adultes qui disent pas la même chose, nouvelle  —  La chambre à louer, le nerd entêté, et les quinze règlements aplatis  —   La mésange, le nerd entêté, et l’érudit persiffleur   –  Jack le Canuck, chanson naïve pour Jack Kerouac,  poème  —    L’histoire de l’homme qui aimait la bière Molson et qui fut victime de trahison   –  Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) :  La Petite Magicienne, nouvelle;  Héraclite, la Licorne et le Scribe, nouvelle.


Beaucoup de poèmes de Jacques Renaud ( Loup Kibiloki )


Sur Le Cassé de Jacques Renaud, des extraits de critiques

Jadis, la liberté d’expression régnait dans ma ruelle, ou La ruelle invisible

Le Cassé de Jacques Renaud : le vrai, le faussé, le faux  (A-t-on voulu détruire la carrière de l’auteur ?)

Sorel : En 2012, on y censure Dieu et Edith Piaf. En 1971, on y censurait Le Cassé de Jacques Renaud…

And on Earth Peace, Le Cassé, le joual, Jacques Renaud  (Sur Jacques Renaud, l’époque du Cassé, le “joual”.)


Loup Kibiloki ( Jacques Renaud )  :    Plusieurs suites poétiques de Loup Kibiloki ( Jacques Renaud )   –  Beaucoup de poèmes de Jacques Renaud ( Loup Kibiloki )  –  Des poèmes à Shiva –   Des histoires, des comptines, des contes.  En prose ou en versets libres.  Parfois bizarres, parfois pas.   –   Toutes les terrasses du monde s’ouvrent sur l’infini. On va prendre un café ensemble


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8 Responses to C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer – nouvelle de Jacques Renaud.

  1. Bon soire, Loup!
    I miss you!

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  2. Hello Loup Kibiloki!
    Unbelievable! I open this page just now -23 february 2012,
    but you answer to my “telegram” from 25 april 2011 the same day…
    So sorry! I didn’t expected answer to my 9 words….
    I’m flattered from the nice things, you says for my fish!
    Who stand behind “Loup Kibiloki”?
    I read in Internet, but can you tell me with two words, please?
    Good night from me!
    Elen Christof

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    • Dear Elen, it’s a pleasure. « Who stand behind “Loup Kibiloki”? » No mystery. There’s already this :

      About Électrodes – Loup, Jacques and Lucas: The inner realm of three.

      And this could help :

      Jacques Renaud (Wiki – in French. Do you read French? )

      In my case, what one usually call the “Legal Name” is : Hamilton-Lucas Sinclair

      I wrote and published (until 1993) mostly in French, essentially under «Jacques Renaud» and occasionally under other pen-names – occasionally, I did a little ghostwriting.

      Since december 2008, I blog here under «Loup Kibiloki» – About Électrodes – Loup, Jacques and Lucas: The inner realm of three.

      «Loup Kibiloki» and «Jacques Renaud» are very different personalities, although they tend to, how to say? «coalesce»? Hamilton-Lucas Sinclair is very aloof, he’s the name usually written in capital letters on documents, driving license, birth certificate, etc., he’s the legal name as I said.

      I feel, deep down, that I don’t have «my real name» yet (if there is one) ; instead, I reach something in me, very calm, some sort of “treshold of vastness” I can’t explain.

      I was born in 1943 (so I’m not a baby-boomer, I’m older).

      I also like your boats, and ships, and others :)

      Can I use occasionally other images of paintings you made as illustrations on this blog – always with a clearly identified url link to source (you, your web site, etc.), as usual?

      Good day, Elen, and thanks for the call

      Loup )

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      • What name I can use, then?… Loup?
        Do you know in Latin language “loup” is wolf?
        But is ok,…I love animals! And Loup is easy to write, than Jacques..
        Yes, you can use my paintings in your blog. But better ask me before.
        Just because some paintings I painted by costumers order.
        The boats “Old Navy” 1 and 2 exist together in one old /maybe 19 century/ painting, by name “The marauders”. I don’t remember name of the painter.
        Maybe is the great russian painter “marinist” Vasilii Aivazovski. Not sure.
        I painted the boats separated in two canvases for one russian family. Then I painted them again, for the second time…. Its not a print, its painted from me, but I never saw boat like that…, so I must “use” something for model….
        In fact…, you can use them, nothing wrong….
        In gallery 14, from my web.., the painting “Boat” is my fantasy, like the “fantasy fish”. In gallery 15, the two abstract paintings “sails” are my fantasy too.
        I can read french, german too…, but I don’t speak with nobody this languages
        and without practice they are forgotten…
        I want to write some stories and like to ask you something…, also I like to email you picture. Can you reply to my personal email address. Its not ok to publish my questions on this blog.
        Its big pleasure to have your answer!
        Thank you!
        Elen

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        • Hi, Elen. Call me Loup. Yes, “Loup”, in French, is “Wolf” in English.
          I’ll follow up by email in a couple of hours.
          Thanks a lot for answering.
          Good inspiration to you.

          Loup )

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  3. Hello, Jacques Renaud!
    How you find my fantasy fish?

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    • Good day, Elen Christof.

      I love your Fish. Je ne m’en lasse pas. It’s superb. I found it through Google. I searched a lot. I was looking for a very special figure of a fish to illustrate the story by Jacques Renaud (Der Fisch destroys the Berlin Wall – which was a huge swimming pool – written in 1984, first published in 1986 – that’s the story :) and then I came to your site, and lo and behold, there it was, like a gem :-)) No doubt, it’s a striking and beautiful figure and piece of art. Congratulations! I loved it at the time, and still do. One reaches your site (the source) by clicking on Fantasy Fish, on the illustration, as stated in French in the caption. Maybe I should indicate it in English too (I will). I hope you don’t mind me showing that painting here, on this blog.

      http://www.elenchristof.com/index.asp

      I just added indications in English, same as in French, to the source (the existing link to your site) in caption.

      Thanks, and again: congratulations. It’s a delight to look at what you do. Loup )

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