Nouvelle France : Le Journal Militaire de Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes, 1756 – 1759

Avons-nous jamais vécu en démocratie? Pétitionne, trace ton x, cause toujours  —  Un survol de la Nouvelle France.   —   Le vrai portrait de Marguerite Bourgeoys par Pierre Le Ber, un chef-d’oeuvre d’art naïf   —   La terre tremble pendant des mois au Québec en 1663. Des montagnes, des rivières disparaissent    —   Kateri Tekakwitha scintille

Non-fiction

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JOURNAL MILITAIRE

 OU JOURNAL DE GUERRE

 de Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes

 1756-1759

Rédigé sur le terrain en Canada jusqu’à plus de deux mois après la perte de la ville de Québec et couvrant une durée de dix mois de campagne durant la

Guerre de Sept Ans,

guerre qui est aussi en partie connue en anglais sous le

nom de French & Indian War,

expression désignant la guerre des Britanniques

contre les Alliances franco-indiennes

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Blogosphère – années 2010-2013 : electrodes-h-sinclair-502.com

( electrodes.wordpress.com )

préparé et succinctement présenté par

Loup Kibiloki (Jacques Renaud)

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Carte de la Nouvelle-France avant 1763. Source : Wikipedia. Je ne connais malheureusement pas le nom de l'auteur. Diffusée ici under fair use.

Carte de la Nouvelle-France avant 1763. Source : Wikipedia. Je ne connais malheureusement pas le nom de l’auteur. Diffusée ici under fair use.

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L’Amérindie scintille,
scintille,
scintille,
libre dans l’immortalité des temps,
libre dans l’inoubliable souvenir qui ne cesse de s’étendre,
libre dans la stupéfiante persistance de sa foudre.

La Stupéfiante Mutation de sa Chrysalide

*

Nicolas Renaud d'Avène des Méloizes

Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes

Le Journal Militaire de des Méloizes, dans l’édition reproduite ici, se termine le Mercredy, 21 novembre 1759.

La bataille dite «des plaines d’Abraham» du 13 septembre 1759, — mentionnée mais non décrite dans ce journal — bataille qui aboutit à la capitulation de la ville de Québec du 18 septembre 1759, n’est en rien perçue, dans ce Journal, au moment où Nicolas Renaud, en campagne et loin de Québec, en est formellement informé, comme la fin du Canada ou de la Nouvelle France : plus de deux mois après la bataille des plaines, des Méloizes est toujours en campagne, rien n’a changé.

En d’autres termes, si ce Journal, parmi d’autres choses, doit nous indiquer quelque chose d’important, c’est certainement que la bataille des plaines d’Abraham n’est qu’un épisode dans la Guerre de Sept Ans.

On sait, de plus, que les Franco-Indiens vont se battre jusqu’en 1766, avec Pontiac, soit plus de sept ans après la bataille des plaines, et plus de trois ans après le Traité de Paris de 1763 qui cédait officiellement le Canada à l’Angleterre.

Le texte du document que nous reproduisons ici n’est pas un récit de guerre. Si vous vous attendez à ça, vous serez déçu.  Ce n’est pas une oeuvre littéraire non plus, loin de làC’est beaucoup plus prosaïque. C’est un journal.  Un log bookC’est destiné à ceux qui savent tout ce qu’on peut tirer d’un log book quand on le lit attentivement.  Ce n’est pas pour rien que, généralement, les enquêteurs qui aiment vraiment leur métier adorent les “agendas”, les diaries, etc.  Ce journal en est un.  Ce journal est aussi souvent cité comme référence par les historiens de la Nouvelle-France.

L’édition que nous reproduisons ici a été publiée anonymement sous forme de livre à Québec en 1930 sous le titre «Journal Militaire de Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes 1756-1759». Il comprenait 88 pages densément imprimées en petits caractères. Il avait été vraisemblablement composé à partir des documents d’archives de la province de Québec où doit se trouver le document original.

Couverture de l'édition de 1930 (Québec, 1930)

Couverture de l’édition de 1930 (Québec, 1930)

Il est possible que le journal militaire original de des Méloizes soit plus volumineux.

L’exemplaire de l’édition anonyme de 1930 que nous reproduisons ici fut trouvé chez un bouquiniste montréalais dans les années 1960s par l’écrivain québécois Jacques Renaud (l’auteur de la novela Le Cassé) qui l’avait conservé depuis.

Une recherche sommaire sur internet semble indiquer qu’on peut trouver parfois un exemplaire du Journal, dans cette édition de 1930, dans quelques bibliothèques québécoises régionales (pas beaucoup; faites la recherche, vous verrez) où l’ouvrage est offert pour consultation sur place. C’est à peu près tout.

Bref, à toutes fins pratiques, ce livre est très rare et était, à toutes fins pratiques, encore, en voie de disparition. Ou presque. Maintenant, il ne l’est plus. Imprimez-le.  ( Vous avez une imprimante, non? Trouvez quelqu’un qui en a une.. :  –  ) .

Le Journal Militaire de des Méloizes, du moins dans l’édition de 1930 que nous reproduisons ici intégralement, couvre deux périodes de la Guerre de Sept ans au Canada : du 19 juillet 1756 au 30 octobre de cette même année ;  et du 8 mai 1759 au 21 novembre de cette même année.

Ce document a été digitalisé (scanné) en format pdf, puis transféré en mode txt, révisé ligne par ligne, puis transféré et révisé de nouveau sur fichier odt avec OpenOffice.  Ce transfer a permis une ré-édition sommaire de la présentation et une meilleure clarté visuelle de l’ensemble du document. Ce document n’a, en aucune façon, été ré-écrit, ou corrigé, ou adaptéLes passages et notes entre “[ ]” sont de nous.

Nous avons tenu à conserver la transcription originale telle qu’elle apparait dans l’édition de 1930, incluant ce qui peut apparaître comme des “incohérences”, ou des “arythmies” orthographiques (comme «véndredi» au lieu de «vendredi»; ou encore les minuscules aux noms propres en certains endroits alternant avec les majuscules, ailleurs, aux mêmes noms; ou bien parfois «M. de …» et parfois «Mr de …»; parfois «habitans», parfois «habitants»; etc.). Notre pari est que ces caractéristiques se trouvaient dans le manuscrit original et que si on les trouve dans l’édition de 1930 c’est que les transcripteurs ont eu le souci et se sont donné la peine de les respecter : il est, en effet, beaucoup plus simple, pour les transcripteurs, de transcrire en «uniformisant» l’ensemble selon des normes contemporaines qu’en tenant compte, minutieusement, comme nous pensons, logiquement, qu’ils l’ont fait, des différences d’orthographe de certains mots, etc.

Bref, nous n’avons pas voulu «aseptiser» formellement le texte et nous avons intégralement respecté l’édition de 1930.

Il faut avoir à l’esprit qu’il s’agit d’un journal de terrain, sobrement écrit «à la mitaine» avec la technologie de l’époque (vraisemblablement, une variété d’écriture à la mine ou au graphite http://fr.wikipedia.org/wiki/Crayon#Histoire – qui sait, peut-être même à la p’tite plume!), et ce dans le mouvement des hommes et des armes.

Cette édition du Journal Militaire de Nicolas Renaud, aujourd’hui introuvable sur le marché (du moins depuis des années et aussi au moment où nous préparons sa diffusion ici sur ce blog (chose faite), est offerte au public parce que l’époque qu’il évoque nous tient mystérieusement à mémoire et nous est très proche intérieurement; parce que, dans sa sobriété, ce journal de guerre est inexplicablement vivant, du moins pour nous, surtout dans les pages de la dernière moitié (ou à peu près) du document.

Nous offrons cette édition anonyme originale de 1930 dans un esprit de reconnaissance à l’endroit de la personne ou de ceux ou celles qui avaient réalisé cette édition, à l’époque, en 1930.

À travers l’anonymat de leur travail et la vie de mémoire, nous les saluons cordialement. Eux et Nicolas.

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[ Important  :  Tous les passages et notes entre “[ ]” sont de nous. ]

[ Note de Loup K.  :  Ci-dessous, la courte biographie de Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes, telle qu’elle apparait au début de l’édition anonyme de 1930. ]

Il était le fils de Nicolas-Marie Renaud d’Avène des Méloizes, officier dans les troupes du détachement de la marine, et de Angélique Chartier de Lotbinière, et naquit à Québec le 21 novembre 1729.

Il entra dans les troupes du détachement de la marine dès qu’il fût en âge de servir (1er janvier 1741) [Note de Loup K. : à l’âge de 12 ans].

Il fit les différentes campagnes d’Acadie en 1746 et 1747 et prit part à l’engagement des Mines en juin 1747.

Le 15 février 1748, M. des Méloizes était choisi comme enseigne en second, en remplacement du sieur de Senneville, promu.

Il fit les campagnes de la Belle-Rivière en 1753 et 1754, et, en 1755, il prenait part à la bataille du Lac Saint-Sacrement où les Français furent défaits à cause de la présomption du général Dieskau.

Le 1er mai 1757, M. des Méloizes était promu lieutenant.

En cette même année 1757, une petite troupe canadienne commandée par M. Rigaud de Vaudreuil et ayant pour officiers MM. de Corbière, de Langlade, Hertel, La Chapelle et des Méloizes, attaquait, aux environs de Carillon, 22 barges anglaises contenant 350 hommes commandés par le colonel Parker, qui avait succédé à Schuyler. Ils s’emparèrent de 20 barges et firent bon nombre de prisonniers.

M. des Méloizes était, le 8 juillet 1758, à l’affaire de Carillon où Montcalm battit l’armée anglaise.

Le 1er janvier 1759, M. des Méloizes recevait le grade de capitaine en même temps que le brevet d’aide-major des troupes du détachement de la marine.

Le 28 avril 1760, à Sainte-Foy, il remplissait les fonctions de capitaine aide-major. Il fit dans cette journée des prodiges de valeur et fut blessé à la cuisse d’un éclat de bombe.

M. de Vaudreuil, écrivant de Montréal, au ministre Berryer, le 3 mai 1760, dit:

“M. des Méloizes, capitaine aide-major de nos troupes, attaché à la brigade de la marine, fit des prodiges de valeur; il eut enlevé deux drapeaux aux ennemis qu’il avait laissé derrière lui, si un faux avis ne lui eut persuadé que ces drapeaux étaient déjà entre les mains du régiment de Guyenne.”

Le chevalier de Lévis, témoin de sa belle conduite, écrivait à son tour à M. Berryer, le 28 juin 1760:

“Le sieur Mélouèze (Méloizes), premier capitaine aide-major, a été blessé dangereusement; c’est un officier de distinction et qui a des talents. Je crois qu’il mérite la croix de Saint-Louis; cette grâce donnera de l’émulation aux officiers de l’état-major.” (Lettres du chevalier de Lévis concernant la guerre du Canada, p. 364.)

C’est le 20 octobre 1760 que M. des Méloizes, guéri de sa blessure, s’embarqua pour la France.

L’année suivante, le 24 mars 1761, il recevait la croix de Saint-Louis.

Jeté à la Bastille avec un grand nombre de ses compagnons d’armes, sous le prétexte qu’ils avaient pris part aux prévarications de l’intendant Bigot, il fut honorablement acquitté après une longue instruction.

Le 11 janvier 1764, le roi faisait adresser la lettre suivante au duc de Praslin:

“M. des Méloizes, ci-devant capitaine aide-major en Canada, ayant, monsieur le duc, été retenu à la Bastille pour les affaires du Canada dans lesquelles il n’a point eu de part puisqu’il a été déchargé par le jugement de toute accusation, il a besoin de passer dans cette colonie pour aller vaquer à ses affaires et y vendre son bien. Je vous prie de vouloir bien lui obtenir de la cour d’Angleterre par le canal de M. de Guerchy, une prolongation de terme d’une année au delà de celui fixé par le traité, sa détention ayant été plus longue que ce temps là, afin qu’il puisse jouir dans cette colonie de toutes les facilités promises par le même traité du bénéfice duquel il n’a pu profiter puisqu’il se trouvait détenu. Il compte passer à Québec dans les six premiers mois de cette année.” (Rapport concernant les archives canadiennes pour l’année 1904, p. 28.)

M. des Méloizes revint, en effet, au Canada dans le cours de 1765.

Le 9 septembre 1765, par acte reçu par le notaire Jean Saillant, il vendait son fief et seigneurie de Neuville ou Pointe-aux-Trembles à Joseph Brassard Deschenaux pour la somme de quarante-cinq mille livres.

En 1787, nous voyons M. des Méloizes siéger à l’Assemblée provinciale de l’île de France comme représentant de la noblesse pour le département de Senlis.

Il décéda à Blois le 11 septembre 1803.

M. des Méloizes avait épousé, au château de Fresnoy, le 5 janvier 1767, Agathe-Louise, fille du marquis de Fresnoy et de Elisabeth-Louise Blanchard de la Rochette. Le marquis de Fresnoy descendait par sa mère de l’amiral de Coligny, si célèbre dans les guerres de la France. Agathe-Louise de Fresnoy, enfant unique, transmit à la famille des Méloizes le titre de marquis de Fresnoy, conféré à Henri de Fresnoy, son aïeul, au mois d’août 1652, et dont par une flatteuse dérogation aux règles établies, la jouissance avait été étendue à la descendance féminine. “Ayant égard, est-il dit dans ces lettres, aux grands et recommandables services que notre cher et bien-aimé Henri de Fresnoy, sieur de Neuilly, nous a rendus, et à ceux que ses père et ayeux ont ci-devant faits à nos prédédesseurs rois … Mettant d’ailleurs en considération la qualité de la terre et seigneurie de Fresnoy … relevant entièrement de nous … avec droit de haute, moyenne et basse justice, et de laquelle sont tenues et mouvantes plus de cinquante terres nobles avons de grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale érigé en titre, dignité et prééminence de marquisat les dites terres et seigneuries de Fresnoy, Neuilly, Saint-Just, Bornel, Baillon, etc., etc., sous le nom de Fresnoy, pour en jouir et user le dit sieur de Fresnoy, ses hoirs successeurs et ayants cause mâles et femelles, pleinement, paisiblement et perpétuellement, nonobstant tous règlements, ordonnances, déclarations et lettres à ce contraires, auxquels nous avons dérogé et dérogeons. “

[ Note de Loup K. :  Fin de la courte biographie de Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes, telle qu’elle apparaissait dans l’édition anonyme de 1930.]

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[ Important. Tous les passages et notes entre “[ ]” sont de nous. ]

[ Note de Loup K.  :  Début du journal militaire; le titre suivant, tel quel en majuscules, fait partie de l’édition anonyme de 1930 : ]

JOURNAL MILITAIRE TENU PAR NICOLAS RENAUD D’AVÈNE DES MÉLOIZES, CHer, SEIGNEUR DE NEUVILLE AU CANADA, DU 19 JUILLET 1756 AU 30 OCTOBRE DE LA MÊME ANNÉE.

Campagne de 1756

Je suis party de Québec le 20 Mars pour conduire à Montréal un détachement de 350 miliciens – Comme il en devoit monter beaucoup et que le nombre des officiers était très petit Mr de Vaudreuil me renvoya pour en chercher un autre.

Je partis cette seconde fois le 19 Avril avec deux cens hommes miliciens pour Montréal où j’ai séjourné quelques tems, devant partir pour Carillon de jour à autre, mais Mr de Vaudreuil aïant appris par le 1er vaisseau qu’il luy venoit de france beaucoup de recrües, il me donna ordre de me rendre à Québec ainsi qu’à quelqu’autres officiers. Il n’en restoit plus du tout dans cette ville. Les vents de Sud oëst ont prolongé beaucoup mon séjour en cet endroit, parcequ’il empêchoit l’arrivée des soldats que je devois conduire et je ne suis party pour Carillon que le 19 juillet.

Partis de Québec le 19 juillet à midy sur la fin de la mer montante avec un détachement de 200 soldats recrues pour [le fort Saint-] Frédéric , arrêté à la Rivière du Cap Rouge ou je perdis le nommé François Lecler dit Luzard soldat de la compie de St Luc-La-Corne, qui se noya en se baignant. Partis du dit endroit à 9 heures du soir, arrivés à Neuville à une heure après minuit à la fin de la marée.

Mardi 20 juillet – Partis à 10 heures au commencement du flot, arrivés à Lotbinière à 4 heures après midy où je campay. Il plut presque tout le jour.

Mercredy 21 – Partis à 3 heures du matin, arrivés au Cap à l’arbre à 4 heures après midy où je fis l’appel de mon monde. Le nommé Pierre Javergea dit La feuillade, soldat de Daunis manquoit; je fis camper pour l’attendre.

Jeudy 22 – J’attendis jusqu’à huit heures du matin le soldat qui manquoit la veille. Il ne rejoignit pas ce qui me fit juger qu’il étoit égaré ou déserté. Comme il devoit passer un détacht après moy, commandé par Mr de Bayeul, j’espérai que cet homme embarqueroit avec, s’il pouvoit le retrouver et je partis. Arrivés au Cap La Magdele à 5 heures du soir où je campay.

Vendredy 23 – Partis à 3 heures du matin pour me rendre aux Trois rivières prendre les vivres nécessaires pour me rendre à Chambly.

Partis des 3 rivières à 9 heures du matin, arrivés à la rivière au Loup à six heures du soir où je campay.

Samedy 24 – Partis à 5 heures du matin, arrivés à Berthier à neuf heures d’où je dépêchai un courrier à Mr le Général de la Nouvelle france luy donnant avis du jour que je pourrais arriver à St Jean afin qu’il m’envoya ses ordres en cet endroit.

Des habitans de Berthier me dirent que Mr de Moncalm étoit parti avec un corps de troupes pour faire le siège de Chouaguen [fort Chouaguen (fort Oswego), au sud du lac Ontario].

Partis de Berthier à dix heures pour traverser à la rivière de Chambly dans laquelle j’entré à midy, je campai à 5 heures à 5 lieues de l’embouchure de lade rivière.

Dimanche 25 – Partis à 5 heures du matin, arrivés à l’entrée du bassin de Chambly à 5 heures du soir où je campay sachant que le détachement commandé par Mr Drouillon n’était point encore parti de cet endroit.

Lundy 26 – Partis à 6 heures du matin, arrivés à Chambly à 7 heures du soir où je trouvai encore le détachement de Mr Drouillon qui partit à une heure après midy, pour lor je me mis en devoir de faire passer mes batteaux au bout du portage Beaucour.

Mardy 27 – Mes batteaux passés, je partis avec ma troupe et arrivés à 7 heures du soir à Ste Thérèse où je campay. N’ayant par batteaux que deux bateliers, je leur dis de se mettre plusieurs ensemble pour monter le rapide, ce qui allongea beaucoup la besogne. Il plut ce jour toute la matinée.

Mercredy 28 – Tous mes batteaux arrivés, je partis à 4 heures après midy pour me rendre à St Jean où j’arrivai à huit heures du soir. Je reçu l’ordre de Mr de Vaudreuil de continuer ma route jusqu’au fort de Carillon et de joindre à mon détacht celuy de Mr Drouillon de 160 hommes et 8 batteaux. Il plut encore presque toute la matinée.

Jeudy 29 – Je fis équiper les deux détacht et leur fis prendre les vivres, après quoy je partis à 3 heures après midy et vins camper chez boileau pour y attendre 35 batteaux de charges conduits par Mr Bleury, père, que je devois escorter.

Vendredy 30 – Il plut tout le jour, nous restâmes campés – Les batteaux de transports n’arrivèrent que le soir.

Samedy 31 – La pluye a duré toute la nuit et une partie de la matinée. Nous partîmes à 5 heures ½ du matin. A 11 heures haIte, à midy nous marchâmes. Nous eûmes un très petit aire de Nordest jusqu’à 3 heures. A 5 heures nous campâmes à la pointe Squenonton, au nord du lac, pour donner le tems à l’arrière garde de joindre avant la nuit.

Dimanche 1er Aoust – Nous partîmes de la pointe Squenonton à 5 heures du matin d’un petit aire de nordest. Nous rencontrâmes par le travers des Iles des quatrevents trois batteaux partis de Carillon pour faire la découverte et briser quelques batteaux perdus le long de la côte, afin que les ennemis n’en tirassent aucun avantage. Nous campâmes à 6 heures du soir à l’Ile aux Boiteux – Les batteaux de transports continuèrent leur route et arrivèrent de nuit à St Frédéric.

Mr Duplessis Fabert m’apprit l’accident le plus funeste; il me dit que Mr de Contrecoeur fils s’étoit tué. Il étoit appuyé sur son fusil qui partit en son repos et luy passa à travers le corps, il n’a vécu qu’une heure après ce coup.

Lundy 2e – Nous partîmes de l’ile aux Boiteux à 5 heures du matin. A huit heures ½ j’arrêtai à une pointe vis à vis le fort St Frédéric pour le dejeuner et attendre les derniers batteaux. Nous en partlmes à dix heures pour nous rendre à Carillon où nous rendimes à 7 heures du soir et nous fimes deux haltes avant d’y arriver. La chaleur étoit si grande qu’à peine nos soldats pouvoient ramer. J’appris à mon arrivée qu’on n’avoit aucune nouvelle de l’armée angloise qui avoit été assemblée à Orange. Qu’on n’estimoit pas au dessus de 7 à 800 hommes de garnison au fort William Henry. Je sçu aussi que Mr de Villemonde étoit party depuis quelques jours avec 230 hommes pour aller sur les chemins de communication des ennemis. Son retour nous instruira sans doute de leur démarche.

Il y a icy une quantité prodigieuse de malades tant de scorbut qu’autre.

Mardy 3 d’Aoust – Mr de Bleury partit de ce camp avec le reste des batteaux de transports dont une grande partie étoit partie de la veille pour l’aller attendre à St Frédéric.

Les patrons des batteaux qui avoient porté mon détachement, partirent aussy ce jour et j’écrivis à Québec par eux.

Il arriva sur les cinq heures du soir un petit party sauvage qui avoit fait une chevelure et deux prisonniers. Il leur en étoit réchapé deux ou trois. Le rapport des prisonniers n’a point encore transpiré.

Il tomba de la pluye sur les six heures du soir avec du tonnère. Cet orage n’eut pas de suitte.

Mercredy 4 Aoust – Il arriva 120 miliciens de Montréal sous la conduite de Mr Charly et deux autres officiers [note suivante incluse dans l’édition anonyme de 1930, en bas de page: «En marge est écrit, faux»]. Il nous apprit la réduction de Port-Maon, et la prise d’une de nos frégates l’Arc-en-ciel, qui alloit à l’Ile Royale.

Mr de Villemon de Beaujeu arriva vers les midy avec sept prisoniers dont un officier de milice et une chevelure. Je n’ai pu sçavoir au juste le rapport des prisonniers.

J’ai appris indirectement qu’ils rapportoient que les Anglois avoient dix bataillons à Orange, qu’ils construisoient un nouveau fort entre Lydius et William Henry, et qu’ils devoient en faire un autre au fond de la Baye, que leur projet étoit toujours de venir à Carillon. Ils paroissoient ignorer notre entreprise sur Chouaguen. Les vivres ne sont pas abondantes à beaucoup près chez l’ennemi.

Le détacht de Mr Charly a passé tout droit au portage.

Les prisonniers ont aussi dit qu’il avoit paru des vaisseaux françois sur la côte de Boston et que les Anglois faisaient marcher leurs troupes de ce côté là.

Jeudy 5 aoust – Départ de 60 soldats pour le portage. Les sauvages du détacht de Mr Beaujeu sont presque tous partis pour Montréal.

J’ai sçu depuis hier que les prisoniers avoient répondu lorsqu’on leur avoit demandé si les Anglois sçavoient l’entreprise de Chouaguen qu’ils s’en embarassoient peu, qu’ils avoient laissé 1500 hommes de garnison dans ce fort avec les munitions nécessaires pour se deffendre, qu’ils n’y envoiroient surement point d’autres secours et qu’ils poursuivroient leur projet pour cette partie.

Vendredy 6 – Rien de nouveau, nous eûmes du tonnerre l’après midy sans pluye ou très peu. La chaleur fut extrême.

Samedi, 7 – Départ de Mr Dusablé avec quatorze sauvages iroquois pour la découverte, il arriva l’après-midy deux canots de sauvages iroquois, c’est à dire 17 de Montréal ainsi qu’un détachement de 300 et tant d’hommes sous la conduite de Mr Varennes et 3 autres officiers. Il arriva en outre 50 soldats de Roussillon et quelques volontaires.

Dimanche 8 – On me dit qu’un canot parti du portage pour faire la découverte accoutumée dans le lac St Sacrement avoit entendu hier plusieurs coups de canon tirés du fort William Henry. On pense que c’est le général anglois qui y arrivoit. Le même canot a vu des feux dans le lac St Sacrement. La grande garde de ce camp crut entendre hier au soir à 7h ¼ trois coups de canon tirés de St Frédéric, il fault que ce n’en soit pas; Mr de Lusignan commandt de ce fort auroit sans doute envoyé ce jour s’il y eut quelque chose de nouveau.

Il courroit ce matin un bruit au camp sans aucun fondement que Chouaguen avoit été attaqué le deux et qu’il étoit pris le 7. C’est un sauvage qui dit-on a jonglé.

Lundy 9 aoust – Mr de La Colombière cape revint de St Frédéric où il avoit été l’avant veille et nous dit qu’il avoit été tué quatorze chevaux qui paissoient dans les bois au tour du fort. Le party ennemi ne paroit pas avoir rien fait de plus. On me dit qu’il devoit partir demain une découverte du portage pour sçavoir ce qu’il y a à ces feux qui ont été aperçus. Mr le Cher de Lévis a visité les environs du camp.

Mardy 10 – Mr Bleury arriva icy avec 31 batteaux de transport. Mr de Sabrevois reçut une lettre du 2 Aoust où on luy marquoit que le Régiment de Lassard et le détacht commandé par Mr de Rigaud avoit joint Mr de Villiers, que deux déserteurs du fort Chouaguen avoient dit qu’il n’y avoit dans les deux forts que 900 hommes, c’est à dire 600 dans l’ancien fort et 300 dans le nouveau, que la garnison étoit très mal disposé et qu’à peine le nombre des bons pouvoit suffire pour contenir les mal intentionnés, qu’ils pensoient qu’au premier coup de canon ce fort seroit obligé de se rendre, qu’on pouvoit les pendre si ce qu’ils disoient n’étoit pas vray.

Un de nos ingénieurs rend compte à Mr de Vaudreuil du mauvais état où il trouva ce fort, il marque que le bois est encore assez près du fort pour pouvoir y établir une batterie d’où on pourra battre en brèche.

Mr de Moncalm avec le reste de l’armée devoit partir le 4 ou le 5 de Frontenac pour se rendre à Chouaguen.

La même lettre dit aussi que les Iroquois des cinq nations sont à Montréal, qu’il doit y avoir le lendemain un conseil, mais qu’on ne sçait encore rien de ce qu’ils ont à dire.

Il est arrivé dans les batteaux de transport un soldat de la Compie de Lusignan lequel, parti de Montréal, avoit marché toute la nuit pour pouvoir embarquer sur les batteaux qui doivent partir le lendemain de grand matin. Ce soldat dit qu’à son départ de Montréal le bruit courrant étoit qu’un courier du Camp de Chouaguen apprenoit que Mr de Moncalm, à son arrivée à ce camp, avoit trouvé la tranchée ouverte, que le fort luy avoit déjà demandé à capituler, mais que les sauvages avoient dit à Mr de Moncalm qu’ils luy répondroient qu’il ne seroit point interrompu dans son siège, qu’ainsi il ne falloit pas renvoyer ces gens là chez eux qui indubitablement reviendroient l’année prochaine nous faire la guerre et qu’il falloit les tuer ou les prendre, qu’a lors on ne les craindroit point pour l’avenir. Quoique ce soldat assure l’avoir entendu dire par personnes dignes de foy, sa narration cependant parroit un peu appocryphe.

La découverte faite dans le lac St Sacrement n’a vu aucun indice des feux ni établissement dont on avoit parlé ces derniers jours.

Mr d’Hert parti le matin pour St Frédéric arriva le soir. Le nombre des malades qui sont àe [sic, édition 1930] St Frédéric est de 300 juste de tous les différens corps. Il y en a icy 50 à l’hôpital.

Mr le Cher de Lévis a été visiter les environs de ce camp comme il l’a fait hier.

Mercredy 11 Aoust – Les batteaux de transports sont partis à 5 heures du matin pour retourner à St Jean. Mr de St Vincent, capte de nos troupes s’est embarqué, ne pouvant guérir icy d’une fièbvre continue qui le minoit.

Il est aussi parti un lieutenant de Roussillon qui s’en retourne en france.

J’ai écrit par ces batteaux.

Nous eumes un exprès sur les cinq heures du soir de Mr le Cher de La Corne qui nous apprit qu’un party ennemi avoit levé la chevelure à deux de nos soldats qui pêchoient. Un troisième fut blessé au bras, les ennemis n’osèrent le venir achever. Ce soldat assure que ce sont des sauvages. Comme ce coup se passa très près du camp et qu’il fut entendu, Mr de La Corne envoya sur le champ 17 Iroquois arrivés icy du 7 et plusieurs françois sur leur piste, mais après les avoir suivis un peu, les sauvages ne jugèrent pas à propos d’aller plus loing.

Ils disent pour leur raison que l’ennemi avoit gagné les montagnes et qu’il ne seroit pas possible de les joindre. On pense que c’est un casse tête qu’ils ont trouvé qui les a empêché de poursuivre parceque sans doute ils auront connu que c’étoit quelqu’un qui les interressoit.

Le Cher de La Corne devoit faire partir dès le soir même 12 Iroquois et trente françois. On espère qu’ils pourront se saisir de ce party; s’ils le veulent, ils pourront s’embusquer près du fort William Henry et attendre que ce party y arrive.

On fit partir à 10 heures du soir de ce camp soixante soldats de terre et de la marine, 30 de chaque espèce, pour aller aux deux rochers attendre le party ennemi au cas qu’il retourne par là. Il y avoit 4 officiers à la tête de ce détachement dont un ense de terre.

Les signaux se répétèrent à huit heures du soir pour sçavoir si on les entendoit bien distinctement.

Jeudy 12 aoust – Les soixante soldats partis hier au soir revinrent à neuf heures du matin n’aïant aperçu aux deux Rochers aucuns vestiges que l’ennemi eut passé par là.

Il s’alluma dans les bois au tour du fort un feu terrible. Il s’en alluma aussi un assez près du fort qu’on éteignit bien vite.

La pluye commença sur les 8 à neuf heures du soir et dûra presque toute la nuit par interval.

Vendredy 13 – On vint chercher les vivres du poste de Mr le Cher de La Corne. Nous apprimes que les sauvages n’avoient point voulu partir pour la découverte, ils sont même tous revenus à ce camp excepté 4 ou 5 qui sont restés au portage. Un d’eux nous donna une alerte à une heure après midy. Il dit avoir vu aux environs des grandes gardes des sauvages aniers sur lesquels il avoit tiré. Les piquets marchèrent, on tira les coups de canon de signaux. – La nouvelle se trouva entièrement fausse.

Samedi 14 aoust – Rien de nouveau.

Dimanche 15 – Fête de l’Assomption de la V. M. [Note de Loup K. : «V. M.» : «Vierge Marie»]. On arbora le pavillon du fort pour la 1re fois qui fut assuré de quatre coups de canon qui en même temps servirent aux répétitions des signaux. Rien de nouveau d’ailleurs.

Lundy 16 – Mr le Cher de Lévis alla reconnoitre la montagne vis à vis du fort Carillon. Mr de Fombrune m’a dit que non seulement on voïoit dans le fort, mais même au delà. J’ignore le motif de cette découverte.

Mr de Bayeul arriva vers les deux heures après midy avec un détachement de 145 soldats de recrües pour les troupes détachées de la Marine. Il n’y avoit à Québec rien de nouveau quand il en est parti.

Il est aussi arrivé dix sauvages hurons de Laurette. J’ai vu une lettre écrite à Mr Leverrier Capte de nos troupes par Mr Dechambeau de Montréal du 7 août. Il marque qu’un vaisseau parti du 7 juin de Dunquerk apprend que les Anglois ont déclaré la guerre à la france le 18 may, que le fort St Philippe n’était point encore rendu, mais qu’on attendait cette nouvelle de jour à autre, que Mr de La Galissonière avait battu l’Amiral Breink venu pour secourir St Philippe; que soixante gros vaisseaux Suédois étoient entrés dans Brest chargés de bois de construction pour les vaisseaux; que Mr de Vaudreuil avoit reçu des paquets de la Cour.

Mr Dechambeau annonce l’arrivée prochaine à Québec d’un autre vaisseau.

Il marque encore que Mr de Montcalm est parti le 4 du mois de Frontenac pour Chouaguen, que Mr de Rigaud étoit arrivé au poste avancé dans la rive Chouaguen, qu’il avoit envoyé de là pour reconnaltre le fort de ce nom, Mr de St Luc, capitaine de nos troupes, avec un détachement, que cet officier en avoit fait le tour et avoit même tiré des coups de fusil, mais qu’aucun anglois n’avoit paru.

Une autre lettre écrite au Cher de Marillac, capte dans Languedoc, par sa femme, marque que les sauvages des cinq nations ont assuré la mort du Baron de Longueuil dont on doutoit qu’il avait été tué; que les mêmes sauvages dans un grand conseil, après les compliments accoutumés, avoient assuré Mr le Marquis de Vaudreuil qu’il ne trouveroit aucun obstacle de leur part pour l’exécution de tous ses projets, qu’il pouvoit partir de Montréal pour venir, même au centre de leurs villages, qu’il trouverait tous les chemins libres.

Voilà ce que j’ai pu recueillir.

Mardy, 17 Aoust – Départ de Mr de fleurimond ense avec 3 sauvages iroquois pour faire une découverte du coté du fort William Henry. Quelques sentinelles de la garde de la chute tirèrent leur fusil croïant entendre quelqu’un, ce qui donna icy une espèce d’alerte.

Mercredy 18 – Les patrons des bapteaux du détachement de Mr Bayeul partirent à six heures du matin. Les Hurons sont allés au portage et doivent partir de là pour la découverte. Mr le Cher de La Corne a informé Mr le Cher de Lévis qu’une découverte faite en avant des postes avoit cru voir les pistes fraîches de vingt à trente d’hommes qui prenaient la route de St Frédéric, qu’à tout hazard il avait fait partir Mr de Gaspé, Capte, avec 80 hommes pour suivre cette piste.

Sur les six heures du soir, dix sauvages iroquois sont partis de ce camp pour aller à la découverte par le fond de la baye.

J’ai appris ce soir de quelqu’un digne de foy, que trois sauvages iroquois s’étoient abouchés avec les aniers qui dernièrement nous levèrent des chevelures.

J’ai déjà dit à l’article du onze que les iroquois qui poursuivaient les aniers étoient revenus dès qu’ils eurent trouvé un casse tête. Ce n’était que pour se défaire des françois qu’ils avoient avec eux. Mais trois d’entre eux poursuivirent sans que les françois y prissent garde et on prétend qu’ils rejoignirent les aniers bien vite qui leur dirent, nous sommes frerres, qu’avons-nous à faire de nous faire la guerre entre nous, les françois ne se battroient pas avec les anglais par rapport à nous s’ils étoient en paix, ainsi, faisons de même, nous ne vous nuirons pas lorsque vous viendrez sur les anglois. De cette façon il n’y aura que les françois et les Anglois qui feront les frais. Il n’est plus étonnant si on a été si longtemps à déterminer nos iroquois à partir.

Jeudy 19 Aoust – Le Cher de La Corne a écrit à Mr le Cher de Lévis pour l’informer du retour de Mr de fleurimont parti de ce camp le 17 avec trois sauvages. On a débité dans le camp que Mr de Fleurimond étant encore éloigné de quelques lieues du fort William Henry avait aperçu à 7 lieues de notre poste avancé, plusieurs fumées dans une ile, qu’on y avait tiré quelques coups de fusils qui avaient été précédés du fort William Henry par neuf coups de canons; que les trois sauvages iroquois n’aïant pas absolument voulu aller plus loing, Mr de Fleurimond avait été obligé de revenir; que cet officier devoit repartir le soir avec les hurons pour faire une nouvelle découverte.

Le détachemt que Mr de La Corne avoit fait partir le 18 sous les ordres de Mr de Gaspé est revenu et n’a vu aucunes apparences qu’il y eut un party ennemi.

Vendredy 20 Aoust – Mr de Laperière arriva du portage et nous apprit qu’on avoit levé la chevelure à deux soldats du poste de Mr de Contrecoeur la veille à cinq ou six heures du soir.

Mr de Fleurimond partit d’abord après avec cent hommes. Il n’a pu joindre le parti ennemi, il est revenu aujourd’hui à 5 heures du soir au camp de Carillon et a dit à Mr de Lévis qu’il étoit allé à trois lieues environ du fort William Henry, qu’il avoit observé un poste avancé que les anglois ont dans une chaine d’îles qui traversent le lac. Il dit avoir vu une petite barque aïant deux mats et environ 50 bapteaux.

Il y a des troupes dans presque chacune de ces lies et en grand nombre. A la pointe du jour, la majeure partie de ces bapteaux lui parurent visiter le tour de ces iles. Peut être avoient ils entendu quelque bruit la nuit et en cherchoient la cause. Les sauvages Hurons qu’avoit Mr de fleurimont le determinèrent à revenir sur le champ.

Samedy 21 Aoust – Le Cher de Lévis partit dès qu’il fit jour pour aller aux postes de messieurs le Cher de La Corne et de Contrecoeur et revint à midy. Il plut tant soit peu le soir. – Rien de nouveau d’ailleurs.

Dimanche 22 – Rien de nouveau.

Lundy 23 – Mr le Cher de La Corne écrivit à Mr le Cher de Lévis pour l’informer qu’il s’en étoit peu fallu qu’un de nos détachemens n’eut pris un party ennemi. Il se sauva avec tant de précipitation qu’il laissa deux ou 3 fusils, des couvertures et sept fourreaux de sabre. Il nous arriva le soir dix abénakis.

Mrs Drouillon et Villejoin arrivèrent le soir de Montréal, nous apprimes par eux que Mr de Bleury étoit venu à St Frédéric avec 25 bapteaux et étoit reparti sur le champ, que la barque aïant mis trois hommes à terre pour faire du bois, il s’était trouvé un party ennemi à leur débarquement qui d’une décharge les tua tous trois. La barque fit un si grand feu de ses pierriers qu’on n’osa leur lever la chevelure. La barque n’était pour lors qu’à six à sept lieus de St Jean où elle est retournée.

Les lettres ne donnent aucunes nouvelles de Chouaguen, elles confirment la déclaration de guerre et nous apprennent que le Roy a fait un traité offensif et défensif avec la Reine de Hongrie. Le fort St Philippe n’étoit point encore pris; mais cette expédition est regardée en France comme sure.

L’ordonnance qui accorde des récompenses à nos armateurs est venu.

Nous tinmes le matin un conseil de guerre pour juger par contumace trois de nos soldats déserteurs.

Nous eumes le soir une alerte occasionnée par deux coups de boëtes tirées à la Chute. Les Comes de grenadiers partirent pour aller jusqu’au poste de Mr de La Corne.

On m’a dit que les iroquois des 3 nations avoient apportés des colliers aux sauvages domiciliés pour les engager à rester neutres. Ces colliers ont été remis à Mr de Vaudreuil dans un grand conseil, les 5 nations présentes, ce qui les a extrêmement surpris. Ils comptoient qu’on leur garderoit le secret. Mr de Vaudreuil leur a parlé comme il le devoit en pareille circonstance.

Mardy 24 Aoust – Mr de St Vincent fils descendit la garde et nous dit qu’il avait fait tirer les boëtes parce qu’il croïoit avoir entendu tirer une décharge de mousqueterie ce qui ne s’est pas trouvé vrai.

Les compies de grenadiers revinrent.

A 11 heures, il vint un exprès de chez Mr de La Corne qui apprit, a-t-on dit, à Mr de Lévis que les ennemis étoient en marche. Sur ces nouvelles le général a fait sur le champ partir quatre piquets et donné ordre de se tenir prêt à marcher au cas de besoin.

Mercredy 25 – Les quatre piquets de terre et de la marine revinrent. Il y avoit eu un malentendu dans la lettre de Mr de La Corne il vouloit dire seulement qu’un party ennemi avoit paru. Mr de Lévis partit d’icy au jour et alla visiter les postes du portage, il revint à midy, il n’y avoit rien de nouveau. – Il plut tant soit peu.

Jeudy 26 Aoust – Rien de nouveau. La pluye commença à tomber vers les 9 heures du soir et a duré presque toute la nuit.

Vendredy 27 – Il partit soixante soldats de terre et deux Iieutenans pour monter la garde au poste que commande Mr de Contrecoeur.

Les dix iroquois partis de ce camp le 18 au soir sont arrivés sans avoir rien fait. Ils disent qu’à leur arrivée au fort William Henry ils ont entendu faire deux cris de mort qui ont été suivis de très grands sacaquois, ce qui leur a fait juger qu’il y avoit beaucoup de sauvages; ils pensent qu’il y a un très grand monde.

Le va et vient de St Frédéric à Carillon nous a appris que la barque partie hier matin de St Jean étoit arrivée le soir au fort St Frédéric. Mr de Lusignan commandt dudt fort a envoyé à Mr son fils la déposition du capte de la barque en ces termes.

St Onge rapporte la nouvelle de la prise de Chouaguen où nous n’avons perdu que huit hommes, nous avons fait 1800 prisonniers dont 700 sont déjà partis pour Québec, 600 dans la barque de Dusault, nous avons pris cent bouches à feu, 3 barques, 3 caisses d’or et d’argent. Mr de Montcalm traverse aujourd’hui à St Jean. Il a cent batteaux tout prêts. Voilà 120 sauvages qui viennent et sont à Saint-Jean; on a mis du monde sur tous les chemins pour empescher que les ennemis n’aïent connaissance de la prise de Chouaguen.

Les Anglois ont perdu quatre ou cinq cent hommes. Mr Hiché vient avec les sauvages et Perthuis interprète, ils ont les lettres. On a chanté le Te Deum à Montréal. Xaintonge [sic] dit avoir vu la lettre que Mr le Général a écrit à ce sujet à Mr de Sacquépée. On a pris en outre six cens batteaux à Chouaguen. – On a coulé bas une barque dans l’entrée de la rivière de Chouaguen.

Samedy 28 Aoust – J’allai monter la garde à la chute du Lac St Sacrement. Il passa sur les dix ou onze heures du matin dix à douze abenakis qui se rendoient chez Mr de Contrecoeur pour partir le lendemain. Mr de St Martin partit avec 120 soldats de la marine pour camper à poste fixe entre le poste de Mr de La Corne et celuy de Mr de Contrecoeur. – Il plut ce jour tant soit peu.

Dimanche 29 – Il passa un gros détachement du poste de Mr le Cher de la Corne qui alloit au camp de Carillon chercher des vivres. Mr de Longueuil qui le conduisoit m’a dit que les abenaquis qui passèrent au poste hier étoient partis dès le soir pour William Henry avec les hurons. Ce party est composé de 17 sauvages sous la conduite d’un enseigne, Mr Hertel le cadet.

Mr de Longueuil m’apprit à son retour l’arrivée de Mr Dussablé et de sept sauvages partis de Carillon le 7 du mois. Ils ont fait un prisonnier et deux chevelures à 140 mètres de Boston. Ils ont manqué de vivres en revenant et ont beaucoup souffert, ce qui a été cause qu’ils ont fait les deux chevelures parceque ces deux hommes ne pouvoient plus suivre. Il plut ce jour à plusieurs reprises et presque toute la nuit.

Lundy 30 – On vint me relever. – On me dit que le prisonnier anglois annonçoit l’arrivée de Mr Campbell Loudon, généralissime de La Nouvelle Angleterre et qu’il avait entendu dire qu’il marchoit beaucoup de troupes contre cette frontière.

Peu de tems après mon retour au camp, le party abénakis et hurons parti du 28 au soir arriva. Il n’osa aller plus loing que le pain de sucre distant d’une lieu et demie environ des iles où sont les Anglais. Ils dirent avoir vu des anglois dans une île en deça où il n’y en avoit pas les jours passés, et des asniers du côté du Lac opposé au pin de sucre; les asniers aperçurent nos abenakis et entrèrent dans le bois. Ces derniers n’osèrent rester plus longtemps ni aller plus loing et s’en revinrent au plus vite.

Mr le Chevalier de Lévy avoit fait part à Mr de Lusignan de ses doutes sur la nouvelle de Chouaguen et le prioit de faire sentir au capitaine combien il seroit punissable s’il n’accusoit point vrai. Mais bien loing que ces menaces l’aïent ébranlé, il a encore ajouté de nouvelles circonstances. Mr de Lusignan en a fait part à Mr de Lévy par le batteau du va et vient.

St Onge dit qu’un nommé flame, sergent de nos troupes et qui s’est trouvé aux réjouissances de Montréal a apporté en toute diligence à St Jean les lettres de Mr de Vaudreuil qu’il a remis à Mr de Saquepée, que cet officier a sur le champ fait des réjouissances dans son fort qu’exigeoit une pareille nouvelle et qu’il auroit remis les lettres à la barque s’il n’eut craint qu’elle n’eut resté trop longtemps en chemin, qu’il a préféré de les envoyer par les sauvages; que Mde de Saquepée de retour à St Jean d’une terre qu’elle a à La Chine avoit parlé à Mr de Villiers venant de Chouaguen qui luy avoit raconté l’affaire. Il dit à Mdr de Saquepée qu’un nommé Quartier, canonnier, avoit coupé en deux d’un coup de canon le commandant de Chouaguen, que cette mort avoit déconcerté la garnison qui s’étoit rendue quatre heures après le fort de pieux dont Mr de Montcalm avoit éventé les mines, sur l’avis que lui en avoit donné un soldat françois déserteur qui s’étoit réfugié de Chouaguen à son camp; que ce françois avoit demandé sa grâce pour récompense du service qu’il rendoit; que Mr de Vaudreuil demandoit à Mr de Saquepée les gens de Québec patrons des batteaux du détachement de Mr Bayeul qui pour lors étoient à St Jean, afin d’envoyer à Québec par eux des prisonniers anglois; qu’on avoit ordre à St Jean d’y faire du pain pour mille hommes qui alloient y arriver incessamment; de faire monter tous les batteaux qu’il pouvoit y avoir dans la rivière Chambly; enfin que toutes les voitures de La Prairie et campagnes voisines étoient commandées pour les transports.

Mr de Lusignan manda aussi qu’on avoit enlevé un soldat, une femme et une fille qui la veille étoient partis pour aller à leur terre du côté du Lac opposé à St Frédéric. Comme elles n’étoient pas revenues le soir, Mr de Lusignan y envoya le jour, mais on ne les trouva pas, ce qui fait croire qu’elles étoient prises. Cette prise a occasionné les coups de canon tirés à St Frédéric que nous entendimes icy vers 1 heures ½ après midy.

La barque doit partir demain pour St Jean. Il a plu tout le jour et une grande partie de la nuit.

Mardi 31 Aoust – Beau temps. Mr de Fleurimond partit avec huit à dix iroquois pour William-Henry.

On me dit ce jour qu’on pensoit que le soldat et les deux femmes s’étoient noyés parcequ’on avoit trouvé un canot renversé et à la dérive.

La garde des troupes de terre fut relevée et revint au camp. L’officier qui la commandoit nous dit que les Asniers avoient approché fort près ses sentinelles, qu’une avoit manqué d’être enlevée.

Mercredy, 1er de Septembre – Les Asniers parurent encore au portage et on les poursuivit.

Mr de Bleury arriva à huit heures du soir et nous apporta la confirmation de la prise de Chouaguen. Il avoit vingt cinq batteaux de transport. Ce fort ne fit aucune résistante [sic]. Le 13 d’Aoust Mr Boulamark, colonel, prit possession du fort Ontario que les Anglois avoient abandonné après en avoir encloué le canon.

Le 14 au matin, trois heures après que nos batteries furent dressées et qu’elles battirent, ils demandèrent à capituler.

Articles de la capitulation

1o La garnison se rendra prisonnière de guerre et sera conduite d’icy à Montréal où elle sera traitée avec humanité, et où chacun aura le traitement convenable à son rang respectif suivant les usages de la guerre.

2o Les officiers, soldats et particuliers auront leur bagage et habit qu’il leur sera permis d’emporter avec eux.

3o Ils resteront prisonniers de guerre jusqu’à ce qu’ils soient échangés.

à Chouaguen le 14 aoust 1756

Signé : JOHN LITTLEHALES, Lieutenant Colonel commandt

J’accepte les articles cy dessus conformément à la traduction françoise et à ce que j’y ai ajouté. Ladte capitulation ne regarde que les militaires. D’ailleurs les particuliers, marchands, employés, seront libres de se retirer où bon leur semblera. Il ne leur sera fait aucun tort.

Je garde les deux officiers pour otage, aïant envoyé le major général pour régler la capitulation. J’envoye aussi un chirurgien pour les malades.

Fait au camp devant Chouaguen, le 14 au matin du mois d’Aoust 1756.

Signé : MONTCALM, maréchal des Camps et Armées du Roy.

État des effets trouvés dans les forts de Chouaguen qui ont été transportés par les barques et batteaux à Frontenac, sans y comprendre le pillage des marchandises qui a été considérable.

Scavoir:

7 canons de fonte de 19l 14i et 12l.

48 id de fer de 9l 6, 5l, 3l et 2l.

1 mortier de fonte de 9 pouces 4 lignes.

13 mortiers id. de 6 et 3 pouces.

5 aubuziers id. de 6 et 3 pouces.

47 pierriers.

23 milliers de poudres, 8 milliers plomb en baIes.

2950 boulets différents calibres, 150 bombes de 9 pouces.

300 bombes de six pouces, 1475 grenades.

730 fusils à bayonnette, 340 raisin, 12 paires de roux de fer pour affut marins.

Batiments

Un senault percé pour 18 canons.

Un Brigantin id pour 16 canons.

Une goelette 10 id.

Un batteau 10 id.

Un batteau 8 id et 2 pierriers

Une esquif 8 pierriers.

Une esquif que l’on a brulé n’étant pas achevée

200 berges et batteaux.

Vivres

352 Boucaults de 2 barriques pleines de biscuits.

1386 quarts de lard et boeuf salés, 712 quarts de farine.

200 sacs de farine, 11 quarts de ris, 7 quarts de sel.

Un grenier plein de poix chargés dans les barques.

Un grenier plein de farine foulé par quarts.

32 boeufs vifs, 15 cochons.

Cinq drapeaux dont deux envoyés à Québec, un aux Trois Rivières et deux restés à Montréal.

La caisse militaire consiste en trois caissons que l’on ouvrira aujourd’huy 27 Aoust. – Mr de Montcalm étant arrivé hier au soir avec Mr de Bourlamarc, ce dernier a été blessé légèrement.

Deux barques ont dubt retourner à Niaoueuré pour rapporter à Frontenac les vivres que nous y avions laissés.

Les prisonniers sont les régimens de perperal (Pepperell) et Shirley faisant 1100 hommes y compris les officiers, 600 charpentiers, matelots ou miliciens, 80 et quelques femmes dont trois prouvées mariées.

Deux lieutenants et deux captes de flotte du Roy; deux capitaines de vaisseaux étoient en chemin et beaucoup d’artillerie pour les batimens escortés par un régiment qui seront retournés sur leurs pas.

On dit que pendant la capitulation 14 à 15 hommes se sont sauvés.

Les anglois ont eu environ 80 hommes tués dont près de 40 par leur faute aïant eux mêmes donné de l’eau de vie aux sauvages, malgré qu’on eut recommandé aux deux officiers qui avoient fait la capitulation de faire défoncer toutes les boissons sans réserve, rapport aux sauvages dont nous ne serions pas maîtres s’ils venoient à boire.

Ce détail a été envoyé par Mr Ignace Gamelin, négociant, à Mr de Sabrevois; il ajoute:

Un courrier venu par la rive St Jean en diligence rapporte que l’escadre de Mr Dubois de La Mothe a pris les six vaisseaux anglois qui croisaient aux environs de Louisbourg, cela mérite confirmation. Par ce même courrier les lettres disent qu’un navire parti de France du 20 juin a confirmé la prise de Port-Mahon.

On nous annonce avant peu Mr de Montcalm, les régimens de Guyenne et Bearn et les grenadiers et un piquet de Lassard et beaucoup de sauvages.

Quelqu’un m’a dit que le Major Général Johnson était mort empoisonné.

Jeudy 2 Septembre – On fit la réjouissance à ce camp ainsi qu’à nos postes avancés et St Frédéric à l’occasion de la prise de Chouaguen. Le Te Deum fut chanté.

Mr Bleury est parti à deux heures après midy environ. La barque ne sera partie de St Frédéric qu’aujourd’hui à cause du Nord Est qu’il a fait ces deux jours derniers.

Vendredy 3 – Nous apprimes le matin qu’on avoit vu hier à nuit fermante, au poste de Mr Contrecoeur, deux anglois et un sauvage sur lesquels la garde des troupes de terre tira; il fut aussi tiré à minuit deux coups de fusil au poste de Mr de St Martin. Mr le Cher de La Corne envoya à Mr Contrecoeur un gros détachet et il fut fait ce jour une découverte qui aperçut trois barques à la voile dont une a tiré un coup de canon sur les dix heures du matin. Mr de Lévis en étant informé a donné ordre aux grenadiers et piquets de se tenir prets à marcher.

Sur le soir est venu un second exprès qui a dit qu’un de nos canots de découverte aïant été approché d’un batteau sur les 4 heures a tiré quelques coups de fusil, et qu’à l’instant une des barques luy a tiré un coup de canon, qu’ensuite elles se sont retirées du côté de leurs iles en louvoyant accompagnées de douze batteaux.

Les grenadiers ont ordre de partir à dix heures. 175 sauvages iroquois en route pour icy aïant entendu hier nos canons vinrent à grande hâte à St Frédéric comptant qu’il étoit attaqué; ils arrivèrent vers les minuit. Il en est arrivé ce soir un canot de six hommes.

Un abenaquis qui s’est joint aux iroquois a tué d’un coup de dague un sauvage outaois à St Jean, parceque étant souls, il s’étoit vanté d’avoir tué des françois; l’Abénaquis qui étoit également soul voulut le faire taire, l’outaois vint sur luy le couteau à la main, mais l’abénaquis plus agile ou moins soul le prévint d’un coup à travers le corps.

Les abénaquis arrivés icy le 23 aoust sont partis aujourd’huy pour Montréal, ils n’ont rien fait qui vaille. Mr le Cher de Lévis alla le matin visiter la chute.

Samedy 4 Septembre – Les grenadiers revinrent. On avoit encore vu des Anglois la veille au soir et on en vit ce matin; le canot d’iroquois arrivé la veille est allé au portage.

Perthuis est arrivé l’après midy avec onze canots remplis de sauvages; nous apprimes qu’un asnier qu’ils avoient avec eux et qui est marié au Sault les avoit laissés à St Frédéric pour aller sans doute rejoindre les aniers qui sont avec les anglois.

Mr de Fleurimond est arrivé ce soir de la découverte qu’il a fait au fort William Henry. Il dit que le fort lui a paru fini, qu’il a un beau fossez et qu’il y a de très grands logemens hors du fort; qu’il a vu un camp très considérable qu’il estime plus fort que le nôtre; qu’il avoit beaucoup de batteaux et une barque, et qu’on construisoit encore des batteaux et une barque en chantier. En revenant il a passé près de deux iles en deça des mille isles, où il a vu des Anglois, en allant il n’y en avoit point encore. Il y a des Anglois dans toutes les iles qui en peuvent contenir.

Les prisonniers faits à Chouaguen assurent toujours que les Anglois viendront cette année du côté de Carillon ou St Frédéric.

Dimanche 5 Septembre – Mr de Lévis alla au portage et alla jusqu’à l’endroit où l’avant veille on avait vu les trois barques. Il n’aperçut rien et revint à ce camp.

Les sauvages iroquois tinrent conseil à son retour et luy promirent monts et merveilles.

Lundy 6 – Le Régiment de Bearn arriva d’abord après diner et alla camper à la chute. Il arriva un accident des plus funeste. Plusieurs officiers allèrent à la chasse au petit marais, deux d’entre eux, Mrs Biville et Tersac prirent les devants dans une petite pirogue et tombèrent dans une embuscade, on entendit une décharge de mousqueterie qui fut suivi de deux cris de mort, tous les sauvages qui étoient icy partirent sur le champ à la poursuite, la plupart revint le soir et nous dit qu’il y avoit encore 20 sauvages qui continuoient.

On n’a trouvé que la tête de Mr Tersac dont la chevelure étoit levée, elle était dans le bois, plantée sur un piquet. On pense que les deux corps sont au fond de l’eau engagés dans la vase; ce qui le persuade est que la pirogue étoit renversée et criblée de balles dans les deux pinces.

Il arriva sur le soir dix à douze abénaquis en deux canots.

Mardy 7 Septembre – On vit encore hier au soir deux sauvages aux environs du poste de Mr de Contrecoeur; les iroquois revinrent et nous dirent avoir rejoint sur les huit heures du soir le parti ennemi, qu’ils en avoient compté trente cinq, tous sauvages. Ils n’ont pu dire s’ils étoient tous Aniers, mais ils ont avoué qu’ils n’avoient point de prisonniers, ils n’ont osé les attaquer parcequ’ils n’étoient que vingt. Ils partirent tous l’après midy pour le poste de Mr de Contrecoeur.

Le vent s’est jetté au Nordest. Il a plu sur le soir tant soit peu.

Mercredy 8 – Il partit un détachement pour chercher les corps de Mrs Biville et Tersac. On les trouva au fond de l’eau. Biville avoit les jambres [sic] cassées, la chevelure levée et un coup de hache qui traversoit le crâne; Tersac avoit des coups dans les jambes sans fractures, un coup qui luy entroit à l’épaule gauche et se perdoit dans le corps et le col coupé. Il est à présumer qu’ils avoient aperçus les sauvages ennemis et qu’ils revenoient sur leurs pas, car tous les coups étoient à gauche et l’embuscade étoit à droite en montant. On les enterra dans l’endroit même pour éviter au camp ce triste spectacle.

L’officier de terre qui descendit la garde du poste de Mr Contrecoeur me dit qu’on avoit vu la veille des Asniers; nos sauvages arrivant dans ce moment y coururent mais ne trouvèrent rien.

A deux heures après midy les patrons du bapteau qui avoient emmené le Regt de Bearn partirent pour Montréal. Il plut un peu ce jour et la nuit suivante. Mr le Cher de Lévis reçut à 9 heures du soir une lettre du Cher de La Corne, j’en ignore la teneure.

Jeudy 9 septembre – Six iroquois arrivés à ce camp le 3 du mois étoient allés à la découverte au fort William-Henry, ils sont revenus aujourd’huy et rapportent avoir compté cent tentes de front sur sept de profondeur, non compris les baraques. Ils ont aussi vu les hangards dont a parlé Mr de Fleurimont, beaucoup de batteaux, quatre barques et une sur les chantiers, un retranchement qui enveloppe leur camp et du monde dans toutes les iles.

Mr le Cher de Lévis alla jusqu’au poste de Mr de Contrecoeur, j’appris à son retour qu’il devoit partir le lendemain un gros détacht composé de 120 sauvages, 150 françois et plusieurs officiers et cadets, le tout sous les ordres de Mr Laperière, capitaine de nos troupes.

On entendit le soir tirer du canon à St Frédéric, 10 à 12 coups.

Vendredy 10 septembre – Le régiment de Guyenne est arrivé et Mrs de Montcalm et Bourlamark avec les grenadiers et un piquet de Lassard, on tira pour ce général 17 coups de canon et les troupes sous armes donnèrent trois vive le Roy.

Nous apprimes que les Aniers avoient levé une chevelure et fait une femme prisonnière sur le chemin de la Prairie à St Jean. On nous dit aussi qu’un Écossois s’étant blessé d’un chicot et n’aïant pu suivre sa bande s’étoit rendu prisonnier au fort St Jean. Il a rapporté que sa bande de soixante hommes environ dont 30 écossois s’étoient longtemps tenus sur le chemin de la Prairie et que luy-même étoit venu assez près du village pour voir la ville de Montréal. Il dit qu’excepté 5 à 6 écossois qui avoient gardé leur vêtement, tous les autres de ce party avoient la chevelure faite comme les sauvages. Il a encore dit qu’ils étoient six cens écossois au fort William-Henry et qu’ils en attendoient 500 autres tous les jours. On a envoyé cet homme à Montréal.

Les sauvages qui devoient partir aujourd’huy de chez Mr de la Corne ont voulu attendre l’arrivée de Mr de Montcalm: ils avoient entendu dire qu’ils venoient avec luy beaucoup de sauvages avec lesquels ils étoient unis par un grand colier, qu’ils vouloient les attendre pour marcher tous ensemble.

J’entendis tirer sur les 9 heures du matin 4 coups de canon qui me parurent venir du lac St Sacrement.

Samedy 11 septembre – Les officiers généraux sont allés au portage. Mr de Montcalm y est allé dans la vue de déterminer les sauvages à partir, ce qui ne sera, je crois, que pour après demain.

Mr Bleury arriva à 11 heures et demie avec 25 batteaux de charges, il est reparti le soir avec les patrons de batteaux qui ont emmené Mr de Montcalm, Guyenne et Lassard, il a aussi embarqué plusieurs miliciens malades.

150 sauvages environ arrivèrent aussi avec deux prisonniers anglois qui s’étoient rendus à eux à la Rivière aux Sables, l’un volontaire écossois, l’autre capitaine de milice de campagne; ils n’ont pu suivre leur bande, elle étoit composée de 50 à 60 hommes qui s’étoient divisés en petites bandes de 15 et 10 hommes. Ils étoient partis de William Henry le 6 août et seroient tous morts de faim s’ils n’eussent trouvé du bled dans une maison du lac Champlain. Je n’ai encore pu sçavoir le rapport de ces prisonniers.

Le volontaire écossois a fait son journal qui pourra instruire de quelque particularité. On m’a répété qu’il avoit dit qu’à son départ, il y avoit six mille hommes dans les forts de Lydius et William-Henry, mais de très mauvaises troupes; qu’il n’y avoit que 600 écossois de bonnes troupes; qu’ils en attendoient 500 autres; que le général Loudon étoit à Orange. Nous apprimes par des lettres particulières que le Héros s’étoit longtems battu contre deux vaisseaux anglois qu’il auroit pris si l’Illustre eut pu le joindre, mais au commencement du combat, le vent tomba tout plat ce qui empêcha l’Illustre de joindre, et dès que le vent fraichit un peu, les deux anglois se sauvèrent au plus vite. Le combat s’est livré dans les parages de l’Ile Royale.

Le Héros a perdu 1 officier et 20 hommes et 45 blessés. Il plut beaucoup le soir et une partie de la nuit. Mrs Marin, Simblin et La Morandière arrivèrent à la nuit avec une partie de leurs sauvages.

Dimanche 12 Septembre – Le reste des sauvages arriva qui, avec ce qui arriva hier au soir, monte à cent cinquante ou soixante, il y a des outaois et des saulteurs. Une découverte faite du poste de Mr Contrecoeur par des sauvages, dit avoir vu un camp de mille hommes environ à 12 ou 15 lieues dudit poste dans la profondeur. Ce camp seroit beaucoup plus près de St Frédéric. Il est party une autre découverte sauvage pour vérifier ce rapport.

Des sauvages ont observés que les ennemis faisoient une découverte à un certain endroit, ils doivent examiner si cette découverte se fait tous les jours afin de s’embusquer pour l’enlever.

Mrs Péan et Le Mercier arrivèrent à 4 heures après midy. Il plut ce jour à plusieurs fois et le vent étoit bon Nord-Est.

Lundy 13 Septembre – Le vent changea et le tems se mit au beau quoique froid. Tous les iroquois qui étoient icy allèrent au portage rejoindre leurs camarades. Les sauvages attendent pour partir, le retour des découvreurs.

Mardy 14 – Rien de nouveau. Beaucoup de sauvages passèrent encore au portage; ceux qui restèrent icy reçurent une invitation de la part des Iroquois qui étaient au portage de les venir joindre pour faire un festin de guerre de 6 à 7 chevreuils qu’ils avaient tués. On pense qu’ils partiront ensuitte tous ensemble pour aller à l’ennemis. On désiroit fort qu’il alla une bande du coté de La Baye, n’aiant aucune nouvelle de cet endroit depuis plus de six semaines, il ne sera pas possible, je crois, d’en déterminer aucun.

Mercredy 15 – Les Outaois et autres sauvages des pays d’en hault allèrent au portage. Rien de nouveau d’ailleurs. La découverte partie du 12 revint, elle n’eut aucune connaissance du prétendu camp de mille hommes, mais elle vit beaucoup de pistes qui annoncent qu’il s’est fait de grosses découvertes.

Jeudy 16 Septembre – Le reste des sauvages passa au portage. On me dit qu’ils en devaient tous partir le soir.

Vendredy 17 – Mr le Chevalier de La Corne revint du portage et nous dit qu’il en était parti la veille 520 sauvages, 130 français et plusieurs officiers, le tout sous les ordres de Mr de Laperière, capte de nos troupes pour aller à l’ennemi.

Le Cher de la Corne partit à 4 heures après midy de ce camp pour aller à Montréal.

Samedy 18 – Rien de nouveau.

Dimanche 19 – Mr de Montcalm passa en revue nos troupes et milices. Mr le Cher Le Mercier, l’ingénieur de terre et deux aides de camp, tous partis avec les sauvages dans l’intention d’observer le lac et même le fort William Henry s’ils en alloient assez près revinrent à l’entrée de la nuit et dirent qu’ils avaient trouvé toutes les îles évacuées, qu’ils avoient été à 3 lieues environ du fort d’où ils apercevoient les hangards et les fumées du camp; que là, les sauvages avoient tenu conseil dont le résultat avoit été de détacher 115 des meilleurs jambes d’entre eux et quelques officiers et autres françois en état de les suivre pour aller au fort tâcher d’y faire quelque chose. Le reste des sauvages est demeuré avec les canots pour les garder et faciliter la retraite du détachement au cas qu’il fut repoussé. Ce détachement a dit en partant que s’il n’avait pas rejoint le surlendemain matin, c’est à dire mardy 24, les canots n’avoient qu’à partir et ne le point attendre parcequ’il aurait pris le chemin des montagnes.

Entre 9 et 10 heures du soir on entendit plusieurs décharges de mousqueterie, assez semblables à une attaque; on crut même entendre du canon. On ne sçavoit si cela partoit du poste de Mr de Contrecoeur ou du lac. Plusieurs pensoient que c’étoit du fort même. Ces décharges ont duré près de demie heure.

Lundy 20 Septembre – J’appris à mon réveil que la mousqueterie que nous entendîmes était des coups de fusil tirés chez Mr Contrecoeur par les sauvages revenant de guerre. Les 115 sauvages dont j’ai parlé avoient rencontré un détachement ennemi de 52 hommes, officiers et soldats, munis de deux jours de vivres pour faire la découverte conformément à l’ordre du capte qu’on a trouvé dans sa poche, ils défirent ce détachement en entier, morts ou prisonniers. Le capte et le Lieutenant ont été tués; un ense a été fait prisonnier. Ils ont dit que l’armée angloise étoit partagée en deux corps de 3000 hommes dont un à Lydius et l’autre à William Henry; que les maladies avoient considérablement diminué ce nombre et qu’ils craignoient que nous n’allassions les attaquer; que le général Loudon étoit toujours à Orange avec 2000 hommes de la vieille Angleterre, qu’il n’avoit pas voulu envoyer son artillerie parcequ’il la payeroit si elle étoit prise. Cela a tout l’air d’un propos de soldat.

Ils n’ont plus de sauvages. Ils ont dit aussi qu’ils n’avoient jamais eu de poste fixe dans les iles, qu’il n’y avoit jamais eu que des découvertes.

Voilà ce que jusqu’à présent j’ai pu scavoir des dépositions des prisonniers.

On attend les sauvages de la Présentation qui se sont séparés au nombre de 9 des autres sauvages pour faire coup séparément.

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Déposition de Charles Aubreyn, prisonnier

Il est né Irlandois, il y a 10 ans qu’il est venu à la Nouvelle-York, a dit qu’il sert en qualité de soldat dans les milices ou troupes provinciales de la Nouvelle Angleterre depuis le 28 mars dernier, que son régiment est composé de 700 hommes et qu’il n’en scait pas au juste le nombre de compagnies, que lorsqu’il a été fait prisonnier, il alloit avec un détachement de 40 hommes, un Capte et un lieutenant à la découverte pour voir si les françois avoient débarqués de l’artillerie pour venir les attaquer, que ce détachement n’avoit de vivres que pour deux jours, qu’il avoit vu son cap*te tué, qu’il ignore le sort de son lieutenant.

Qu’il y a deux détachemens en campagne, dont un de 40 hommes qui a pris des vivres pour 5 jours, qu’il ne scait pas de quel côté il a tourné, et l’autre commandé par ie Capte Rosé qui a 100 hommes à ses ordres, que rarement il prend tous à la fois, qu’il ne sçait pas par conséquent le nombre qu’il a eu cette fois, mais il scait qu’il partit il ya 3 jours pour aller du côté de la pointe, qu’il a aussi oui dire qu’il suivroit le coté du nord du lac Champlain jusqu’au fort St Jean, que c’est luy qui a pris il y a quelque tems un soldat, une femme et une petite fille près du fort St Frédéric.

Qu’il peut y avoir 3000 hommes tant au fort William Henry que dans le camp, qu’il ne scait pas bien le nombre de ceux qui sont au fort Lydius, mais qu’il a oui dire qu’il y en avoit plus qu’au fort William Henry où commande le Colonel Wingelot (Winslow), il ignore le nom de celui qui commande le fort Lydius.

Qu’il y a 3 barques sur le lac St Sacrement et sept sur le chantier dont quelques unes prêtes à lancer à l’eau et environ 200 bapteaux.

Qu’ils travaillent à la construction de batteaux plats, qu’il y en a déjà 3 de faits qui chaqu’un peuvent porter 100 hommes et 4 pièces de canon.

Que le fort William Henry n’est point finy, qu’il y a toujours 50 charpentiers qui y travaillent pour élever les fortifications.

Qu’il ne scait pas le nombre des autres ouvriers, mais qu’il y en a beaucoup.

Que le camp est retranché de grosses pièces de bois, piquets et facines.

Qu’il y a quelque temps on parloit beaucoup dans leur camp de venir attaquer le fort St Frédéric, et le fort de Carillon, mais qu’à présent on n’en parle plus guère.

Que de leur côté ils avoient grand peur d’être attaqués, tant au fort William Henry qu’à Lydius.

Qu’il y a six hangards autour du fort et deux dans l’intérieur.

Qu’il a oui dire qu’il étoit arrivé 900 écossois de la vieille Angleterre, qu’il ne scait pas qu’il soit arrivé d’autres troupes.

Que Milord Loudon est à Albany avec 2000 hommes de troupes réglées, qu’il en devoit venir 500 au fort William Henry, 500 à Lydius, 500 à Sarasto et 500 à Chouaguen, Milord Loudon devoit venir au fort William Henry mais que depuis 3 semaines qu’ils ont sçu la prise de Chouaguen, il n’en a plus entendu parler, il pense que les troupes sont toujours à Albany.

Qu’il y a environ un mois qu’un colonel est venu avec 500 hommes au fond de la baye ou débarqua Mr Dieskau, pour y marquer une place propre à y faire un fort, qu’il y a demeuré 8 jours, que 200 hommes de ce détachement y sont tombés malades, qu’on a été obligé d’emporter; qu’il a oui dire que la saison étoit trop avancée pour commencer à construire ce fort.

Qu’il n’a jamais vu à la fois au fort William Henry au delà de 20 sauvages.

Qu’il y a à ce fort beaucoup de malades et qu’il en meurt 10 à 12 chaque jour.

[Fin de la déposition de Charles Aubreyn, prisonnier]

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Mardy 21 Septembre – Il partit de ce camp plusieurs sauvages pour retourne [sic] à Montréal.

Mercredy 22 – Tous les sauvages retournèrent à Montréal excepté quelques uns.

Mr Bleury arriva avec 23 batteaux de transport. Je sçu par une lettre particulière que Mahon étoit pris, que la plus grande partie de sa garnison avoit été passée au fil de l’épée; que le Prince de Conty étoit en Flandres à la tête de 80,000 hommes, que nous avions dans le port de Brest 45 vaisseaux de ligne et 15 frégates prêtes à faire voile, que les Anglois avoient devant ce port 50 vaisseaux et que craignant une descente à Londres même, ils avoient des vaisseaux à l’entrée de la Tamise, que tous nos batteaux plats étoient pris et que Mr Machault avoit dit publiquement qu’au mois d’Aoust nous aurions 100 vaisseaux de ligne nouveaux et des vaisseaux légers au prorata.

Le vaisseau qui a apporté ces nouvelles est parti de France en juin.

Du côté de la Belle-rive on marque qu’on a enlevé aux Anglois deux petits forts où il y avoit quelques pièces de canon, que par ces prises, la Caroline étoit ouverte aux incursions de nos canadiens et sauvages et qu’avant peu on apprendroit que cette province est entièrement ravagée.

On nous a dit aussi que Mr le Marquis de Vaudreuil avoit 3000 hommes de commandés prêts à marcher sur ce qu’on luy avoit fait craindre que cette frontière ne fût attaquée. Lorsqu’il sçaura qu’il n’y a nulle apparence, personne sans doute ne bougera.

Plusieurs de nos messieurs arrivèrent le soir avec 50 soldats de terre restés à Montréal malades et 30 sauvages. Nous sçumes par eux que nos sauvages partis d’icy pour Montréal avoient eu connaissance par des pistes, d’un party anglois aux environs de St Frédéric et qu’ils avoient laissés leurs canots pour leur donner la chasse.

Le peu de sauvages qui nous restoit icy est party par le lac St Sacrement.

Les sauvages de la Présentation qui s’étoient détachés du party de Mr Laperière sont revenus avec une chevelure et sont retournés à Montréal avec les autres.

Il plut le soir et une partie de la nuit.

Jeudy 23 Septembre – Mr de Bleury partit le matin avec vent contraire. Mrs Le Verrier et Verger sont partis avec luy et près de 300 malades, ainsi que Mr Vaudray et Mr Patris, Captes des troupes de terre.

Les sauvages partis hier pour aller à l’ennemi sont relachés à notre camp et sont retournés à Montréal. Ceux de St Frédéric n’ont rien trouvé. Quelques uns sont revenus et ont passé au portage.

La barque arriva ce jour à St Frédéric.

La pluye commença à tomber sur les 11 heures du soir et a duré une partie de la nuit.

Vendredy 24 Septembre – Rien de nouveau.

Samedy 25 – Rien de nouveau. Il plut dans le jour à plusieurs reprises et une grande partie de la nuit.

Dimanche 26 – Départ de Mr Fleurimond avec un party sauvage pour aller à la guerre par le fond de la Grande Baye. On m’a dit aussi qu’il étoit parti seul un nommé Ganactagon, sauvage iroquois pour aller au fort William-Henry porter des lettres écrites par les prisonniers faits à Chouaguen que luy a confiées Mr de Montcalm.

Mrs Péan, Villiers, La Colombière et le Mercier partirent d’icy pour Montréal à 10 heures du soir. Il plut la nuit.

Lundy 27 Septembre – Beau tems, rien de nouveau

Mardy 28 – La grande garde entendit tirer quatre coups de canon et de la mousqueterie du côté de St Frédéric. La barque en partit ce jour.

Mercredy 29 – Mr Moët arriva avec 18 pouteoatamis, il étoit parti le 18 de Montréal. Il a battu quelques tems les bois de La prairie pour découvrir s’il y avoit quelques party ennemis. Il a également fait des découvertes en venant dans le Lac Champlain et n’a eu connaissance de rien.

Il dit que le canon qu’on entendit hier fut tiré de la barque qui partoit de St Frédéric pour saluer les sauvages qui, de leur côté, firent des décharges de mousqueterie.

Mr Fleurimond parti le 26 arriva le soir. Il envoya au fond de la Grande Baye un nommé Bondy, officier de milices avec quelques sauvages qui luy rapportèrent avoir vu deux chiens qui avoient aboyé dès l’instant qu’ils en avoient été aperçus, et qu’ils croïoient aussi avoir entendu les mots de cour, courir, adressés aux chiens, ainsi qu’un bruit semblable à celuy que feroit quelqu’un qui bat une pierre à fusil.

Ce rapport luy a fait juger qu’il y avoit là une garde avancée.

Il a continué sa découverte sur le chemin de Sarasto où il n’a rien aperçu.

La pluye tomba le soir et a continué une partie de la nuit.

Jeudy 30 – Rien de nouveau. Il a plu ce jour à plusieurs reprises et une partie de la nuit.

Vendredy 1er Octobre – Il plut un peu le matin, le tems se mit au beau sur les 10 heures. L’interprète des iroquois est venu du portage et m’a dit qu’il en étoit parti hier dix sauvages pour aller entre les forts William Henry et Ledys (Lydius), tâcher d’y faire des prisonniers. Ganactagon que je croyais parti du 26 ne partit qu’hier. Lorsqu’il aura fait coup, il laissera les lettres dont il est chargé.

Il arriva l’après midy dix népisingues de St Jean, ils ne nous apprirent rien de nouveau.

Samedy 2 – Il plut tant soit peu le matin. Mr de Bleury arriva à huit heures du soir avec 63 batteaux de transports. Il nous apprit l’arrivée d’un vaisseau de France qui a apporté la gazette où est inséré le traité du Roy de france avec la Reine de Hongrie. Il emmena aussi une Berge faisant partie des quatre qui ont été trouvées au dessous de St Frédéric au nord du lac Champlain dans des crans de roche par 3 sauvages allant à la chasse. Mr de Lusignan, père, envoya sur le champ un détachement de 30 hommes chercher les trois autres. On a trouvé dans les berges 1 baril de poudre, des bales, des grenades toutes chargées, des espingoles 7 à 8.

Dimanche 3 d’octobre – Départ d’un party de 30 à 40 sauvages et 30 françois sous les ordres de Mr Moüet Ense. Ce détachement a passé par le fond de la baye.

Mr de Lévis partit le soir avec un détachement de cent hommes dont 20 soldats de terre pour faire une découverte dans le lac Champlain, de la rivière Boquet à la rivière aux Loutres, à l’endroit où on a trouvé les berges, pour tacher enfin de sçavoir par où les Anglois ont pu les faire passer.

Lundy 4 d’octobre – Départ de Mr Bleury à la pointe du jour.

Mardy 5 – Un officier du portage m’a dit que Canagtagon et sa bande étoit revenu sans avoir rien fait.

Il a laissé près du fort les lettres dont il étoit chargé, il dit y avoir entendu beaucoup de sauvages qui chantoient la guerre.

Mercredy 6 – Les Abenaquis partis le 3 revinrent le soir avec Mr Moët et nos soldats. Ils nous dirent qu’étant à foncer dans le bois près de la rivière au Chicot, Mr Montegron et un abenaquis laissèrent la bande pour suivre une piste fraiche qu’on avoit trouvée. Comme ils passoient au pied d’une montagne, ils reçurent deux coups de fusil dont l’Abénaquis fut tué roide. Mr Montegron ne vit personne. Il prit avec luy les Pouteouatamis et autres domiciliers et s’en alla du côté de Sarasto. Les Abenaquis et le reste du party revinrent à ce camp.

Jeudy 7 – La plus grande partie des Abénaquis partirent pour Montréal et la pluye commença à tomber à 6 heures du soir et a continué toute la nuit.

Vendredy 8 – Rien de nouveau. Il plut tout le jour.

Samedy 9 – Le temps se mit au beau et le vent au Nordest. Rien de nouveau.

Dimanche 10 – Calme. Les sauvages iroquois qui étoient au portage sont revenus à ce camp et il en partit douze avec Mr Boucherville, Ense, pour aller à la découverte au fond de la Baye à l’endroit où a été tué dernièrement un abénaquis. Les autres sauvages doivent retourner à leur village.

Lundy 11 d’Octobre – J’allai monter la garde au portage. Sur les dix heures il passa à mon poste un soldat de Béarn avec une escorte. Il avoit été pris par 3 aniers sur les 6 ou 7 heures du matin aux environs de ce poste. Lorsque les sauvages qui le conduisoient furent près des montagnes, ils virent passer des chevreuils. Deux d’entre eux coururent pour les tirer et laissèrent au 3me la garde du prisonnier. Le gardien le négligea un moment, le soldat profita de la circonstance et s’est sauvé au camp de Mr de Contrecoeur dont il n’étoit pas éloigné. Il a reçu sur la main deux coups de hache. Les sauvages n’ont plus que son habit dont ils l’avoient dépouillé.

Un milicien m’a apporté des lettres de Québec venues par Mr Bleury, arrivé à ce camp ce jour avec 37 batteaux de transport.

Mardy 12 – Un sergent avec escorte, porteur d’une lettre pour Mr de Montcalm passa sur les 9 heures du matin à mon poste et m’apprit qu’un soldat et un valet du Regnt de Bearn avoient eu la chevelure levée une heure auparavant, entre les postes de Mr de St Martin et Contrecoeur. On entendit de ces deux postes douze à quinze coups de fusil en décharges. Ils ont laissé un fusil, un casse-tête et une lance. Les morts ont aussi restés vêtus; ils se sont si fort pressés de se retirer qu’ils ont très mal levé une des deux chevelures. Mr Boucherville, cadet, partit avec 100 hommes pour les poursuivre, il n’a pas pu les joindre. Il a passé icy à midy environ, il alloit sans doute rendre compte à Mr de Montcalm.

Mercredy 13 d’Octobre – Je fus relevé. J’appris à mon arrivée que Mr Bleury était parti le même jour de son arrivée, que Mrs de Vassant, Lévis et St Blin étaient partis hier avec deux cens soldats de nos troupes qui doivent aller à la Présentation et à Frontenac; qu’il était aussi parti près de 100 malades; que les ordres de Mr de Vaudreuil, tant pour le retour de l’armée que pour les règlements des garnisons de Carillon et St Frédéric étoit icy; j’appris aussi qu’on marquait du fort Duquesne que 300 anglois étoient venus à Attigné pour exterminer un village de Loup qui y est situé; qu’ils avoient tué 7 sauvages, mis le feu à plusieurs chomines. Les sauvages commencèrent à sauver eux, leurs femmes et leurs enfans; mais voïant l’intrépidité avec laquelle soutenoit le feu des Anglois un de nos officiers venu par hasard à ce village avec soixante hommes pour y chanter la guerre, ils revinrent à la charge et les Anglois furent mis en déroute; ils perdirent 40 hommes et se répandirent dans leur fuite ça et là par les bois. On prétend que les sauvages les y pourchassèrent et qu’il en coutera cher à ces anglois. Mr de Normanville, commandt le détachement françois a été blessé à la cuisse.

Mr de Boucherville arriva le soir de la découverte. Il étoit allé à l’endroit où dernièrement on tua un abénaquis, il ne trouva personne, pas même le corps, ce qui fait juger que cet homme n’a pas été tué roide et qu’il n’y avait là qu’une découverte qui l’aura fait prisonnier et qui par hazard se sera rencontrée vis à vis de la nôtre.

Jeudy 14 d’Octobre. – Rien de nouveau, le poste de Mr Contrecoeur se replia à celuy de Mr La Corne.

Vendredy 15 – Il partit de ce camp un canot d’iroquois pour retourner à leur village. Dix à douze sauvages de cette nation qui nous restent doivent partir après midy du camp de Mr Contrecoeur pour faire une découverte au fort William Henry. Rien de nouveau d’ailleurs.

Samedy 16 – Rien de nouveau.

Dimanche 17 – Rien de nouveau.

Lundy 18 d’Octobre – Deux sauvages du party iroquois partis de ce camp le 15 ont relâché et ont rapporté avoir vu des barques angloises en mouvement. La découverte journalière qui se fait du portage n’a rien vu. On regarde comme apocryphe le rapport des deux sauvages.

Après midy Mr Montegron arriva avec les Poutéouatamis et autres sauvages domiciliers partis de ce camp le 3 et qui s’étoit séparé du reste du détachement le 6, ils amènent un prisonnier anglois.

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Déposition d’un nommé Samuel Coup, prisonnier Anglois

Il est natif de Guépar dans la Nouvelle-Angleterre, à 60 milles d’Orange, à 40 milles audessous de Plimouth. Il a été fait prisonnier à 4 ou 5 milles au dessous d’Albany d’où il venoit et qu’il y avoit six jours qu’il en étoit parti. Il est pris depuis 3.

Qu’il y a 150 écossais à Albanie, qu’il n’y a pas d’autres troupes, que Milord Loudon en est party il y a 15 jours pour aller au fort Lydius et de là il devoit se rendre au fort William Henry.

Que toutes les troupes sont montées entre le fort William Henry et le fort Lydius, et que dans le tems qu’on croïait entrer en quartier, Milord Loudon a ordonné ce mouvement en avant, qu’il a fait monter du côté du fort William Henry beaucoup de munitions de bouche et de guerre, que la dernière artillerie étoit montée il y a trois semaines, que l’on dit que l’on doit attaquer la pointe sur la fin de la campagne, qu’il y a beaucoup de troupes régulières et de milices.

Qu’il parait que les troupes réglées étoient au fort Lydius et les milices au fort William-Henry;

Qu’il y a 2000 chariots employés à porter toute sorte de provisions, et qu’on les a forcés pour y venir, qu’il y a deux soldats à chaqu’un pour les garder;

Qu’on ne voit autre chose dans le chemin que charettes et chariots.

Il dit qu’on travaille à fortifier la ville d’Orange du côté qui regarde le bois; qu’on avoit beaucoup parlé de construire un fort à la rivière au Chicot, mais que Milord Loudon avoit renversé ce projet, qu’il disoit qu’il vouloit plutôt venir à la pointe que de l’entreprendre;

Que le major général Johnson est au fort William Henry avec des sauvages, qu’il a oui dire qu’il y en avoit beaucoup, que le Colonel Wingelot (Winslow) y étoit aussi; [Note de Loup K. : la parenthèse «(Winslow)» fait partie de l’édition de 1930]

Qu’on avoit parlé de la paix, mais que Milord Loudon avoit dit qu’il vouloit frapper avant que de la faire;

Qu’on est très fatigué de la guerre dans la Nouvelle Angleterre, entendu qu’il y périt beaucoup d’habitans, qu’ils ont grande peur de nos sauvages.

Qu’ils trouvent un avantage à faire leurs batteaux au fort William Henry, qu’ils n’en font point venir du fort Lydius où il y en a beaucoup qu’on y apporte d’Albanie;

Que le fils unique de Milord Loudon a été tué à Sarasto par un soldat en faisant l’exercice à feu.

[Fin de la déposition du nommé Samuel Coup, prisonnier Anglois]

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Mardy 19 d’Octobre – Plusieurs de nos messieurs partirent avec une trentaine d’hommes et deux ou trois sauvages pour aller à la chasse au fond de la Grande Baye. Ils doivent faire en même tems une découverte.

Le tems fut orageux tout le jour. Nous eumes de la pluye à deux ou trois fois, un très gros vent et entendit aussi le matin du tonnerre, mais éloigné.

Mercredy 20. – Gros vent tout le jour. Nos messieurs partis hier pour la chasse renvoyèrent vingt hommes, ils sont restés onze y compris quatre sauvages, les hommes revenus nous ont dit qu’hier à leur arrivée près des deux Rochers, ils trouvèrent un feu allumé et des perches tout nouvellement plantées, ce qui leur a fait penser qu’il y avoit passé depuis peu un parti ennemi. Sur les 5 heures du soir on apprit que trois canadiens partis de la Chûte pour le camp de Mr de Contrecoeur avoient rencontré un party anglois de 10 à 12 hommes, un des canadiens les voïant faire une manoeuvre pour les tourner leur tira un coup de fusil qui jeta, à ce qu’il croit, un homme par terre, les Anglois ripostèrent d’une décharge dont ils blessèrent celuy qui avoit tiré d’un poste à la tête et une au bras, et un autre reçut une balle dans la cuisse, sans luy casser, le troisième n’eut rien.

Les Anglois n’ont osé les poursuivre et se sont sans doute retirés; Mr de Fonbonne, command t à la Chûte a fait partir 30 grenadiers sitôt qu’il a sçu l’affaire. Il est à remarquer qu’avant ces 3 hommes, il en étoit passé huit qui n’ont rien rencontré. L’officier de nos troupes qui étoient de garde dans le chemin du portage envoya sitôt qu’il eut sçu l’affaire du premier canadien qui passa à son poste sans avoir été blessé.

La nouvelle du feu trouvé allumé près des deux Rochers a été démenti par le retour de nos messieurs. Il avoit été allumé anciennement par nos sauvages et avoit couru depuis dans le bois.

Jeudy 21 d’Octobre – On n’a pas trouvé l’Anglois qu’on a cru tué hier. Perthuis parti du poste de Mr Contrecoeur le 15 avec 10 à 12 Iroquois est arrivé ce matin. Il n’a pu rien faire. J’ai oui dire qu’après avoir bien examiné le camp ennemi, il avoit compté 50 tentes de frond sur 12 de profondeur, que malgrez cela il n’estimoit pas plus de sept à huit cens hommes dans le camp par le peu qu’il en avoit vu mouver, qu’il n’avoit pas vu outre les barques plus d’une cinquantaine de batteaux; qu’un nommé Bourdeaux qu’il avoit avec luy s’étoit approché du chemin qui communique au fort Lydius, d’où il avoit entendu le bruit d’un très grand nombre de chariots ou charettes et d’hommes qui retournoient à ce fort, qu’il a aussi vu, en partant du camp de Contrecoeur deux barques et 2 batteaux dans le lac qui avoient approché aussi près qu’il est possible de l’ancien poste de Mr Contrecoeur.

Ils ont laissé des lettres dont ils étoient chargés, elles étoient des prisonniers que nous avons à Québec.

Nos messieurs qui étoient à la chasse au fond du marais sont revenus ce soir. Ils n’ont eu connaissance d’aucune découverte ennemie.

Vendredy 22 d’Octobre – Les sauvages Pouteouatamis partirent de ce camp pour aller à Montréal y chercher leurs femmes, on m’a assuré qu’ils devoient revenir icy.

La grande garde entendit des décharges de mousquéterie du côté de St Frédéric. On pense que ce sont les Poutéouatamis qui arrivoient à ce fort.

Samedy 23 – Rien de nouveau. La pluye commença à tomber sur les 8 heures du soir.

Dimanche 24 – Rien de nouveau. La pluye cessa sur les huit heures du matin. II fit très beau le reste du jour.

Lundy 25 – Le tems couvert tout le jour. II tomba tant soit peu de neige, si peu qu’à peine peut-on dire en avoir vu.

Mr Courtemanche partit vers le Midy avec Perthuis l’interprète des Iroquois qui n’en a emmené avec luy que deux et quatre miliciens.

Mr de Bleury arriva l’après midy avec 54 batteaux de transport. II rapporta des nouvelles à la main conçues en ces termes :

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De Louisbourg, le 10 7bre

[ Note de Loup K. : «7bre» : «septembre»]

Nous sommes toujours icy dans la même situation, occupés de l’avancement de nos ouvrages pour mettre cette place en état de défense. Nous eûmes icy pendant quelques jours le Major HaIt du Régiment de Hasselt en garnison à Halifax, envoyé sous le prétexte d’apporter plusieurs lettres de France, toutes ouvertes, trouvées à bord de nos vaisseaux pris, demander des secours en argent pour les prisonniers de l’Arc en ciel et de traiter de l’échange du St Martin, Lieutenant d’Artillerie détenu prisonnier à Québec, il arriva le 4 août, a été bien traité en rade et à terre, et s’en retourna le lendemain du départ des 4 vaisseaux du Roy, descendus de Québec. II y a apparence que son objet principal étoit de connaitre nos forces maritimes.

Les termes de marine ne m’étant pas familiers, je croirois beaucoup hazarder de vous parler du combat du Héros le 27 juillet après midy.

18 matelots françois désertés d’Halifax ont rapporté que nos prisonniers y souffroient beaucoup, que dans le nombre de nos vaisseaux pris étoient l’Arc-en-Ciel, le Pontchartrain et l’Equité, qu’il en étoit sorti dix-sept batimens armés grands et petits, les premiers se tiennent au large pour intercepter tout ce qui fait route pour cette colonie, et les autres inquiètent notre cabotage, ils ont des Berges au moyen desquelles ils enlèvent les goëlettes et chaloupes que les patrons échoüent pour sauver le monde; il y a cependant apparence qu’ils ne tenteront dorénavant cette manoeuvre qu’avec circonspection, vu que les sauvages par une feinte en aïant attirés quatre à terre dans le passage de Fronsac, en ont pris une dans laquelle étoient cinq hommes et un lieutenant de frégate, blessé et tué vingt-six autres des trois qui regagnèrent leur bord, moûïlIé à l’endroit nommé la Grande Anse.

La Chercheuse, goelette venant du Canada a été prise à Nigouiche après s’être échoüé.

Il entra hier matin dans ce port une goëlette venant de Bayonne après 54 jours de traversée qui rapporte les nouvelles suivantes:

Que le fort Philippe en l’Ile de Minorque s’est rendu le 29 juin.

Que la garnison sortie avec les honneurs de la guerre avoit été conduite aux frais du Roy à Gibraltar.

Que les Anglais [sic ; on trouve parfois «Anglois», parfois «Anglais»] après le combat de Mr de la Galissonnière s’étoient retirés dans ledit port, et si maltraités qu’ils furent obligés d’y conduire trois de leurs vaisseaux à la remorque et que leurs escadre étoit renforcée de 18 autres.

Que Mr de la Galissonnière avoit pris des bâtiments chargés de soyries venant de Smirne estimés 12 millions.

Que l’Espagne avoit armé dix-huit vaisseaux de guerre dont plusieurs étoient entrés dans les ports de Majorque.

Que l’Ambassadeur Anglois en avoit fait des représentations et que la réponse fut que le Roy sachant des flottes étrangères autour de ses états, il étoit à propos que Sa Majesté se tint sur ses gardes.

Que la Reine de Hongrie avoit signé un traité d’union avec nous.

Que la Hollande s’étoit contentée de la neutralité seulement, ce qui déplaisoit aux Anglois qui leur ont pris onze bâtiments sortans du Havre.

Qu’au reste, tout étoit assez tranquil le long des côtes et qu’il n’était question d’aucune autre opération que de Jersey et de Gernesay.

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Lettre de Mahon, du 30 juin 1756

Le Dimanche 27 du mois, Mr le Maréchal de Richelieu fit donner l’assault au chemin couvert des forts d’Estrendens, Argile, La Reine, Kerne, St Charles et Malborough qui n’étoient presque pas endomagés; nos grenadiers et volontaires soutenus de plusieurs piquets se présentèrent à 10 heures ¾ de la nuit; rien ne leur résista dans les chemins couverts qu’ils enlevèrent l’épée à la main, après quoy, au moyen d’une grande quantité d’échèles, ils descendirent dans les fossez et escaladèrent les dts forts avec une si grande intrépidité que les efforts des Anglois pour s’y opposer ne servirent de rien, avec la circonstance que les échelles se trouvèrent plus courtes que les hauteurs des brèches desdits forts, les unes de 3 pieds, les autres de 4 et même de 5. tout cela ne les empêcha pas de s’en emparer, d’en chasser les Anglois et de se saisir de tous les dessous des ouvrages qui, au moyen de cela nous donnoit la communication pour aller sous le donjon.

Les Anglais mirent le feu aux sept mines sous les glacis des forts d’Estrendens, Argile et La Reine, mais comme nos troupes ne s’y étoient pas arrêtés ayant d’abord franchi la palissade; nous n’avons pas perdu 50 hommes de leurs effets. Nos soldats ayant pris les chemins couverts arrêtèrent les mineurs qui vouloient mettre le feu aux mèches et leur prirent les saucissons qu’on leur paya quatre Louis chaqu’un.

Les Anglais demandèrent à la pointe du jour 28 une suspension d’armes pour retirer leurs blessés et leurs morts. Mr le Maréchal leur accorda jusqu’à 7 heures ½ du matin du même jour. Pendant ce tems là nous fimes aussi enlever les nôtres, qui entre les morts et blessés ne vont pas à 500 en y comprenant 37 officiers tués ou blessés.

La suspension achevée on commença de part et d’autre les hostilités, le feu des Anglois étoit peu de chose, la vigueur qu’ils avoient trouvée dans nos troupes les avoit si fort étonnés qu’ils ne se croïoient pas en sécurité dans le double retranchement qu’ils avoient encore et craignant qu’après ce qui s’était passé on ne vint à les enlever dans le centre de la place et que tout ne fut pillé et passé au fil de l’épée, ils prirent le party d’envoyer vers les 11 heures ¾ du matin du même jour 28, deux officiers et un tambour pour demander à capituler.

Mr le Maréchal accepta que l’on traita la capitulation. Dès ce moment les hostilités cessèrent de part et d’autre mais nous continuâmes à travailler comme si la capitulation ne devoit pas avoir lieu; nous établîmes nos communications avec les forts que nous avions pris, les Anglois de leur côté travailloient aussi par honneur pour faire voir que si l’on ne s’accordoit pas, ils étoient en état de nous résister encore.

Enfin, après bien des allées et venues, le tout fut terminé hier au soir 29 comme s’en suit:

La garnison sortira avec les honneurs de la guerre, 4 canons, 4 chariots couverts et leurs bagages; nous devons les porter à Gibraltar.

Les Anglois, les Grecs et les Juifs établis dans l’Ile de Minorque ont six mois pour emporter leurs effets et se retirer où bon leur semblera.

Nous sommes en possession de presque tous les forts, les Anglois n’en occupent qu’une petite partie.

L’entrée du port est toute à nous et tous les bâtiments marchands y vont entrer.

On a permis aux Anglois des forts de venir dans la ville de Mahon, ils sont grands camarades de nos soldats, ils s’accordent tous à dire, tant les officiers que les soldats qu’il n’y avoit que des françois ou des diables qui pussent faire ce que nos troupes ont fait.

Mr le Duc de Fronsac est parti la nuit du 29 au 30 pour emporter la nouvelle au Roy – Mr le Duc de Fronsac a débarqué à Toulon le 5 juillet pour prendre la route de Paris.

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Suitte des nouvelles de France copiées sur autre relation

La guerre a été déclarée par la France à l’Angleterre le 9 juin.

Le 16 juin, le parlement de Bordeaux s’est interdit luy-même, j’en ignore la raison.

Mr le Comte de la Galissonnière a pris une flotte anglaise venant de Smirne qu’il a envoyé à Marseille avec un grand vaisseau anglois sous pavillon françois, chargé de soyeries et de Corail, on fait monter ces prises à 12 milions.

Il y a une fermentation terrible parmi le peuple de Londres depuis la prise de Mahon.

Les Espagnols ont armé 13 vaisseaux de guerre et l’ambassadeur anglois en ayant demandé les raisons, on luy a répondu qu’on vouloit être sur ses gardes étant environné de forces étrangères.

Il y a 17 mille hommes prêts à s’embarquer à St Malo, on prétend qu’ils iront prendre Jersey et Guernesey.

On arme à force en course dans tous les ports de France.

La sale aux voiles de l’Arsenal de Rochefort a été consumée par le feu, on dit que c’est un espion habillé en capucin qui l’a mis.

L’amiral Benck n’a pas paru depuis le combat dans la Méditerranée, on le dit à Gibraltar avec 4 vaisseaux hors de service.

Les Anglois ont pris 12 hollandois sortant du havre de grace sous prétexte qu’ils ne veulent pas que les nations neutres viennent en France; ceux-ci courent depuis sur les Anglois.

On assure toujours une alliance entre la France et la Reine de Hongrie.

L’escadre de Brest étoit prête à faire voile au 15 juillet.

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Mardy 26 d’Octobre – Mr de Montcalm partit de ce camp pour Montréal avec plusieurs de nos Messieurs, un piquet et les grenadiers de Lassard; les batteaux de transports de Mr de Bleury, 95 malades et une bande de 10 à 12 sauvages du Sault.

Mercredy, 27 – Mr de Lévis alla au portage, neuf iroquois du lac partirent pour la découverte par le fond de la Baye à Ledys.

Jeudy 28 – Il fit très beau ce jour et même chaud, la pluye commença sur les 6 heures du soir et a duré toute la nuit.

Vendredy 29 – Le va et vient partit pour St Frédéric avec les soldats de la marine destinés à y passer l’hyver.

Samedy 30 – Les soldats et miliciens destinés pour Québec arrivèrent du portage. On tire les soldats de la garnison de Carillon et les miliciens pour Guyenne et La Reine.

[Note de Loup K. : le titre suivant, tel quel en majuscules, se présente ainsi dans l’édition de 1930 : ]

JOURNAL MILITAIRE TENU PAR NICOLAS RENAUD D’AVÈNE DES MÉLOIZES, Cher, SEIGNEUR DE NEUVILLE, AU CANADA, DU 8 MAI 1759 AU 21 NOVEMBRE DE LA MÊME ANNÉE. IL ÉTAIT ALORS CAPITAINE AIDE-MAJOR AUX TROUPES DÉTACHÉES DE LA MARINE.

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Sur certains avis qu’eut Mr le Mis de Vaudreuil que les Anglois devoient marcher sitôt après la fonte des glaces à la pointe au Baril où on avoit établi un entrepôt et construit pendant l’hyver deux barques portant canons, il fit partir à la fin de Mars et au commencement d’Avril quelques piquets des troupes de terres et cinq à six cens hommes de troupes détachées de la marine ou miliciens, partie sur les dernières glaces, partie en bateau pour s’y rendre, afin de soutenir la garnison.

Les barques achevées d’être construites et les anglois n’aïant faits aucuns mouvemens, elles mirent à la voile à la fin d’Avril pour se rendre à Niagara où elles ont transportés les piquets des troupes de terre. Les troupes et Milices de la Colonie s’y sont aussi rendus en bateaux.

L’ennemi ne faisant donc aucun mouvement apparent, Mr le Mis de Vaudreuil n’aïant aucunes nouvelles d’Europe se détermina à faire partir dans les premiers jours de May de Québec les bataillons de la Reine, les deux de Bery et mil hommes de troupes ou Milices de la colonie; imaginant que les premiers efforts de l’ennemy seroient sur la frontière de Carillon, il donna ordre aux bataillons de terres et autres troupes en quartier dans le gouvernement de Montréal de se tenir prets à marcher au premier avis qu’il recevroit. Il jugea cette précaution nécessaire à tout évènement, les troupes en quartier dans le gouvernement de Montréal étant à portée de se rendre au premier endroit où l’on pourroit en avoir besoin. Il n’en eut pas été ainsi des troupes en quartier à Québec à qui il auroit fallu beaucoup de tems pour se porter aux frontières. D’ailleurs, par cet arrangement, il trouvoit le moyen d’économiser les vivres, laissant dans leur quartier les troupes de Montréal qui étoient nourris chez les habitans.

Mardy 8 May – Le 8 May la dernière division des Troupes et Milices de la colonie dans laquelle j’étois compris partit et vint coucher à Neuville.

Mercredy 9 May – nous vinmes camper au Platon.

Jeudy 10 May – à Batiscan.

Vendredy 11 May – à La Badie, 1 lieue ½ au dessus des Trois-Rivières.

Samedy 12 – à l’Ile St Ignace.

Dimanche 13 – à St Antoine.

Lundy 14 – à Chambly, à 3 heures après midy nous y apprîmes que le 21 ou le 22 Avril, il avoit été fait deux prisonniers du côté de Carillon qui disoient qu’ils n’avoient encore aucune nouvelles d’Europe à Lydius, que les uns parIoient de paix, d’autres de l’expédition du Canada; qu’à cet effet cinq provinces devoient fournir chacune 8000 hommes de troupes de province, que toutes les troupes de la vieille Angleterre étoient encore dans leur quartier, qu’on disoit qu’il marcheroit un corps de troupes du côté de Chouaguen et que tout le reste de l’armée venoient par le fleuve St Laurent.

Que le bruit courroit que La Martinique et La Guadeloupe avoient été prises et quelques autres nouvelles dans ce genre, sur lesquelles on ne pouvoit guère compter. Nous apprîmes aussi de la Belle Rivière que les Anglois s’étant mis en marche au nombre de 4 à 500 pour venir attaquer le fort Machault, on avoit attaqué leur avant-garde où l’on avoit tué ou pris 40 ou 50 hommes, que le reste s’étoit retiré à grande hâte.

J’appris le soir à huit heures l’arrivée de Mr Bougainville à Montréal et qu’il y avoit en rivière dix-sept vaisseaux formant la première division de Bordeaux sous les ordres du capitaine Canon, ces vaisseaux chargés de vivres et de munitions.

Mardy 15 May – Nous nous rendîmes à St Jean où nous séjournâmes pour attendre Mr de la Colombière, capitaine commandt notre division.

Le soir il arriva un canot sauvage avec un prisonnier anglais que nous ne pûmes interpréter.

Mercredy 16 – Je reçus une lettre de Québec qui ne m’apprenoit guère d’autres nouvelles que celles du 14.

Je reçus le soir la liste du remplacement dans nos troupes.

Les sauvages arrivés hier nous apprirent le départ de Carillon de Mr de Langy-Montegron avec 2 à 3 cens hommes françois ou sauvages pour aller au fond du lac St Sacrement tacher de détruire les barques, bateau ou berges que les anglois avoient coulé à fond l’automne dernier avant de se retirer. Mr Lovicour officier d’Artillerie était chargé de la besogne, tandis que Mr de Langy devait se tenir sur le chemin du fort Edouard avec des Canadiens et des sauvages pour couvrir les travailleurs.

Jeudy 17 May – Nous séjournâmes encore, Mr de la Colombière n’étant point arrivé. Je répondis aux lettres reçues, il plut ce jour.

Vendredy 18 – Séjour pour la même raison que la veille, le vent était au nordest il plut presque tout le jour.

Samedy 19 – Séjour, Mr de La Colombière n’étant point encore arrivé. Il passa par ce poste un exprès pour apprendre à Mr le Marquis de Vaudreuil que le détachement qu’il avoit ordonné pour le fond du lac St Sacrement avoit plainement rempli sa mission; le courrier nous a dit qu’on avoit relevé 4 à 5 cens berges et qu’on les avoit détruites. Qu’on avoit aussi relevé la barque qu’ils avoient construite l’été dernier, qu’on avoit trouvé dedans 24 à 25 pièces de petits canons ou pierriers qui avoient été transportés à Carillon et qu’ensuite on luy avoit fait un large sabord dans le flanc et qu’on l’avoit coulé à douze ou quinze brasses d’eau. Que pendant cette expédition un détacht anglois s’étant présenté sur le chemin pour faire une découverte, avoit été pris en entier, que deux Anglois seulement avoient été tués. Suivant le rapport du courrier il étoit de 33 hommes et aucun ne s’est sauvé.

Mr de Surimeau officier de Bery passa icy qui nous dit qu’on regardoit comme sûr que les anglois venoient cette année au Canada; que la France feroit tous ses efforts pour nous faire passer des secours en vivres et munitions; mais qu’on ne disoit pas qu’il vint des troupes ni d’escadre, on dit cependant que le Maréchal de Conflans commande une escadre, mais qu’on ignore sa destination.

Il plut beaucoup l’après diner.

Dimanche 20 May – Séjour pour les mêmes raisons qu’hyer. Le vent se mit au Nord Est pendant la nuit, il tomba une espèce de neige fondue jusqu’à une heure après midy que le tems se remit au beau.

Mr Duverny revint de Montréal qui nous confirma les nouvelles des jours précédens. Il me dit que Mr de La Colombière n’étoit pas encore parti de Montréal et qu’il attendoit pour cela les ordres de Mr le Marquis de Vaudreuil.

Lundy 21 – J’écrivis à Mr le Marquis de Vaudreuil pour qu’il m’envoya ses ordres au cas qu’il ne fit pas rejoindre Mr de La Colombière.

Mardy 22 – Mr le Cher de Lévis arriva à deux heures après diner de Montréal et m’annonça l’arrivée prochaine de Mr de La Colombière.

Je me préparai sur l’heure à partir. Je fis remplacer les vivres du voyage et je partis à trois heures et demie en aïant eu l’ordre de Mr de Lévis, après luy avoir laissé cinquante miliciens qu’il me demanda et le bateau de Mr de La Colombière.

J’appris le départ de Mr de Montcalm de Montréal pour Québec hier – et celuy de Mr le Marquis de Vaudreuil fixé au 23. – Je vins camper à la prairie de Boisluau. Mr de La Colombière me rejoignit sur les dix ou onze heures du soir.

Mercredy 23 – Nous partimes au jour et campâmes à la pointe au fer sur les dix heures du matin, le vent étant trop gros pour pouvoir aller plus loing. – Nous en partimes sur les cinq heures et demie du soir et vinmes camper à une lieue environ au dessus de l’Ile de la Mothe, le tems étant trop orageux pour hazarder de marcher la nuit. Il plut un peu.

Jeudy 24 May – Nous partîmes au jour et vinmes camper à l’Ile à la Barque.

Vendredy 25 – Nous partimes au jour et arrivâmes à Carillon sur les trois heures après diner. J’appris à mon arrivée que la plupart des nouvelles qu’on m’avoit dit le 19 étoient fausses. Que l’expédition quant aux Berges angloises ne consistoit qu’en vingt et quelques Berges, les sauvages n’aïant pas voulu rester sitôt après la défaite du détachement. Il plut beaucoup le soir.

Samedy 26 – La pluye continua tout le jour. Je fis un rôle général par paroisse de tous les miliciens qui étoient au camp ainsi que des soldats détachés de la marine, pour en pouvoir ensuite faire l’incorporation. Il partit une petite découverte pour le fond de la baye en trois canots ou bateaux.

Un sergent de la Reine nommé Bourgeois partit dans un bateau armé de dix hommes pour Montréal porter les dépêches de Mr de Bourlamaque.

Dimanche 27 – La pluye continua jusqu’à dix heures du matin. Je laissai sécher le terrein jusqu’à deux heures après midy. Je fis pour lors l’incorporation et fis camper. Sur les cinq heures la pluye commença.

Lundy 28 – Le tems se remit tant soit peu au beau. Mr de Langy arriva avec un prisonnier qui dit que les anglois devoient marcher à nous sous 20 jours avec 7 régimens de vieilles troupes et neuf de troupes provinciales, cinq cens sauvages Aniers, Iroquois, Loups, ou Mohaïgan, qu’il étoit arrivé à Louisbourg deux régimens sur l’escadre de la vieille angleterre, avec des piquets de tous les corps qui sont au service du Roy d’Angleterre, qu’il marchoit cinq à six mille hommes sur le lac Ontario, et qu’ils avoient retiré les troupes de la Belle-Rivière pour les employer dans cette partie, n’aïant laissé qu’une simple garnison au fort Cumberland; que Roger (Rogers) étoit campé à Sarasto avec mil partisans en y comprenant sans doute les sauvages et qu’on l’attendoit sous peu au fort Edouard.

Mardy 29 May – On donna les vivres à nos troupes et milices. Il vint des nouvelles indirectes de Québec qui dirent qu’on avoit vu en rivière des Vaisseaux qu’on pensoit être anglois, et que sur ce doute on avoit fait descendre à Québec les troupes en quartier à Montréal. Il arriva des sauvages iroquois. Il plut ce jour.

Mercredy 30 – On apprit que les anglois nous avoient fait trois prisonniers à St Frédéric.

Jeudy 31 – Rien de nouveau.

Vendredy 1er juin – Mr de Bourlamaque alla à St Frédéric, il eut pour escorte deux compagnies de grenadiers et 30 miliciens.

Mr de Langy de Montegron partit aussi avec les sauvages, 26 soldats de tous les corps et 43 canadiens, il avoit sous luy quatre officiers dont un des troupes de terre.

Samedy 2 – Mr de Bourlamaque revint de Frédéric, Mr de Bayeul arriva aussi de Montréal avec 18 canots d’écorces dont ce poste a besoin. Il apporta des lettres. J’en reçus de Québec qui étoient anciennes. Il nous dit que toutes les troupes et milices du gouvernement de Montreal étoient descendues à Québec. Qu’on avoit vu 8 vaisseaux de guerre anglois à Rimouski, qu’il avoit même été fait quelques prisonniers qui étoient descendus à terre pour faire de l’eau.

Il nous dit encore que deux acadiens échappés de Boston étoient arrivés par la baye de Missiskoui à St Jean où ils avoient dit que l’escadre angloise avoit été rencontrée par l’escadre françoise commandée par Mr de Bompart qui avoit pris sur l’ennemi trois vaisseaux de guerre et trente et quelques vaisseaux de transports. Qu’ils ne croïoient pas que les anglois eussent dessein de pénétrer par Carillon. Qu’ils croïoient seulement qu’ils ne vouloient qu’attirer notre attention de ce côté-là, que leur armée dans cette partie étoit bien de 15,000 hommes mais que la plupart n’étoit que des enfans et des nègres. – Je fis donner les vivres.

Dimanche 3 juin – Mr de Bayeul laissa ses canots d’écorce et repartit avec son monde dans deux bateaux vers midy. – Une des barques arriva le matin – Il plut tant soit peu.

Lundy 4 – La barque repartit la nuit dernière. Les officiers, soldats et canadiens partis avec Mr de Langy et quelques sauvages rentrèrent au camp sur les 8 à 9 heures du soir. Ils dirent qu’ils avoient été jusqu’à l’ancien fort William Henry avec les bateaux et que de là, la plus grande partie du détachement avoit été jusqu’à mi chemin du fort Edouard sans rien rencontrer, qu’ensuite Mr de Langy n’avoit gardé que Mr Hertel et un ou deux françois avec trente ou 40 sauvages pour aller faire la découverte et quelques prisonniers s’il le pouvoit et avoit renvoyé le reste.

Il arriva le soir un sauvage qui avait laissé Mr de Langy dans le party qu’il avait fait précédemment et qu’on avait soupçonné d’avoir déserté. Il dit qu’il avait pris un homme et une femme et qu’il les amenoit; mais qu’un parti anier luy avoit fait lacher prises. Qu’il avoit reçu de leur part quelques coups de fusil, et qu’avant de se déterminer à fuir, il avoit cassé la tête à ses deux prisonniers. Qu’il pensoit que ce parti pouvoit être aux environs du petit marais avant peu. Cette narration parait bien douteuse.

Mardy 5 juin – Le sergt de la Reine parti le 26 may revint de Montréal et apporta des lettres qui mandent qu’on a rassemblé à Québec un corps de dix-huit mil hommes composé de toutes les troupes, milices et matelots; qu’indépendamment de ce corps, il restoit encore la moitié du gouvernement de Montréal au cas de besoin: que Mr le Cher de La Corne étoit à Chouaguen à la tête d’un corps de trois mil hommes et qu’on marchoit à la Belle rivière.

On mande de Québec que plusieurs lettres de France nous annoncent une escadre de 32 vaisseaux de guerre sans y comprendre les frégates. Quelques unes disent aussi que Mr de Bompart a attaqué un convoy de 60 vaisseaux de transports sous l’escorte de 4 vaisseaux de guerre, qu’il a entré le tout dans Brest à l’exception de quelques vaisseaux de transport.

On marque encore de Québec qu’il a paru 15 vaisseaux de guerre anglois au Bique, qu’on ne scait pas si c’est pour y croiser simplement ou si la flotte suit de près. On paroit à Québec dans une grande confiance.

Les 5 nations iroquoises ont, dit-on, refusé les coliers et présents anglois et se retirent vers nos forts.

Mercredy 6 juin – Je fis donner les vivres à la troupe. On a cru voir l’après-midy quelques sauvages ennemis aux environs de nos postes. Des détachemens ont été faire la patrouille dans le bois et n’y ont rien vu. Quelques sauvages disent qu’ils ont vu la piste de dix hommes.

Jeudy 7 – Le vent se mit au Nord Est très fort la nuit dernière avec une pluye des plus abondante qui a duré tout le jour. Mr Dolabara aïant le commandement de 2 chébecs et d’une goëlette arriva de St Jean d’où il étoit parti le 5. Il nous apporta des lettres de Québec qui mandent que les anglois ont 15 vaisseaux à l’Ile au Coudre, et qu’il a paru une nouvelle frégate à St Barnabé. – Les lettres ne s’accordent pas – quelques unes disent 15 vaisseaux de guerre, d’autres 14, d’autres enfin 4 dont un à trois pont et 9 à 10 frégates ou vaisseaux de transports, quelques unes même disent que ce peut être des prises qu’ils nous ont faites. Tout Québec est en mouvement pour le déménagement. L’Ile d’Orléans est entièrement évacuée et sans doute les paroisses d’en bas. On a 12 à 14 mil hommes d’assemblés à Québec où malheureusement les vivres ne sont point abondantes, mais du reste, il paroit beaucoup de bonne volonté et de confiance dans tout le monde. On avoit fait partir un détachement de 150 canadiens ou sauvages pour tâcher de faire quelques prisonniers à l’Ile au Coudre qui puissent nous instruire du mouvement des ennemis. Les sauvages dit-on sont disposés à bien faire. Plusieurs dames et autres personnes se sont rendues à Montréal. Je recus des lettres.

Vendredy 8 – La pluye a cessé dans la nuit dernière, et le vent a beaucoup augmenté. Il étoit furieux. Le va et vient est arrivé ce matin. Il étoit parti de St Jean avant hier. Dolabara. Le vent tomba le soir.

Samedy 9 juin – Le temps fort beau. Le va et vient repartit le matin. Mr de Langy parti le premier du mois revint au camp fort mécontent de n’avoir pu remplir l’objet qu’il s’étoit proposé. Les sauvages au lieu de le conduire entre Lydius et Sarasto le menèrent aux environs de Corlard où ils prirent un homme et une petite fille dont la mère qui se sauvoit à cheval avoit été tuée.

Le prisonnnier est un jeune paysan assez mal instruit qui cependant annonce un grand mouvement sur le lac Ontario. Il prétend que l’armée doit être de 25 à 30 mil hommes, qu’elle doit s’emparer de Niagara, la pointe au Baril et de là descendre à Montréal; il annonce aussi un gros corps dans cette partie qui également doit percer jusqu’à Montréal lorsqu’il se sera emparé de la frontière.

Il a aussi dit qu’il y avoit mil sauvages campés auprès de Corlard.

Dimanche 10 – Il n’a pas été possible de retenir Ganactagon et sa bande revenue de guerre hier. Ils sont partis à midy.

Après le diner un nommé Delormes qui avoit été pris sur la fin de l’hyver vint de St Frédéric où il s’étoit rendu hier après 13 jours d’une marche très pénible à travers les bois. Il revenoit des environs de Corlard où il étoit employé sur une terre de Mr de Johnson. Il a dit à peu près la même chose que le prisonnier d’hyer; il dit que le bruit public mettoit 70 mil hommes sur la flotte angloise, 30 mil pour le lac Ontario et vingt-cinq mil pour Carillon qui tous devoient se réunir dans le centre de la Colonie.

Il disoit encore que les sauvages des cinq nations iroquoises avoient accepté la hache des Anglois.

Je fis donner les vivres.

Lundy 11 juin – Le feu prit dans une casemate d’une des demi-lunes sur les 11 heures du matin, où il y avoit beaucoup d’artifices. L’opinion générale est que le feu y a pris par une bombe qu’un canonnier chargeoit avec une baguette de fer dont le bout étoit d’acier trempé. Il y périt quatre canonniers et deux qui se sont sauvés très brulés, mais qui n’en mourront pas. Mr Derleins, officier de Béry qui se trouva à la porte dans le temps de l’accident fut jetté dans le fossez et brulé en plusieurs endroits. On parvint en jettant beaucoup d’eau à éteindre le feu et le mal ne fut pas si grand qu’on avoit lieu de le craindre. La casemate s’est trouvée fort peu endommagée.

Il vint un canot de St Jean qui n’apporta aucune nouvelle. Il partit un détachement de 26 soldats et 43 miliciens et 15 à 20 sauvages aux ordres de Mr de Sabrevois par le fond de la baye.

Mardy 12 – Il a plu cette nuit et beaucoup ce jour à diverses reprises. Le canot arrivé hier de St Jean repartit à 8 heures du matin. Il arriva l’après midy un canot de 14 sauvages du lac des deux montagnes.

Le détachement parti hier rentra à l’exception de Mr de Sabrevois, six soldats de la Marine, 20 miliciens et les sauvages. Ce détachement n’a rien aperçu au fond de la baye ni aux environs de la rivière au Chicot.

Mercredy 13 – Le tems se remit au beau.

Le nommé Jacques Prévost, dit La Liberté, soldat de la Compie d’Herbin, ne rentra pas avec l’escorte de travaileurs de Mtre Parent. On ne s’aperçut qu’il manquoit qu’à midy et l’officier de Bery commandant ladite escorte n’en rendit compte à Mr de Bourlamaque qu’à son retour le soir. Aussitôt Mr de Bourlamaque ordonna pour le lendemain à la pointe du jour un détachement de 3 canadiens et 15 sauvages aux ordres d’un Lt de la Reine, Mr de Faye, pour courir sus.

Un milicien de Lotbinière, nommé Ignace Le May fit l’épreuve d’un cajeux remply d’artifice. Mr de Bourlamaque en fut fort content.

Jeudy 14 juin – Fête Dieu. – Le détachement pour courir après le déserteur partit à la pointe du jour. Mr de Bourlamaque fit aussi partir pour Québec le milicien de Lotbinière dont j’ai parlé hier, avec un de ses camarades.

Le bateau qui les mène à St Jean est armé de 15 hommes aux ordres d’un sergent de la Reine. Ils doivent revenir avant peu dans trois bateaux chargés.

On envoya aussi à St Frédéric quinze canadiens et quinze soldats d’escorte y chercher des vivres.

Il plut ce jour à diverses reprises, peu cependant.

Vendredy 15. – L’escorte et les 15 canadiens revinrent de St Frédéric. Les cinq canadiens partis après le déserteur revinrent aussi l’après midy. Ils dirent qu’ils avoient été au delà les deux dernières iles à la vue de l’ancien fort William Henry où ils n’avoient rien aperçu.

Les sauvages mirent à terre en deça des deux dernières iles et aïant observé par les pistes que le déserteur n’étoit point encore passé, Mr du Fail renvoya les cinq Canadiens de là avec le canot d’écorce et fit route par terre avec les sauvages, espérant rencontrer le déserteur.

Mr du Fail arriva dans la nuit avec les sauvages sans avoir rencontré l’homme qu’il cherchait.

Il plut beaucoup dans l’après-midy.

Samedy 16 juin – Beau tems. Le Sr Coté officier de milices partit avec 5 miliciens et un tambour porter des lettres au camp ennemi. Rien de nouveau d’ailleurs.

Dimanche 17 juin – Il plut tout le jour. Il arriva le soir 7 canots sauvages qui pouvoient former 70 à 80 hommes, Iroquois, Abénaquis, Nipissings et Folles avoines. Ils apportèrent quelques lettres. Mr de Bourlamaque reçut une relation des évènements de Québec depuis le 3 jusques au 8 juin:

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Nouvelles de Québec depuis le 3 jusqu’au 8 juin 1759

Mr de Lescamp cy-devant second capne du Vau L’Aigle est de retour du per de ce mois au soir, venant de l’Ile aux Coudres où il avait été à la découverte. Il a rapporté qu’il y a 6 vaisseaux de force dont un à 3 ponts de 80 pièces de canon et de fortes frégates. Ils se promènent sur l’Isle aux Coudres même à cheval les habitants de cette Isle ayant tout abandonné.

Mr de Niverville est parti avec 80 canadiens et 100 sauvages pour aller en découverte à cette Isle. Nous attendons un peu son retour.

Nous avons appris le per de ce mois que le 27 May il a paru une frégate à la pointe aux Pères, ayant 26 canons sur son pont. Nous ne sçavons si elle est française ou Anglaise, mais il y a plus d’apparence qu’elle soit angloise par son armement, quoiqu’elle ait hissé pavillon blanc.

Les travaux avancent vigoureusement, les canons du rempart, depuis l’Evêché jusques devant Mr Descheneaux sont chargés et pointé, avec les munitions et ustencils auprès, ainsi que 7 mortiers et partout mèche allumée.

Depuis ces canons jusqu’à la fin du rempart règne une cloture en pieux avec des créneaux pour faire le coup de fusil; on n’a pas eu le tems d’achever cette partie en maçonnerie.

La porte qui suit en descendant au Palais est bouché en maçonnerie; depuis la Digue jusqu’au quartier St Roch règne une batterie à barbette hérissée de canons depuis 12 jusqu’à 6.

On travaille à une batterie flottante qui portera 12 pièces de canon de 12 et 6 de 18, destinée pour s’opposer à la descente. Ce sont des Capnes Malouins qui la font exécuter et qui la commanderont.

On travaille aussi à des batteaux de roy qui portent chacun 1 pièce de canon de 8. Ce sont des bateaux ordinaires qui sont égueulés d’un bout et pontés depuis le tourrillon de la pièce de canon jusqu’au bout dudit bateau; on en a fait l’épreuve il y a quelques jours, le boulet a traversé à fleur d’eau depuis la digue jusqu’à l’Isle d’Orléans.

L’on a profité de la grande mer dre pour amener dans la petite rivière vis à vis le palais à peu près 2 navires Dunkerquois désarmés ici l’année dernière; On va les démâter, les charger en pierres et y établir des batteries dessus. Elles batteront en plein le long de la côté du Nord, en allant vers l’Isle d’Orléans.

L’on a fait une batterie au coin de la maison de Mr Le Vasseur sur laquelle il y a 4 pièces de 18.

L’on va boucher le rés-de-chaussée des maisons depuis le coin de cette batterie en remontant le long du rivage jusqu’à l’ancienne maison de Mr Cadet, pour empêcher l’ennemi de pénétrer par cette partie.

L’on travaille à armer en brulots plusieurs navires. Il y en a déjà un d’achevé et tous les capitaines qui sont ici veulent les commander, voulant absolument se signaler.

Dans l’instant arrive un courrier de St Barnabé. Il nous apprend que la frégate annoncée le 27 may est restée mouillée au haut de l’Isle du Bic, que le 28 dans le cours de la journée il a paru 2 navires, 1 frégate, un sénault et une goëlette, que la frégate a mis pavillon bleu avec croix rouge et blanche. Mr Cadet présume que ce pourroit être son corsaire la Victoire qui devait convoyer des vivres, mais il y a plus d’apparence que ce soit des Anglois.

Le 6, une frégate angloise est sortie de l’Isle aux Coudres. C’est pour aller vraisemblablement en découverte.

Un patron de la frégate de Mr Canon se fait fort de bruler l’escadre ennemie, ou au moins une partie. Il fait ses préparatifs pour ce projet.

Sur les 4 heures après midy un matelot de la rade tombé à l’eau et s’est noyé.

On a fait l’épreuve d’un Cajeu fait par le Sr Courval, à marée haute sur la petite rivière; cet artifice a très bien réussi, les flammes montent à plus de 30 pieds, au commencement de son embrasement il sort une fumée fort épaisse et en moins d’une minute il est tout embrasé. Il a duré environ 1 heure ¼ avant que d’être entièrement consumé. Cet artifice a été fort approuvé, on en fait 120.

Les 5 Compagnies de Grenadiers sont allé camper le 4 auprès de l’Eglise de Beauport pour y faire des redoutes. Mr de Bougainville y est aussi, ou du moins à la terre de Mr De Vienne pour être et veiller sur les lieux.

On a augmenté de 200 hommes le nombre des travailleurs qui sont employés aux brulots du St Courval.

On a commencé aussi à palissader l’enceinte du Palais.

Les batteries de dessus les quais sont à leur perfection, et prêts à faire feu.

On a achevé aussi un pont sur des batteaux au passage de la Rre St Charles; ce pont servira à marée haute comme basse. Il a 18 pieds de largeur et est très solide.

On a fait aussi (un pont) à la rivière du Cap rouge, et un troisième au Sault à la Chaudière.

Flamand, Mr Maçon, a été envoyé à la Pointe aux Trembles pour y faire des fours.

On enverra tous les bâtiments qui sont icy aux Trois Rivières, plusieurs sont déjà partis pour s’y rendre.

Le Sr Sombrun a été envoyé par Mr l’Intendant à l’Isle d’Orléans pour y ramasser des grains avec 400 poches qu’on lui a délivrées à cet effet; on dit que les habitans en ont fait beaucoup de caches sur les hauteurs et dans les profondeurs du bois.

Je viens d’entendre dire à Mr Canon, qui avoit envoyé son second en découverte à l’Ile aux Coudres, qu’il avoit parfaitement reconnu 6 vaux de ligne dont un de 90 ou 92 pièces de canon, les autres sont moindres, le reste de l’escadre sont de petits bâtiments brigantins, bateaux et goëlettes dont la plupart sont des nôtres et même 2 sortis d’ici depuis trois semaines ou un mois.

La nouvelle vient d’arriver qu’une chaloupe angloise ayant été du côté du Nord aux environs du gouffre où ils sondoient, 4 à 5 habitans des environs s’étant coulés le long des rochers leur avoient fait une décharge qui leur avoit tué 1 officier et 2 matelots, qu’ensuite la chaloupe s’étoit rendue en diligence aux vaisseaux.

On va former un corps de Cavalerie de 4 à 500 hommes pour se porter à l’instant dans toutes les attaques.

On muraille toutes les ouvertures des maisons qui bordent la grève.

Nous apprenons par un courrier de Mr Aubert qu’il y a à St Barnabé 9 voiles qui paroissent être des vaisseaux de transports.

Les 8 vaisseaux armés en brulots avancent beaucoup.

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Le 7 juin – Le matin est arrivé Mr Desrivières fils, 9 canadiens. Ils ont fait 3 prisonniers à l’Isle aux Coudres qui sont le petit fils et le neveu du Commandant de la flotte avec un autre officier.

Ils se promenoient à cheval, ils ont si bien ajusté qu’ils ont tué leurs chevaux sans leur faire de mal, ce qui leur a fait dire que les canadiens tiroient bien. Ils ont dit aussi qu’on auroit pu faire prisonniers 600 hommes qui étoient aussi sur l’Isle qui ne se méfioient de rien.

Les sauvages de Mr de Niverville n’ont pas voulu traverser pour faire le coup.

Hier au soir les feux de signaux ont paru. Le courrier n’est pas encore arrivé.

Ces prisonniers ont déclaré qu’il venait 20 mil hommes par en bas et qu’ils attendent leur flotte en entier du 15 au 20 au plus tard, ils étoient allés au bout de l’Isle voir s’ils voiroient leurs vaisseaux.

Le 8 à 10 heures – Il vient de bruler dans l’instant en rade, un de nos brulots par accident. Il a été consumé dans l’instant.

Le reste par l’ordinre prochain.

Lundy 18 juin – Beau tems jusqu’à 8 heures du soir qu’il tomba une grosse orage de pluye qui dura 1 heure environ. Il venta beaucoup le reste de la nuit – Je fis donner les vivres.

Mardy 19 – Arrivée de Mr Mouet parti le 11. Il fut renvoyé par Mr de Sabrevois avec deux soldats de Bery, deux de la marine, 14 miliciens et 2 sauvages pour le guider. Mr de Sabrevois continuait avec le reste consistant en 4 soldats, 4 miliciens et les sauvages. – Mr Mouet rapporta n’avoir fait aucune rencontre. Il dit qu’un nommé Bernard, milicien, natif de France, volontaire, s’étoit égaré et qu’on le soupçonnoit d’être déserté.

Mr de Langy partit l’après dîner avec 10 soldats de terre, 10 de la marine, 22 miliciens et 70 sauvages environ.

Il fit tout le jour gros vent.

Le va et vient de St Jean arriva cette nuit et est reparti à une heure après midy.

Mercredy 20 – Retour de Mr de Sabrevois et son détachement. Il n’a fait rencontre que de deux chasseurs aux environs d’un fort au dessus d’Orange. Les chasseurs les ayant aperçu et se sauvant, les sauvages furent obligés de les tirer. Il ne s’en sauva qu’un, l’autre fut tué, ils en ont apporté la chevelure. Ils n’ont rien vu d’ailleurs.

Le nommé Bernard qu’on soupçonnoit d’être déserté s’étoit égaré. Il dit avoir été à la vue du fort Edouard, comptant y rencontrer notre détachement, il a séjourné un jour et demi pour l’attendre, n’en aïant aucune connaissance il est revenu sur la Baye où il a rencontré le détachement françois qu’il cherchoit. Il est revenu avec et a dit n’avoir vu au fort Edouard que vingt à 30 tentes ou baraques.

Le Sr Coté parti pour ambassade le 16 est arrivé sur les neuf heures du matin. Il dit que le 16 il alla coucher à la dernière île du lac St Sacrement, le 17 il partit de l’ancien fort William Henry sur les 6 heures du matin et se rendit par terre sur les 10 heures, marchant d’un bon pas à un 1er camp des ennemis.

Il l’a estimé de 100 tentes environ et l’avoit cru d’abord à une lieue et demie ou deux lieues du fort Edouard, mais sur la description qu’il a fait du local, Mr Volf juge que c’est au même endroit où il les trouva l’an dernier le 19 de ce mois, c’est à dire à mi-chemin du portage. Coté n’en a pas pu juger parceque, à la vue du camp, aiant fait rappeler selon l’usage, les anglois vinrent sur le champ à luy et, au lieu de luy faire prendre le chemin, ils le passèrent à travers le bois et lui firent faire un très grand tour. Ils s’écartèrent même de façon qu’il étoit nuit lorsqu’ils arrivèrent près du fort où ils le firent arrêter à un autre camp de 60 tentes environ d’où il entendoit le canon du fort et le tambour sans cependant avoir pu rien apercevoir.

Tous les soldats qu’il a vus à ces deux camps portoient l’habit rouge, paremens jaunes. Le tambour m’a dit qu’ils avoient des petites jupes à l’Ecossoise.

Après s’être égarés, ils rapprochèrent le chemin et de tems à autre, Coté entendoit et voyoit à travers les arbres le bruit des voitures qui alloient et venoient du fort Edouard à ce camp. Il est à présumer qu’ils font le portage.

Il a été très bien traité ainsi que son détachement. Il fut expédié pendant la nuit par le frère de Mr Amherst, ce dernier est au fort Edouard, et le lendemain 18 on l’escorta avec les mêmes précautions jusques à l’ancien fort William-Henry où on les fit coucher sous bonne garde.

Le lendemain 19, Robert Roger, commandant l’escorte, envoya des sauvages à la découverte qui restèrent assez longtems et après leur retour, il laissa partir les françois qui dans la journée ne purent faire grand chemin à cause d’un très gros vent qu’ils essuyèrent. Ils marchèrent pendant la nuit et sont arrivés à notre camp aujourd’hui à neuf heures.

Coté dit n’avoir vu que 4 sauvages.

Le tambour a parlé à des déserteurs françois qui luy ont dit n’avoir eu aucune connoissance du soldat qui nous a manqué le 13 de ce mois; que les Anglois ne projettoient pas de venir par icy, mais en force sur le lac Ontario. – Je crois que les déserteurs luy en ont imposé – les mouvements qu’ils font sur le chemin du fort Georges annoncent le contraire.

Quelques uns ont demandé si Mr Bougainville étoit de retour de France et s’il y avoit des vaisseaux à Québec, on a répondu que oui, et beaucoup, chargés de munitions de guerre et de bouche. Ils ont ajouté que nous y en aurions bientôt en grand nombre d’Angleterre avec une belle escadre. Coté a répondu qu’on étoit disposé à les bien recevoir, ils ont aussi demandé s’il y avoit des boeufs à Carillon parcequ’ils espéraient en manger bientôt, répondu qu’ils y en trouveroient et qu’on les attendoit avec impatience. Ils ont demandé aussi si Mr de Montcalm venoit à Carillon, répondu qu’on l’attendait sous peu.

Un cajeux d’Epinet parti de St Frédéric pour se rendre à Carillon a été attaqué à deux lieues du premier fort. Dix hommes qui étoient dessus ont traversé promptement la rivière sur leur cajeux et sont venus par terre vis à vis de St Frédéric. Trois des meilleures jambes ont pris les devants pour en donner avis à Mr de Lusignan qui sur le champ a fait partir pour en informer icy. Il n’y avoit encore que les trois premiers hommes d’arrivés à Frédéric au départ de la lettre de Mr de Lusignan, les autres arriveront de même sans doute aiant entre eux et l’ennemi la rivière à traverser.

Ils ne nous ont fait aucun prisonnier heureusement. Les soldats qui étoient sur les cajeux ne scavent si ce sont des anglois ou des sauvages qui ont tiré sur eux. – Ce sont des sauvages si on en doit croire Robert Roger qui avoit dit à Coté qu’ils en avoient un party en campagne.

Mr de Langy parti hier de notre camp a resté jusqu’à ce jour au portage et n’en est parti que sur le soir.

Jeudy 21 juin – Petite fête Dieu. Il partit à la pointe du jour un canot d’écorce armé de sept hommes pour St Jean y porter des lettres.

Il partit aussi 15 soldats et 15 canadiens dans un bateau pour aller chercher le cajeux d’Epinet resté hier en chemin.

Sur les 6 heures du matin le poste du Capte entendit tirer quelques coups de fusil et vit de la fumée au dessus du bois, il en fit avertir Mr de Bourlamaque qui, sur le champ, fit marcher des détachements de grenadiers et de volontaires; la marine fournit dix soldats et 50 miliciens. Il fut encore fourni des détachements de soldats et 20 miliciens pour monter sur les deux chebek qui partirent sur les 10 ou 11 heures du matin.

Le tout rentra le soir sans avoir rien aperçu. Les coups de fusil entendus de la grande garde furent tirés par quatre soldats de la garnison de Frédéric qui y retournoient et qui étoient venus la veille avertir de ce qui étoit arrivé au cajeux d’Epinet qui est arrivé aujourd’huy icy mené par les mêmes hommes d’hier qui y étoient revenus.

Le bateau de 15 hommes parti le 14 pour St Jean est arrivé à une heure après midy, répartis dans plusieurs bataux chargés de vivres. Ils ne nous ont rien appris de nouveau.

Vendredy 22 juin – Le nommé Jaques Prévot dit La Liberté, qui manquoit depuis le 13 du mois se rendit à la grande garde et dit qu’il s’étoit égaré. Il a vécu d’herbe depuis ce tems. On le mit d’abord en prison où il a passé la nuit.

Samedy 23 – Mr de Lavalet, enseigne, détaché avec M. de Langy revint au camp avec les soldats de terre et un sauvage pour les guider. Il dit à Mr de Bourlamaque que les Anglois étoient campés au fort Georges depuis le 21.

A midy on détacha un ense des troupes détachées de la marine et 60 miliciens de la 5e Brigade pour St Frédéric. Ils partirent dans deux bateaux avec armes et bagages pour y camper.

A deux heures après diner Mr de La Sablonière, de la Reine, et deux autres officiers partis de Québec le 5 arrivèrent à ce camp avec des soldats restés malades au départ de leurs bataillons; ils nous donnèrent des nouvelles plus anciennes que celles que nous avions déjà.

Il tonna l’après midy et plut beaucoup. Je fis quelques questions au nommé Jaques Prévot qui persista à dire qu’il n’a pas déserté, mais qu’il s’est égaré. Je le fis mettre à l’hôpital sous la garde d’une sentinelle. On attend un soldat détaché avec Mr de Langy-Montegron pour avoir sa déposition.

Dimanche 24 juin – Mrs de Sabrevois, Duchesnay et Hertel revinrent avec les soldats de la marine et miliciens détachés avec Mr de Langy et trente sauvages. Mr de Langy continua par terre avec 40 sauvages sçavoir 25 Nipissings, 10 Iroquois et 5 abenaquis pour tacher de faire quelques prisonniers.

Les sauvages, au rapport de Mr de Sabrevois et ces autres Mrs, manquèrent une berge angloise pour avoir couru dessus trop tôt, elle avoit de l’avance et se sauva. On prétend même que les sauvages ne firent pas tout ce qu’ils auroient pu faire.

Ces messieurs prétendent qu’à leur départ le camp pouvoit être cinq mil hommes, qu’ils avoient remarqué que depuis le 21, le camp avoit augmenté chaque jour. Les ennemis ne parurent se donner aucuns mouvemens pour secourir la berge à qui on donnoit la chasse. Peut être n’avoient-ils pas les berges nécessaires pour cela.

Six abénaquis sont partis ce matin pour aller par terre aux Quarivés. Les prisonniers qu’ils pourront y faire ne seront pas icy de sitôt et sont trop éloignés du lac St Sacrement pour nous apprendre rien d’intéressant. Ces sauvages font ce party disent-ils pour eux, afin de remplacer dans leur village deux sauvages considérés qu’ils ont perdus. Ils ont cependant promis à Mr de Bourlamaque qu’ils reviendroient sur le champ s’ils trouvoient quelques vestiges ou marques de mouvement de la part des anglois sur la rivière à La Loutre qu’ils doivent traverser dans le haut pour se rendre à l’endroit où ils veulent faire des prisonniers.

On forma à Mr Bernard, capitaine de Béarn, une compagnie de volontaire [sic] composé de 60 soldats et 15 miliciens, scavoir 2 sergts et 45 des piquets de la Sare, Languedoc et Béarn, 5 de la Reine, 1 sergent et 10 de Bery, 1 officier de milices et 15 miliciens – 79 pour total.

Interrogé, le nommé Pierre Ducroux, dit Beauséjour, au sujet du nommé Prévot, dit la Liberté, sa déposition n’a pas paru suffisante pour luy faire son procès. Il partit à 7 heures du soir en canot d’écorce pour St Jean, 1 officier de milices et 12 hommes y porter des lettres.

Lundy 25 juin – Mr Decombre officier de la marine partit le matin avec neuf miliciens pour faire une découverte au fond de la Baye. On forma à Mr Volf, officier partisan, une compagnie de volontaires composée de 1 sergt 10 de la Reine, 1 sergt 20 de Bery, 10 miliciens de bonne volonté. Le canot parti le 21 arriva sur les 10 heures du matin. Il n’apporta que des lettres de St Jean, du 22, qui disoient qu’il n’y avoit rien de nouveau à Québec par le dernier courrier, qu’il n’y avoit en tout que trente deux vaisseaux anglois petits ou gros à l’Isle au Coudres.

Mardy 26 juin – Mr de Combre revint de sa découverte, il n’avait rien aperçu au fond de la Baye, ni à l’entrée de la rivière au Chicot.

Mr Langy Levreau arriva à St Jean d’où il étoit parti avant le petit canot d’écorce arrivé icy hier. Il a apporté quelques lettres qui ne disent pas autres choses que les lettres de St Jean : qu’on attendoit à Montréal une grande quantité de sauvages des pays d’en hault, qu’il n’y avoit rien de nouveau à Niagara et à Chouaguen par les derniers courriers venus de ces endroits là. Je fis donner les vivres.

Mercredy 27 juin – Mr de Langy revint, ses sauvages ne voulurent jamais donner quoiqu’ils eussent eu l’occasion. Les différentes nations en rejettèrent la faute les uns sur les autres. Nous n’avons rien sçu de plus que le 24.

Jeudy 28 – Le vent se mit au Nord Est hier au soir et il plut beaucoup cette nuit. Le dernier chebek arriva ce matin.

Le va et vient arriva aussi et apporta des lettres. Celles de Québec apprennent qu’on a fait 8 prisonniers dans une berge qui disent que l’escadre est de 22 vaisseaux de ligne, non compris les galiotes à bombes et les frégates et cent et tant de vaisseaux de transports, 15 mil hommes de débarquement; que les vaisseaux de guerre cy devant à l’Ile aux Coudres étoient le long de l’Ile d’Orléans.

Un courrier arrivé le soir apprit que Mr Aubert avoit envoyé à Québec pour informer qu’une découverte de ses gens avoit aperçu à 6 lieues au dessous de St Barnabé dix gros vaisseaux et que la brume les avoit empêché d’en voir d’autres s’il y en avoit.

Celles de Montréal disent que les Anglois sont à Chouaguen, que le Cher de la Corne y marche pour les observer. Il plut ce soir.

Vendredy 29 juin – On déblaya une partie de l’hopital, le va et vient repartit avec la majeure partie des effets qu’il avoit apporté.

Il arriva le soir un courrier parti d’icy le 24 qui apprend qu’il y a devant St Barnabé 132 vaisseaux anglois dont les 2 tiers navires, le reste Brigantin, Gouelete et batteaux. Les lettres de Québec qui la mandent sont du 22 juin. Le vent toujours Nord Est est très froid.

Samedy 30 juin – On déblaya encore une grande partie de l’Hopital pour St Frédéric. Mr Langy Levreau partit l’après midy avec Mr Duchesnay, 1 sergt, 10 soldats de la marine, 1 officier et 48 miliciens et les sauvages pour aller sur le lac St Sacrement.

Le vent changé. Beau temps, mais un peu froid. Je fis donner les vivres.

Dimanche 1er de juillet – Le tems couvert tout le jour, mais peu de pluye. Il arriva à notre camp sur les 4 heures du soir un soldat anglois déserteur. Mr de Bourlamaque l’interrogea secrètement. Sa déposition n’a pas transpiré. Tout ce que dit Mr de Bourlamaque c’est que cet homme étoit parti depuis 6 jours d’un camp entre le fort Edouard et le fort William Henry, que les Anglois n’étoient pas en nombre si considérable à beaucoup près que luy, Mr de Bourlamaque, l’avoit imaginé, qu’ils étaient même moins que l’année dernière.

Lundi 2 – Le tems couvert tout le jour, peu de pluye. Mr de Levreau-Langy parti le 30 juin arriva à l’entrée de la nuit avec tout son détachement, à deux lieues environ du camp ennemi. Il se détacha avec 25 sauvages et aïant rencontré ce matin, à la vue du camp ennemi, seize hommes qui coupoient des branches à l’entrée du bois, ils firent feu dessus, les Anglois tirèrent aussi, mais sans fruit. Ils furent au contraire défaits, six ont été tués, six prisonniers et quatre se sont sauvés. Les anglois n’ont pas poursuivi le party, ils se sont contentés de les fusiller de leur camp.

Mr de Bourlamaque a questionné les prisonniers mais leur déposition n’a pas transpiré. Il s’est débité plusieurs nouvelles; il paroit constant que les anglois ont 14 à 15 mil hommes et qu’ils doivent marcher sous cinq à six jours. Ils en ont autant du côté de Chouaguen. Il était arrivé au fort St Georges quelque tems avant que les prisonniers aient été fait trois anglois déserteurs de Montréal. Roger est en campagne avec tout son corps. Un officier de milice partit dans un petit canot d’écorce armé de 6 hommes pour St Jean, y mener le déserteur arrivé hier et porter les lettres du général.

Mardy 3 juillet – Une partie des sauvages revenus de guerre partirent pour Montréal.

Le vent se jetta au Nord Nord ouest, il fit froid tout le jour.

Mercredy 4 – La matinée assez belle. Le tems se couvrit un peu l’après diner. Il partit encore beaucoup des sauvages revenus de guerre, il en resta fort peu icy. Sur les cinq heures il en arriva six à sept canots d’autres sauvages, venant de Montréal et qui en annoncent 300 qui les suivent.

Les lettres de Québec annoncent 170 vaisseaux anglois depuis le trou St Patris jusqu’au Bic, tant gros que petits. Mais toujours une très bonne résolution dans toutes nos troupes, milices et sauvages à les bien recevoir.

Jeudy 5 – Il arriva encore 7 à 8 canots sauvages et le va et vient de St Jean. Le vent s’était mis Nord Est dans la nuit, la gabare qui étoit à St Frédéric arriva le matin, on la charge d’effets.

Les nouvelles de Québec sont que la plupart de la flotte angloise a fait la traverse et sont le long de l’Ile d’Orléans où ils ont descendu au nombre de huit à dix mil hommes. Le Sr Courtemanche capte des troupes détachées de la marine, qui y étoit avec six cens hommes a fait une très belle retraite au Château Riché.

Un vaisseau de 80 canons et deux frégates se présentèrent le 27 ou le 28 juin sur les 7 heures du matin à la vue de Québec et se tinrent en panne jusques à 11 heures. Alors un coup de vent les chargea et le gros vaisseau alla à la côte avec une des frégates. Quelques lettres disent qu’ils se sont perdus corps et biens et que la marée a charroyé dans notre rade les débris des vaisseaux. On compte à Québec en venir bientôt aux mains. MMrs le Mis de Vaudreuil, de Montcalm et l’intendant campent avec l’armée. Il y a à Québec 1200 sauvages.

Les nouvelles de Montréal disent qu’il y étoit arrivé depuis peu 800 sauvages et qu’on avoit dépêché à Mr le Marquis de Vaudreuil pour qu’il ordonnat de leur destination.

Du côté des rapides on dit que le chevalier de La Corne est campé à l’anse aux perches, qu’il a embarrassé les rapides de façon qu’il fault faire portage dans la plupart. On ajoute qu’il marche pour observer l’ennemi et l’harceler à la tête de 1000 hommes.

On avoit fait partir des brulots de Québec qui n’ont eu aucun succès, ils ont été allumés beaucoup trop tôt. Quelques lettres disent même qu’il ya péri des françois qui les conduisoient. On se flatte d’un meilleur succès pour les autres.

Vendredy 6 juillet – Vent de Nord Est. Arrivée de MMrs Laverandrie, Simblin et La Durantaye, avec 10 ou 12 canots sauvages. Nous pouvons en avoir à présent 280 au camp. L’après midy à 4 heures Mrs de Langy-Montegron et Sabrevois partirent pour la découverte avec quelques françois et 70 à 80 sauvages pour le lac St Sacrement.

Le va et vient partit le soir.

Samedy 7 juillet – Le vent de Nord Est a cessé.

On fit partir la goelette et la gabare pour St Frédéric. Je crois même qu’elles doivent faire route pour St Jean.

Il arriva sur les midy des bateaux de St Jean qui apportèrent une relation de ce qui est arrivé à Québec depuis le 27 juin jusques au 29.

L’officier de milice parti le 2 de ce mois pour conduire un déserteur anglois arriva à 7 heures du soir. Il confirme la nouvelle du naufrage anglois.

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Copie d’une lettre écritte de Québec le 29 juin 1759, arrivée au camp de Carillon le 7 juillet

Par ma dernière lettre en datte du 27 je vous ai marqué que 2 frégattes et un petit navire étoient venues mouiller au bout de l’Isle. Je me suis trompé, c’étoit deux Vaux dont 1 de 74 pièces et l’autre un peu moindre, et le plus petit étoit une frégatte. Ils ont resté dans cette endroit environ 2 heures ½ au plus et puis s’en sont allés rejoindre ceux qui sont au Trou.

Vous pensés bien que cette manoeuvre n’étoit que pour examiner la place et en prendre le plan. Quelques personnes assure avoir remarqué avec un télescope un ingénieur habillé de bleu et parement rouge qui tenoit une longue vue en main, et un autre en chemise qui crayonnoit sur du papier: voilà de la façon audacieuse qu’ils se sont fait voir icy.

Le tems s’est comporté beau jusqu’à quatre heures après midy lorsque tout à coup la main de Dieu a paru prendre notre deffense. Il s’est élevé un orage furieux avec une pluye très violente qui s’est fait sentir jusqu’à l’Isle d’Orléans puisqu’un gros vaisseau a péri corps et biens sur les batures de Beaumont. On dit que c’est celui de 74 canons qui était venu en découverte. Ce n’est pas la seule perte qu’ils ayent eu, 5 à 6 autres gros et petits Vaux se sont aussi jettés en coste le long de l’Isle, au Sud, mais peut être qu’ils pourront en relever quelques uns. J’espère que la suite nous apprendra quelqu’autre désastre depuis l’Isle au Coudre jusqu’à la traverse où ils avoient beaucoup de batiments.

Le 28 au matin, une mer montante sur les 4 heures nous annonça plusieurs débris de vaisseaux, 7 ou 8 chalan en dérive et nombre de berges entre deux eaux, des chapeaux, des portes, des chassies, enfin un débris infinies ce qui nous prouve une perte réel de Vaux mais je ne puis vous dire au juste ce qu’il y en a.

On assure cependant un gros vaisseau et un petit, mais je ne sçay combien d’autres.

Il est mention que le long de la coste du Sud, il y a une grande quantité de chaloupes et barques échouées et brisées.

Avant ce mauvais tems ils avoient mis à terre à l’Isle d’Orléans, on estime qu’ils y ont 4 à 5000 hommes.

Hier à la pointe du jour les Sauvages que nous y avions se trouvèrent près des ennemis sans les avoir découverts auparavant, il y eut une fusillade mais qui ne réussit pas beaucoup. Un Outaouis seulement a fait une chevelure. Nous n’y avons perdu personne, ny pas même de blessé.

Trois de nos bataillons furent camper le long de Beauport avec quantité de Canadiens. On fait nombre de 10,000 hommes que nous y avons.

A midy, nous découvrimes un batiment échoué dans l’ance du fort Bout de l’Isle. Il est tout à fait échoué à haute mer, on y remarque même avec une longue vue du monde et des chaloupes qui sortent du butin de dedans. Il y a apparence qu’il s’est crevé et que peut être ils veulent le bruler.

On fait nombre de 100 et quelques voiles le long de l’Isle d’Orléans et il est mention qu’il y en a encore une 60e depuis l’Isle aux Coudres à la traverse.

Nous attendons de jour en jour Mr de Boishébert qui est proche, qui a environ 4 à 500 hommes et peut être plus de 1000 bouches inutiles. Tout cela va bien consommer des vivres. Il est bien à craindre que l’ennemi nous tienne longtemps.

On ramasse tous les boeufs ou du moins une grande partie pour la boucherie, mais en vérité, il y en a plus de la moitié qui ne sont que des veaux. Cela s’appelle manger son bled [blé] en herbe, enfin Dieu soit bény.

Voila enfin cette fameuse batterie flottante exploitée et preste à faire feu dans l’occasion. Elle a party sur les onze heures du matin du quay de constructions où elle avoit pris son artillerie et s’en est allé au devant de la Rre de Beauport.

Les brulots carcasiers et bateaux armés de canons doivent partir ce soir pour aller jouer leur jeu. Ils seront soutenus par des François et des sauvages.

Du 29 – Nous voicy donc enfin débarrassés de 6 bruleaux sous les ordres du Sr Delouches. Ils ont été appareillés de cette rade environt à minuit, de marée baissante et bon vent Sud Ouëst qu’il leur étoit très favorable, crainte que les artifices ne fussent pas assez primes, ils ont commencé à y mettre le feu au bas du bassin. Cette belle manoeuvre a eu tout le succès que sans doute vous allés vous imaginer. Une partie a échouée au bout de l’Isle, l’autre en Sud, enfin, aucun n’a approché les anglois à une lieue seulement. Le pauvre Mr Dubois la Miltières qui en commandoit un y a péri avec son second et plusieurs de ses matelots se sont sauvés tout grillés, les fusées étoient trop vive, il n’a pas eu le temps de se retirer, il a sauté.

Voila en peu de mots le fruit de tant de dépenses confiées à des jeunes gens et ce qu’il y a de pire c’est qu’une telle manoeuvre fait honte à la nation françoise, d’autant et avec plus de raison que c’est à la vue des ennemis.

Il nous en reste deux et les brulots du Sr Courval en qui j’ay un peu de confiance.

Nous apprenons que les ennemis débarquèrent hier beaucoup d’artillerie à St Laurent ainsy qu’un parc qu’ils y ont fait où ils ont beaucoup de boeufs.

Il se voit d’icy un camp qu’ils ont du costé du nord de l’Isle à St Pierre, il peut y avoir 200 tantes.

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Dimanche 8 juillet – Arrivée au camp sur les 7 heures du soir de deux déserteurs anglois. Ils étoient partis 4 ou 5 ensemble depuis 4 jours, 2 autres étoient partis deux jours avant eux. Ils disent que les anglois étoient au nombre de dix mil hommes dont 6 de troupes réglées, mais recrutés de milices, que les miliciens étoient de la plus mauvoise volonté, qu’ils avoient beaucoup de soldats engagés par fiches pour le Canada, qu’ils ont pris et employés dans leurs troupes, qui tous déserteroient s’ils n’étoient pas veillés de si près, que le dernier coup fait sur eux le 2 du mois les avoit fait tenir trois nuits le fusil entre les bras, que les milices n’étoient point du tout désireuses de nous venir attaquer, fondé sur ce que les françois étoient au nombre de 4000 sous Carillon avec un retranchement bien meilleur que l’année dernière: 4 barques à rames et armées de canon, des bateaux avec de l’artillerie dessus, que par toutes ces raisons, ils craignaient d’être plus battus que l’an passé. Une de leurs découverte leur avoit fait ce rapport ces jours derniers. Que Mr Amherst leur avoit dit que nous avions eu à Carillon jusqu’à deux mil sauvages qui s’en étoient allés et que nous n’en avions plus. Qu’il y avoit dix jours il leur avait aussi dit que les françois s’étaient présentés au fort Bull et y avoient laissé 300 hommes sur la place, que ces discours n’étoient pas capables de rassurer les milices dont quelques uns étoient déjà désertés pour retourner chez eux, et qu’il étoit à croire qu’à l’avenir ils déserteroient davantage, surtout lorsqu’il seroit question de leur embarquement, qu’on disoit devoir se faire sous six à sept jours.

Lundy 9 juillet – MMrs de Langy-Montegron et Sabrevois partis le 6 à la tête des Iroquois du Sault rentrèrent au camp avec 4 prisonniers, un sauvage Loup, chef de guerre surnommé par les Anglois le Capte Jacob, et trois anglois de la troupe de Roger, et quatre chevelures dont trois de sauvages Loups. Notre party avoit laissé en arrière le party anglois sans l’apercevoir et sans en être aperçu.

Le dimanche 8, le party anglois ne nous aïant fait aucun prisonnier ni chevelures, retournoit au fort Georges. Ils furent aperçus vers midy par nos gens qui, sur le champ, mirent à l’eau. Les sauvages anglois cherchèrent à se jeter à terre, nos gens les suivirent avec ardeur et dans la crainte de ne les pouvoir joindre, ils ne ripostèrent pas aux coups de fusil que l’ennemi leur tiroit dans sa retraite pour les empêcher qu’on ne les poursuivit. Enfin ils mirent à terre et nos gens peu après. Ils poursuivirent sans relache jusque sur les trois ou quatre heures. Le party ennemy étoit de 4 anglois et 22 sauvages en trois Berges. Il ne se sauva que 18 sauvages; le reste tomba entre les mains de nos gens.

Depuis longtemps il ne s’étoit fait un coup aussi intéressant; on doit en tenir grand compte aux iroquois du Sault qui pouvoient penser que c’étoit leurs frères les Anniers. Le prisonnier sauvage a même assuré qu’un nommé Joseph, du Sault St Louis, étoit dans le party. Cet homme s’est retiré avec les Aniers depuis quelque tems. Il avoit son frère dans notre party qui assure qu’il luy auroit levé la chevelure s’il l’avoit pu joindre. Ce détachement étoit parti depuis cinq jours du camp ennemi.

J’ai oui dire que le rapport des prisonniers étoit à peu près le même que celuy des déserteurs, ils ne comptent même que 7000 hommes, 8 au plus, de mauvaises troupes. Le sauvage dit 10 et que lorsque tout aura joint, elle sera de 12,000; qu’ils doivent toujours marcher à nous sous peu, sous 10 jours environ; que presque tous les bateaux étoient près. Ils disent tous que l’armée de Chouaguen est plus considérable que celle-cy et que nous avons essuyé un échec au fort Bull.

Les sauvages des pays d’en haut ont donné un grand collier aux iroquois pour les lier avec eux et les engager à ne pas retourner à leur village, ajoutant qu’ils y étoient les premiers intéressés pour la défense de leurs terres, que les pays d’en haut ne couroient assurément pas les mêmes risques, puisqu’ils étoient trop éloignés pour que les anglois s’y portassent, et qu’ainsi puisqu’ils venoient pour défendre les terres des Iroquois leurs frères, il étoit juste que ces derniers ne les laissassent pas faire la guerre tout seuls; que s’ils s’en alloient, ils s’en retourneroient aussi. Les Iroquois ont répondu par un autre collier qu’ils étoient disposés à rester et contribuer avec leurs frères des pays d’en haut à la défense de cette frontière; qu’ils se contenteroient de renvoyer leurs prisonniers à leur village et qu’ils ne donneroient qu’une escorte suffisante.

Mardy 10 juillet – Malgré la promesse des Iroquois de ne donner qu’une simple escorte à leurs prisonniers, ils partirent aujourd’huy après midy au nombre de 9 canots qui contenoient environ 40 hommes, il n’en est resté guère que 30 à 40. Il en arriva un canot de 14 sur les 2 heures après diner.

Il arriva à 2 heures après diner 27 abenaquis dans trois canots. Sur les 5 heures les sauvages des pays d’en hault, les Népisingues et les Abénaquis arrivés ce jour partirent pour la découverte sur le lac St Sacrement, ce party pouvait être de 200 hommes environ, ils ont à leur tête Mrs Laverandrie, Simblin, La Durantaye et quelques canadiens, ils doivent coucher ce soir au portage. Je vis une lettre écrite de l’Ile aux Noix à un de nos messieurs qui marque que les sauvages Sonontouans, les Loups de la Belle-Rive et les Chaouannons ont tombés sur un convoy ennemi allant au fort Duquesne, qu’ils l’ont entièrement défait, fait 100 prisonniers et pris 15 charriots de vivres ou effets, des boeufs et des chevaux, qu’ils ont fait une députation à Mr Pouchot pour le prier de leur donner 200 françois et qu’avec ce renfort ils répondoient de chasser les anglais de la Belle-rivière. On marque que Mr Pouchot les a donnés.

Mercredy 11 juillet – Mr Dufaye revint de sa védette et dit avoir vu les trois Berges que Mr Langy-Montegron a défait.

Départ à 7 heures du matin d’une découverte pour le fond de la Baye de canadiens et sauvages, ils ont pris pour deux jours de vivres.

Jeudy 12 – Arrivée d’un courrier de St Jean qui apporta des lettres de Québec du 2 juillet qui disent que les anglois sont descendus à l’Isle d’Orléans, et ont un camp et une batterie sur le bord de l’eau, au dessous d’eux, vis à vis le sault Montmorency, un autre, sans doute considérable, à Saint Laurent, 3000 campés à la pointe de Lévis qui se promènent et ont été le 2 jusques devant Québec, rentrés le même jour à leur camp.

Charet le 30 se signala. Il se rendit sitôt après leur descente à son moulin avec 30 miliciens où il se battit à plusieurs reprises avec l’avant garde, il en tua plusieurs et se retira sans perdre personne.

Quinze abénaquis allèrent aussi les combattre ensuite; ils firent 6 chevelures et un prisonnier; mais il leur en coûta 5 blessés dont 2 moururent.

Le prisonnier assura que les anglois n’étoient que dix mil et qu’ils n’avoient passé à la pointe Lévy que pour faire faire diversion et qu’ils nous attaqueroient à minuit ou une heure de la nuit suivante; de sorte que toute l’armée fut au bivouac sur le bord de l’eau. Rien ne parut.

On prévoit qu’ils n’oseront pas nous attaquer à moins qu’ils ne persistent à croire, comme dit le prisonnier, qu’il n’y a personne sous nos tentes et que c’est par montre qu’on les a tendues.

du 5 juillet.

L’amiral Saunders envoya hier un parlementaire à Mr de Vaudreuil pour lui marquer qu’il alloit lui envoyer des femmes qu’un de ses vaisseaux avoit pris, et il fit demander en même tems des nouvelles des petits gardes de la marine. Mr de Vaudreuil répondit et envoya Mr le Mercier qui reçut toute sorte de politesse. On luy remit des lettres pour Mr l’intendant que Mr de Douglas capte de vaisseaux envoya en luy écrivant. Il y joignit 4 bouteilles de liqueur qui étoient à son adresse dans un vaisseau qu’il avoit pris.

Les femmes rendues disent toutes qu’elles scavent positivement qu’il n’ont pas plus de 8000 hommes de débarquement et que l’on fait accroire aux matelots qu’ils sont près de dix mil.

Ils attendent la jonction du général Amherst, sans quoy ils ne donneront pas. Ils doivent rester là jusques en 8bre [«jusques en octobre»] pour nous affamer et empêcher que nos récoltes ne se fassent. On compte que nos généraux vont à présent changer leurs dispositions.

L’escadre angloise ne menace que des forces du lac Champlain et nullement celles du Lac Ontario. Les femmes qui en sont revenues n’en ont pas non plus entendu parler.

La découverte partie hier pour le fond de la Baye revint sans avoir rien aperçu.

Les sauvages partis le 10 pour aller sur le lac St Sacrement rentreront sans avoir rien fait. Ils approchèrent très près du camp, il y a même apparence qu’ils furent aperçus – Du moins les Anglois firent partir 30 berges ou bateaux sur lesquels il y avoit de l’artillerie. Nos sauvages se retirèrent dans les iles, les anglois les y canonnèrent sans oser les approcher. Les sauvages se retirèrent et les anglois parurent y prendre poste.

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Vendredy 13 juillet – Mr Bernard qui étoit à St Frédéric revint icy le matin et apporta des lettres qu’un canot de six algonquins luy avoit remis à St Frédéric. Ce canot avoit été dépêché pour cela; ils dirent qu’ils étoient suivis d’un grand nombre de sauvages, conduits par Mr Hertel commandant de la Baye.

Parmi ces lettres il y en avoit de Québec du 6 juillet; une entre autres de Mr de Vaudreuil à Mr de Bourlamaque à qui il mande qu’il n’attend que le retour de quelques partys sauvages qui doivent luy faire des prisonniers pour se déterminer à attaquer les anglois si eux-même ne le veulent pas faire. Notre armée couche tous les jours au bivouac dans cet espoir.

Mr du Fail parti ce matin pour retourner à son poste s’aperçut que les ennemis y étoient venus pendant son absence. Il trouva sa barque défaite, du tabac et une peau de cheveuil qu’il y avoit laissé enlevés. Il revint au camp. Mr de Bourlamaque ne compte y envoyer à l’avenir que des découvertes qui rentreront le soir.

Le canot de 6 algonquins arriva le soir.

Le courrier de St Jean retourna avant midy.

Samedy 14 juillet. – Les troupes de la marine et les milices levèrent leur camp et reprirent une nouvelle position.

Nos découvertes rentrèrent le soir sans avoir rien aperçu.

Dimanche 15 juillet. – Mr Langy Montegron partit avec 60 sauvages Nepisingues et des pays d’en haut sur les 5 heures après midy pour aller faire la découverte sur le lac, ils eurent beaucoup de peine à s’y déterminer.

Chaleur excessive – Le nommé François Rabot de Vadeboncour, manqua à l’appel.

Lundy 16 juillet – Les sauvages partis hier crurent entendre à leur arrivée au portage casser des branches et tousser, ou feignirent de l’entendre. Ils exigèrent de Mr Langy d’envoyer instruire Mr de Bourlamaque, ils vouloient même rentrer au camp sur le champ. Tout ce que put faire Mr de Langy, ce fut d’obtenir qu’ils coucheroient tous à la chute à l’exception de quelques jeunes gens qui voulurent bien rester avec luy au bout du portage.

Le lendemain matin les découvertes ont poussé jusques à la montagne pelée sans voir aucun vestige. Mr Langy n’a rien vu ni entendu et s’en est revenu, ne pouvant point obtenir des sauvages de passer outre, bien persuadé qu’ils n’avoient rien entendu non plus et qu’ils avoient feint d’entendre, parce qu’ils n’osoient faire cette découverte.

Le va et vient arriva de St Jean. Il apporta des lettres de cet endroit, fort peu de Québec. Elles disent qu’un françois employé de force sur l’escadre angloise a trouvé moyen de déserter dans le naufrage. Il rapporte que les anglois ont 7 à 8 mil hommes campés dans l’Ile d’Orléans et 3 mil 500 à la pointe de Lévi. Ce dernier camp retranché. Ils travaillent à une batterie vis à vis Québec; que l’escadre angloise a perdu 10 vaisseaux dans la rivière, un de 74 pièces de canons sur l’Ile Anticosti dont les deux tiers de l’équipage s’est noyé. Que les Anglois attendoient un secours de 6000 hommes des iles d’où ils avoient été repoussés avec perte de 9000. Que le bruit de la flotte étoit que Louisbourg étoit repris par les françois et qu’ils faisoient le siège d’Halifax. Que les Anglois comptoient faire leur descente à Beauport.

Les autres nouvelles sont que notre armée couche au bivouac toutes les nuits, et qu’elle est en bataille deux heures avant jour; que trois frégates s’étant approchées de Beauport pour canonner notre batterie flottante, en avoient été fort endommagées et obligées de se retirer promptement à la pointe de Lévi; que les sauvages et les canadiens au nombre de 4 à 500 en étoient venus aux mains avec les anglois, que ces derniers avoient eu 60 hommes sur le carreau et des prisonniers faits; que les sauvages avoient perdu 5 hommes: 3 abenaquis et 2 des pays d’en haut.

Que Mr de Lotbinière étoit très mal d’un coup d’épée à travers le corps qu’il avoit reçu du Sr Deguerres, ingénieur.

Le temps couvert tout le jour et une pluye fine.

On marque aussi de St Jean que Mr de St Luc est parti avec les sauvages pour les rapides. Cette dernière nouvelle est fausse.

Mardy 17 juillet – Le tems couvert et de la pluye comme hier jusques à 9 heures du matin. Mr de Bourlamaque fit partir le matin un parlementaire pour Mr Amherst. Le Sr Bernier offer de milice et 6 autres miliciens.

Sur les midy, il nous arriva un déserteur anglois qui dit que les anglois sont au nombre de 8 à 9 mil hommes et que le bruit du camp est qu’ils ne marcheront à nous que lorsqu’ils sçauront Québec pris. Ce déserteur étoit dans les berges qui poursuivirent les sauvages le 12. Ils avoient découvert nos sauvages dès le 11 et ils marchoient pour les éloigner au nombre de 1000 hommes. Ils croient notre camp très nombreux et nous pensent au nombre de onze mil hommes. On m’a aussi dit qu’il parloit d’une affaire qui s’étoit passée au Fort Bull entre les françois et les anglois, que les anglois y avoient eu beaucoup de monde tué et les françois beaucoup moins, mais qu’ils avoient aussi fait une grosse perte. Mr de Bourlamaque ne disant absoluement rien, cette déposition peut être fort douteuse.

Il arriva sur les 5 à 6 heures de l’après midy 66 sauvages du pays d’en haut de différentes nations et beaucoup de lettres.

Les nouvelles de Québec sont que les anglois sont débarqués à l’ange-gardien où ils n’ont trouvé aucune opposition, qu’un corps aïant cherché à passer le Sault, les sauvages et des canadiens volontaires s’y portèrent et mirent ce corps en déroute qui perdit 150 hommes. Nos gens essuyèrent une très petite perte; c’est sans doute la même nouvelle qui se débita hier.

On dit que Mr Charêt a fait une découverte à la pointe de Lévy et qu’il n’y estime pas plus de 7 à 8 cens hommes qui disposent une batterie pour bombarder Québec.

On dit qu’il a été mis en délibération si on iroit attaquer l’ennemi à l’Ange gardien ou si on l’attendroit et qu’il avoit été décidé de l’attendre.

A l’instant que les canots sauvages partoient de St Jean, il y arrivoit un courrier qui disoit que Mr le Cher de La Corne avoit attaqué les ennemis du côté de Chouaguen et qu’il avoit eu un avantage assez considérable. Que Mr Benoist, capte de nos troupes y avoit eu la cuisse cassée.

Le déserteur a dit avoir laissé hier un camarade qui avoit voulu suivre le bord du lac. On a fait tirer du canon pour l’aider à se retrouver. Il l’annonce comme un homme fort entendu.

Le va et vient repartit pour St Jean.

Je reçus des lettres et la déposition de Melle de Wilméz :

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Dépositions arrivées à notre camp le 17 juillet 1759

Melle de Saint-Vilmé

Partie de Miramichi le 15 may dans la gouelette La Retraite.

Prise le 29 à l’Isle du Bic.

Qu’elle a resté au Bic 8 jours, à l’Isle aux Coudres 3 semaines, et 8 jours en deça de la traverse.

L’ennemy n’a trouvé sur l’Isle aux Coudres que 5 à 6 chevaux.

Quand Melle de St Vilmé est partie de l’Isle aux coudres, il y avait encore 33 vaisseaux, scavoir 17 gros, 8 batiments prises, 8 de transport.

Elle a oui dire par les officiers de terre et de marine qu’il y avoit en escadre 144 vaisseaux, tant de guerre que de navires, senaux et brigantins de transports. Le surplus n’étant que de petits bateaux et gouëlettes appartenant à des marchands et vivandiers qui suivent l’armée et chez qui on trouve des vivres, des boissons des étoffes, soulliers et autres marchandises.

Qu’elle a pareillement oui dire par les officiers qu’il y avoit 10 mil hommes de descente, toutes troupes réglées, et 500 montagnards, qu’elle a vu les troupes et qu’elles sont belles.

Qu’il y a 8 mil hommes sur l’Isle d’Orléans et 2 mil sur la pointe de Lévy.

Qu’ils doivent établir une batterie à bombe sur la pointe de Lévy, qu’elle a vu débarquer un mortier qui luy a paru gros.

Qu’ils disent généralement que leur escadre sera bien délabrée, lorsqu’ils seront obligés de s’en retourner, car ils paroissent déterminés à sacriffier la majeure partie de leurs trouppes pour faire leur attaque.

Qu’ils ont été, à leur arrivée, surpris de ne pas trouver 20 à 25 mil hommes qui doivent les venir joindre par en haut pour attaquer Québec.

Qu’ils comptent Carillon pris, que mesme dès le moment de leur embarquement, ils avoient assuré à leur trouppe que St Frédéric l’étoit.

Qu’ils comptent bien surement sur une jonction.

Qu’elle leur a oui dire qu’ils devoient la semaine prochaine, venir mesurer leurs forces et attaquer nostre camp de Beauport.

Que les vaisseaux de 64 pièces ont 500 hes d’équipage.

Qu’ils n’ont point de malades dans leurs trouppes, et n’ont perdu que 3 mathelots.

Qu’ils comptent embosser leurs vaisseaux devant la ville et donner alors un coup de collier des plus vifs.

Qu’ils ne comptent pas Québec si fort que Louisbourg. Sçavent que la disette est grande, que la viande parmy nous vaut 3l la livre, l’eau de vie 25l le pot, le vin 1000l la barique et ils jugent qu’il n’est pas possible que dans une pareille situation nous soutenions leurs efforts. Situation si triste que nous avons été obligés disent-ils de tuer nos chevaux pour faire vivre notre monde.

Elle n’a point entendu parler de Vitré, elle sçait qu’ils ont 30 à 40 pilottes, que Raby est sur le Sterling Castle, et Detchevery sur l’Alcide, qu’un nommé Duhamel qui a fait naufrage au nord, l’année dernière, n’a jamais voulu leur servir de pilotte.

Qu’ils ont débarqué sur l’Isle d’Orléans 2 à 300 de très beaux boeufs, qu’ils y ont aussi 50 chevaux.

Qu’ils ont pris à Beaumont 14 à 15 hommes et femmes, et que Mr Wolf les a renvoyé chez eux les assurant qu’ils pouvoient y rester tranquilement, qu’il a fait mettre les vases sacrés et les ornements de l’Eglise de la pointe de Lévy en sureté, et qu’il a mesme apposé son cachet dessus, disant aux femmes françoises prisonnières qu’elles pouvoient dire au curé qu’il les trouveroit en bon état.

Que Mr Wolf est un jeune homme d’environ 30 ans, grand, fort maigre, cheveux rouges, et fort laid, habillé ordinairement tout en rouge, habit, parement et bavaroises rouges, chapeau uni.

Qu’à l’occasion d’une lettre de Mr le marquis de Vaudreuil qu’il dit avoir vu, écritte aux habitants, il a recommandé à Melle de Saint Vilmé de dire à Mr le Marquis qu’il ne luy a pas rendu justice, qu’il entend faire la guerre avec humanité, mais qu’il présume que Mr le général n’a écrit ainsi que par politique.

Mr Dagneun ou Daqum en Anglois, a recommandé aux prisonniers de présenter ses respects à Mr l’Intendant [Note de Loup K. ; il s’agit de l’Intendant François Bigot [ http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Bigot ] , qui s’enrichissait aux dépens des Canadiens, et qui sera plus tard condamné en France pour corruption] qu’il a connu au premier siège de Louisbourg où il vint en première ambassade, c’est un grand garçon, bel homme.

Que les troupes luy ont paru en très bonne disposition.

Qu’il y a 3 brulots dans la flotte, destinés pour bruler les vaisseaux en rade, ou pour mettre le feu à la Basse-ville, ils portent un petit pavillon bleu et blanc au grand mât.

Qu’ils ont dit avoir 3 galiottes à bombes.

Que l’amiral Sunders est sur le Sterling Castle à la pointe de Lévy; il porte pavillon bleu à son mât d’avant, que les amiraux Durell et Holmes le portent de mesme.

Que les 3 grands vaisseaux de 80 pièces doivent rester à l’Isle aux Coudres, avec sept autres vaisseaux de ligne, et que le prince d’Orange de 64, avec un grand batteau restera au Bic.

Qu’à la veue de nos tentes ils ont pensé que nous avions beaucoup de troupes; mais que cela n’a pas paru les déconcerter, qu’ils on dit qu’ils comptoient attaquer par nostre camp la semaine prochaine, qu’elle n’a point entendu parler d’autres projets de descente que sur la cote de Beauport.

Que Mr Woolf n’est point d’humeur à s’en retourner avec son monde, sans rien faire, qu’il compte hazarder, et qu’il est déterminé à sacriffier la plus grande partie de ses troupes.

Qu’ils ont été surpris de ne point trouver leurs troupes, dont ils comptoient la jonction sure.

Que sur l’objection qu’on leur a fait qu’ils venoient à Québec en moindre forces qu’à Louisbourg, ils ont répondu que Québec étoit bien moins forte que Louisbourg, et que quoy qu’il y eut plus de monde en Canada, ils sçavoient qu’il n’étoit pas possible d’en ramasser beaucoup, en un mesme endroit, à cause des diversions auxquelles ils nous obligeroient.

[ Note de Loup K. : Fin de la déposition de Melle de Saint-Vilmé (ou de Wilméz). ]

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Mercredy 18 juillet – Beau tems.

Le déserteur annoncé hier arriva sur les 8 heures du matin. Je n’ai pu scavoir sa déposition non plus que celle du déserteur de la veille. On débite dans le camp qu’il a dit que l’armée étoit de 8 mil hommes et qu’elle devoit partir pour marcher à nous le 19.

On luy fait aussi dire que le Régiment de Blacknay avoit levé son camp pour rétrograder.

Le Sr Bernier envoyé en Ambassade chez les Anglois le 17 arriva sur les 7 heures du soir. Il n’a rien vu dans les iles et a été jusques à demie lieue ou 3/4 de lieue du camp ennemi qui luy a paru considérable. On vint au devant de luy et on le fit mettre à terre au Sud. On luy fit beaucoup de politesses. On luy dit que Mr de Joncaire et son neveux avoient été faits prisonniers, que nous avions eu une affaire du côté des rapides où nous avions perdu le général de La galete. Que Stobo s’étoit rendu et étoit sur l’escadre.

Le Sr Bernier a remarqué le matin qu’on avoit tendu des tentes dans les endroits où il n’y en avoit pas la veille; le camp par ce moyen paroissoit beaucoup plus considérable.

Le Sr Dufaïl, ofiicier de la Reine, se rendit à son poste sur les montagnes pour observer les ennemis.

Jeudy 19 juillet – Il arriva cinq bateaux de St Jean sur les 5 heures après midy avec des effets et des vivres. Ils n’apportèrent que des lettres de cet endroit, qui disent que Mr le Cher de La Corne aïant été invité par les sauvages des cinq nations de se porter sur la rivière de Chouaguen où les anglois commençoient à faire des mouvemens et où il pourroit remporter un grand avantage, ils le conduisirent sous un retranchement. Mr le Cher de La Corne y perdit 8 hommes y compris un officier, Mr Hertel de St François. On dit Mr Benoist blessé légèrement et Mr Carpentier, officier partisan. On ajoute que les anglois vont sûrement faire le siège de Niagara et Que le détacht aux ordres de Mr Montigny y est rendu.

Il partit un petit party de 6 sauvages des pays d’en hault pour faire la découverte sur le lac St Sacrement.

Le vent de Nord Est tout le jour.

Vendredy 20 juillet – Le vent Nord Est tomba.

Le Sr Dufail revint de sa station où il n’avoit rien aperçu. On fit partir pour St Jean les deux derniers déserteurs par les bateaux arrivés hier.

Les six sauvages partis hier pour la découverte rentrèrent. Ils disent avoir été jusques à la vue du camp ennemi qu’ils ont trouvé très considérable.

Sur les 5 heures après midy 30 sauvages puants partirent pour la guerre sur le lac St Sacrement.

Beau tems tout le jour.

Samedy 21 – Rien de nouveau. Le tems couvert tout le jour et un peu de pluye de tems à autre.

Dimanche 22 juillet. – Notre découverte du matin nous apprit que le lac étoit couvert de Berges et bateaux et les anglois firent leur débarquement avant qu’on put s’y porter, ils profitèrent du tems et passèrent sur le champ le portage et la chute au delà de laquelle ils prirent poste.

Les sauvages, grenadiers, piquets et canadiens firent avec eux la fusillade tout le jour. Nous perdîmes un sergent de la marine La Reine, un soldat prisonnier et encore un autre je ne sçai de quel corps. Il y eut 5 à 6 blessez.

Toutes les troupes et milices bordèrent le retranchement et ne le laissèrent qu’à une heure après minuit pour embarquer.

Lundy 23 juillet – Nous vinmes camper vis à vis de la rivière à la Barbue. Nous entendions le feu du fort qui fut très vif ce jour. Mr Langy y alla.

Mr de Bourlamaque dépècha un officier de milices et 8 hommes pour St-Jean. Le vent Nord Est tout le jour.

Mardy 24 – Vent de Sud Ouest. Nous fîmes un abaty en avant de nos postes. Le feu du fort beaucoup moins vif. Nous apprîmes qu’un de nos sergens de la marine nommé Sanschagrin avoit fait un prisonnier. Il l’approcha en luy criant qu’il était déserteur et l’enleva. Je n’ai pu sçavoir la déposition de cet homme. J’ai scu seulement qu’il disait que les anglois avoient le fond de douze mil hommes, mais qu’ils n’étoient pas complet. Leur armée peut aller à 10 ou 11 mil. Ce fut par le retour de Mr Langy que nous fumes instruits.

Mr Dufail partit le soir pour le fort, ainsi que MMrs de Sabrevois et Hertel.

J’ai oui dire que le déserteur avoit dit que l’armée avoit mis quatre jours à se rendre.

Il partit pour Frédéric un caporal qui devoit y prendre un ou deux pontons pour les conduire à St Jean.

Mercredy 25 – Vent de Nord Est. Retour de Mrs du Fail, Sabrevois et Hertel qui ne nous apportèrent rien de nouveau.

Mr de Langy partit avec des sauvages pour faire une découverte du côté de la Rivière de la Barbue.

Les volontaires de Volf en firent une du coté du Sud.

II se noya un matelot à bord d’un des chebeck.

Retour des deux découvertes; Mr de Langy crut apercevoir les pistes d’une quinzaine d’hommes venus pour nous observer.

Départ d’un offer de Berry avec 6 canadiens pour aller au fort de Carillon.

Jeudy 26 juillet – Mr Senneville parti le 20 avec les puants rentra hier au soir sur les minuit avec un françois et 4 sauvages. Il [a] laissé 24 sauvages des meilleures jambes sur le chemin de Lydius qui comptent y faire quelques prisonniers et leur a dit de se rendre à St Frédéric, il croit qu’ils s’y rendront aujourd’hui.

Arrivée de 70 sauvages iroquois qui disent que les anglois n’ont pas passé le Sault Montmorency et qu’on les harcèle avec succès; que les Canadiens, les sauvages et autres volontaires leur tuent beaucoup de monde, et qu’ils ne peuvent faire un pas sans être fusillés; que les anglois sont à Niagara où ils avoient déjà jeté plus de 100 bombes sans aucun succès; que nous y avons beaucoup de monde, tout ce qui étoit à la Belle-Rivière devant s’y reployer; que les cinq nations aïant envoyé une députation de cinq à six confédérés à Mr Pouchot, ce commandt n’avoit point hésité à les faire mettre aux fers, imaginant bien qu’ils ne venoient que pour voir en quel état étoit le fort.

D’autres sauvages sont venus les réclamer et offrir pour otage leurs femmes et leurs enfants, que s’ils avoient accepté la hache c’étoit dans l’yvresse et qu’ils ne manqueraient jamais à la parole donnée à leur père. Mr Pouchot leur a répondu qu’ils pourroient faire ce que bon leur sembleroit; que si les iroquois restoient neutres, leurs chefs luy serviroient d’otages et qu’il ne leur seroit fait aucun mal; qu’au contraire on leur feroit le mal qu’ils pourroient faire aux françois s’ils leur faisoient la guerre.

Il est parti ce matin beaucoup de sauvages, les uns pour faire de simples découvertes, d’autres pour donner sur l’ennemy.

Les sauvages des pays d’en hault que conduisoit Mr Ladurantaye, au nombre de 45 hommes, attaquèrent une grande garde entre la chute et les retranchements de Carillon. Ils estiment en avoir tué vingt, mais ils ne purent lever la chevelure qu’à six. Ils rentrèrent le soir. Les autres découvertes n’aperçurent rien.

Il est faux que Mr Pouchot ait mis en prison la députation des cinq nations. Au contraire ces députés après s’être beaucoup excusés et promis de se retirer, s’offrirent pour otage et furent les premiers à demander à être mis en prison. Mr Pouchot, je ne sçai par quelle politique, n’a pas accepté l’offre et les a renvoyés. On n’est pas sûr que leurs nations se soient retirés; mais on dit que Mr Pouchot se flatoit n’être pas pris si le détacht de la Belle Rivière le joignait. Le courrier de ce fort dit qu’on attendoit le détachement le jour même qu’il est parti.

Vendredy 27 juillet – Une partie de la garnison arriva de Carillon au point du jour et nous apprit que l’autre partie étoit en route, qu’on avoit fait sauter le fort sur les dix ou onze heures du soir.

On fit marcher deux compagnies de grenadiers et des volontaires, les chebecs, les jacobites et des sauvages pour protéger cette retraite; plusieurs bateaux n’ont osé passer sous une batterie faite par les Anglois à la redoute Pouchot et se sont jettés à terre. Dans le déblayement du fort, la garnison s’étoit enyvrée ce qui a causé une grande confusion dans la retraite. Plusieurs soldats se sont perdus dans les bois, d’autres noyés, quelques uns peut être passés à l’ennemi; il nous manque 29 soldats sçavoir: 1 de la Reine, 5 de Bery et 18 de la marine.

Il arriva des bateaux de St Jean. Les anglois ne nous avoient point attaqués à Québec. Ils se contentent de bombarder la ville de la pointe de Lévy. Ils avoient déjà causé de grands dommages.

Je reçus une lettre de Montréal.

Samedy 28 juillet – Nous partimes dès qu’il fut jour pour nous rendre à St Frédéric où on travailloit au déblayement ce qui fut continué.

Il nous arriva des batteaux de St Jean et un courrier. Je reçus deux paquets de lettres et la déposition d’un déserteur cy-jointe. Le désastre augmente toujours à Québec. Les anglois n’y font cependant point encore de grands succès; mais il est à craindre qu’ils ne nous tiennent longtemps en échec.

Reçu au camp de St Frédéric le 28 juillet

du 17 juillet 1759.

Othon Miller, almand, grenadier dans le 3e Bataillon de Royal Américain, dit qu’il y a icy le 2e et 3e Bataillon de Royal américain, mais qu’il n’y a que les grenadiers du 3e Bataillon à l’armée, le Bataillon estant à bord des vaisseaux.

Qu’il y a le Régiment d’Otways No 35.

Webbs.

Le Régiment des Montagnards.

Amhers.

Lascelles } parements noirs.

Warbarton } parements noirs

Dit qu’il y a 5 compagnies de grenadiers et quelques Rangers qui doivent pénétrer par la grève et le reste par le bois. Les ordres estoient donnés pour attaquer la nuit dernière, mais ils ont été contremandés, ne sçait par quelles raisons.

Les grenadiers sont de 100 hommes par compie.

Qu’ils attendent journellement l’arrivée du général Amhers et qu’alors les vaisseaux attaqueront aussi.

Qu’il y a 10 bataillons dans leur camp au Saut, que le camp de la pointe de Lévy est composé de mariniers.

Qu’il y a une batterie de 5 pièces de 12 au Saut et environ 20 canons de fonte qui ne sont pas placés en batteries, qu’il n’a vu que 2 mortiers et 3 cohorns.

Que l’anglois travailloit à ce que l’on dit à faire un pont à l’endroit où passent les charettes.

Qu’il y a 7 à 8 habitans, hommes et femmes, qui venoient souvent au camp anglois, que le général Wolf aurait deffendu aux soldats de leur parler ou de les questionner.

Que les Rangers demeuroient dans une maison blanche tout auprès du bois.

Que, dans l’escarmouche entre nos jacobites et la berge, il y eut plusieurs blessés et un contreme d’un vaisseau les cuisses emportées.

Que Boscawen commande l’escadre, qu’il est dans le vaisseau qui a un pavillon bleu en haut du grand mat.

Que les berges que nous voyons passer journellement portent des vivres et n’ont que des matelots à bord. Les grands batteaux plats ont jusques à 20 hommes et les berges moins.

Qu’on parloit que nous devions décamper d’icy et ne laisser que nos sauvages et habitants dans les bois.

Quelques uns de nos habitans leur disoient qu’il y avait des quays ou l’eau ne montait qu’à mi-jambes.

Que dans le vaisseau où il estait on avoit qu’une demie livre de pain par jour et une demie livre de viande, qu’on avoit envoyé 3 Vaux dernièrement à Louisbourg pour y chercher des provisions.

Qu’il y a 500 hommes des Rangers qui montent toutes les nuits deux tiers de lieues en haut de la Rivière du Saut et passent là la nuit en garde, pas tout à fait au bord de la Rre mais un peu enfoncés dans le bois.

Qu’il y a 8 jours on croyoit la flotte françoise dans la Rre et qu’on avoit envoyé une petite goëlette pour vérifier. Ne sçait si elle est de retour.

Qu’on croyoit Amhers à 10 lieües d’icy, que pour le signal il devoit tirer 13 coups de canon et quelques uns prétendent les avoir entendus.

Les bataillons de Royal américain devroient estre de 100 hommes par Cie, mais qu’il y en a plusieurs qui ne sont pas de 30 hommes.

Qu’il y a une garde de 30 hommes dans une maison auprès le bois du Saut pendant la nuit.

Les Rangers marchent toujours les premiers.

Qu’on compte qu’il y a 11 à 12 régiments en tout.

Qu’il y a 8 jours il avoit vu le charpentier de son vaisseau passer la rivière avec ses outils et tous les autres charpentiers des autres vaisseaux qui venoient pour travailler à faire un pont pour passer la rivière du Saut.

Que tous les grenadiers estoient commandés hier à 6 heures du soir afin de rentrer dans le camp pour l’attaquer. Il ignore l’heure à laquelle ils devoient déboucher de leur camp.

Dit qu’il y a au camp 30 batteaux plats qui peuvent contenir chacun 100 hommes.

Qu’il y a un retranchement au bord de la Rre, un autre précisément à la chute, qu’il n’y a pas de retranchement entre eux et le bois, qu’un petit parapet pour les gardes et piquet.

Que le général Wolf va aux détachemens dans les bois 2 et 3 fois la nuit.

Il n’a pas oui dire qu’on fit des chemins dans le bois, les habitants leur indiquoient les chemins dans les bois et apportent du jardinage au général Wolf.

Les sauvages en découverte aujourd’huy rentrèrent le soir avec une chevelure.

Mr de Langy qui étoit avec eux approcha beaucoup de la Chute où il a vu et entendu abattre des arbres et travailler beaucoup. Il pense qu’ils s’y retranchent.

Petit vent de Nord Est tout le jour.

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Dimanche 29 juillet – Le vent Sud Ouest. Le déblayement continue toujours – Rien de nouveau, d’ailleurs, les découvertes n’allèrent que jusqu’à la rivière à la Barbue et n’aperçurent rien.

Lundy 30 – Le vent se mit au Nord-Est cette nuit avec beaucoup de pluye. Malgré cela on fit partir tous les pontons de l’artillerie et des Magasins. Tout le camp prit les vivres pour six jours.

Mardy 31 – Vent de Sud Ouest. Beau temps.

Nous détendîmes au point du jour et nous mîmes en Bataille jusqu’à ce qu’on eut disposé toutes choses pour faire sauter le moulin à vent et la redoute de St Frédéric. A 7 heures et demie nous embarquâmes et allâmes nous mettre en panne à 1 lieüe environ pour attendre la partie de l’arrière-garde où étoit Mr de Bourlamaque, destinée à faire sauter le fort et le moulin.

Sur les 9 heures le moulin sauta, et de l’endroit où nous étions, la place paroissoit entièrement nette.

Une heure après la redoute saulta, elle parut aussi entièrement détruite, il n’est resté que l’enceinte qui probablement aura été endommagée. On mit le feu à tous les bâtimens.

Sur les 10 heures 1/2 nous nous remîment en marche et vinrent camper à la Rivière Boquet.

Nous eûmes du tonnerre et de l’orage qui fit tomber le vent.

Mercredy 1er d’Aoust – Beau tems, nous partîmes à 5 heures du matin. Nous profitâmes du peu de vent de Sud Ouest et vinment camper à la pointe.

Jeudy 2 d’Aoust – Le vent au Sud Ouest. Nous partîmes à 5 heures du matin. Sur les 7 heures la pluye commença à tomber bien fort et dura presque tout le jour. Nous vinment camper au moulin Foucault.

Vendredy 3 – Nous partîmes à 6 heures du matin et arrivâmes sur les huit heures du matin à l’Ile aux Noix. Les ennemis sont toujours en présence à Québec. Ils continuent à bombarder la ville et font quelques incursions dans les campagnes.

Je reçus des lettres de Québec et la déposition d’un déserteur anglois à notre camp de Beauport.

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Déposition de Joseph Burgess, déserteur

20 juillet.

Reçu le 3 aoust.

Dit qu’il a laissé le service du Brigadier général Townsend par mécontentement parceque les 5 domestiques qui servoient comme lui lui faisoient des querelles continuelles et que son maître lui donnoit les tors très souvent, même lui avoit dit de sortir de chez lui, ou qu’il l’enverroit à bord d’un Vau de guerre.

Qu’il ne pense pas que dans 9 régimens de troupes réglées qu’ont les anglois, il y ait plus de 7 mille hommes, qu’il y a en outre le train d’Artillerie qu’il estime au juste de 5 à 600 hommes.

Qu’il estime que les vaissx peuvent fournir plus de 1500 hommes pour débarquement, qu’il ne compte point les découvreurs parce qu’ils sont composés soit de Rl américain, soit des autres corps, qu’il croit qu’il n’y a pas au camp plus de 3 mille hommes, qu’il y a des retranchements sur le front du Saut et qu’on y a placé du canon, scavoir 8 de 24, 8 aubusiers et 16 pièces de canon de 12, qu’il y a aussi 20 couleverines qui ne sont point encore montées, qu’il y a 2 mortiers de 9 pouces, qu’il a vu cela pour y avoir esté hier après-midy.

Que du côté du fleuve il y a quelques petits ouvrages pour couvrir les batteries, que les mêmes ouvrages sont à peu près semblables du côté du bois, que ces ouvrages peuvent être d’un mille ½ en longueur et finissent à environ ¼ de mille de l’église.

Qu’il ne croit pas qu’il y ait sur l’Isle d’Orléans plus de 200 hommes pour garder tant l’hôpital que les ouvrages qui y ont esté faits et qui estoient très forts alors, qui sont sur la pointe où le camp estoit établi dernièrement.

Que les ordres du gal Wolf ont esté toujours très précis pour empescher qu’on ne ravageat sur l’Isle, soit les maisons, les champs ou les meubles.

Qu’il y a 50 Boeufs sur l’Isle pour l’artillerie et qu’il n’y en a pas plus de 50 pour les provisions du général et quelques autres officiers.

Qu’il croit qu’il y a à la pointe de Lévy plus de monde qu’au Saut, et qu’il pense qu’il y a 4 mille hommes sous les ordres du Général Monckton.

Qu’ils ne se sont emparés de la pointe de Lévy que pour avoir la facilité de bombarder et canoner la ville.

Qu’il n’a point entendu à la table de son maître tenir aucune conversation au sujet des expéditions à faire, que tous les généraux sont très circonspects.

Qu’ils ont pris terre au Sault afin d’établir un pont pour passage et se ménager une retraitte et pour rendre leur camp assez fort pour y attendre l’arrivée du général Amhers;

Qu’il a toujours oui dire qu’on devoit attaquer par le Saut et que ce seroit dans peu;

Qu’à moins que le général Wolf ne l’ait réservé que pour lui seul, il n’a point oui dire que l’on tira les forces qui sont à la pointe de Lévy pour attaquer; qu’il n’estoit question d’attaquer qu’avec les forces qui sont au Saut et qui ne sont point au dessus de 3000 hommes.

Qu’il a oui dire que la princesse Amélie et le Vte Villiam devoient venir devant la ville.

Que l’on dit au camp, mais qu’il croit que ce n’est que pour encourager l’officier et le soldat, qu’il doit venir des troupes et des vaisseaux; qu’il n’a point entendu dire qu’il y ait en vue une nouvelle flotte angloise ni françoise qu’il croit qu’on a vu en vue tant navires, brigantines, goelettes et batteaux, environ 30 batimens au moins, mais que ce sont des transports et autres batimens inutiles que l’on a renvoyés.

Qu’il a connaissance qu’il est venu de l’amiral DureIl une goelette à bord de l’amiral Sunder, mais qu’il n’a point entendu dire qu’il y eut aucune escadre en vue, soit qu’elle porte des troupes ou des vivres;

Qu’il n’a point connoissance qu’on soit court de vivres à l’armée, qu’il n’y a pas même d’aparence, eu égard au peu de tems qu’il y a qu’ils sont arrivés icy;

Qu’il a oui dire qu’il avoit passé au dessus de la ville un Vau de Ligne et 3 frégattes, qu’il doit y avoir des forces dans ce Vau, parceque deux jours avant leur départ, il a vu embarquer 2 compies de grenadiers pour passer à ce Vau, qu’il croit que ces Vaux ont monté au dessus de la ville, afin que le général Monkton put plus facilement monter et faire descente pour bloquer la ville de tous costés;

Qu’un soldat, le dr déserteur qu’ils ont vu leur avoit dit que les canadiens partout estoient fort fatigués, que le gouverneur leur avoit dit qu’il venoit des forces de France;

Qu’il croyoit que nos canadiens et nos sauvages ne soutiendront point une attaque et un feu en règle et que les troupes sont en petit nombre;

Qu’ils ont oui dire par les déserteurs qu’il y avoit un Nre de Ligne, plusieurs frégattes et beaucoup de Vaux marchands qui estoient montés dans le fleuve, mais qu’il ne pense pas que les Vaux qui ont passé soient montés pour les attaquer;

Qu’ils attendent le général Amhers et qu’ils diffèrent pour faire jonction, mais qu’il croit qu’ils attaqueront cependant lorsqu’ils n’espéreront plus ce général.

Qu’il ne scait pas le temps où ils ont déterminé de s’en retourner, qu’il pense qu’ils pourront tenir jusques aux froids;

Que depuis le commencement des actions ils ont perdu environ 60 hommes sans compter les prisonniers;

Que l’on parle généralement parmi les officiers même que l’attaque se fera par le Saut, qu’il y a sur le rivage au Saut quelques berges et batteaux, mais qu’il n’y en a point assez pour embarquer en même temps l’armée du Saut;

Qu’il n’a jamais oui dire aux offrs qu’on dût attaquer par le Parc de notre camp, ni par la ville, mais en vinquenant (?) [ note de Loup K. : le signe «(?)» fait partie de l’édition de 1930 ] par le sault et qu’ils doivent le passer par le haut de la chûte.

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Samedy 4 d’Aoust – Je fis l’incorporation des soldats de la marine et des milices qui étoient à l’Ile aux Noix.

Dimanche 5 – Je fis donner les vivres à tout le monde moitié pour 4 jours, moitié pour 5 jours. Il plut beaucoup ce jour.

Lundy 6 – Il plut beaucoup tout le jour. Nous eumes des nouveIIes de Québec sur les 9 heures du soir d’un petit avantage remporté sur les anglois le 31 juillet, qui avoient tenté l’attaque de nos retranchemens.

La relation cy jointe.

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Arrivé le 6 Aoust au soir à notre camp

31 juillet 1759.

Je fus informé à cinq heures du matin par les volontaires de Duprat et par les postes de Mr de Repentigny qui bordent la rive droite de la Rivière du Saut de Montmorency, que les ennemis fesoient marcher 400 hommes par leur droite vers le bois, une demie heure après les mêmes postes me rendirent compte que ces 400 hommes s’étoient arrêtés à l’entrée du bois et qu’ils travailloient à faire des fascines comme ils avoient fait depuis deux jours.

A dix heures, nous vimes deux frégates et un vaisseau de 64 pièces de canon mettre à la voile et s’approcher dans le chenail vers le Saut Montmorency et en même tems nous vîmes un grand mouvement de berges à l’Isle d’Orléans et à la pointe de Lévy.

A 11 heures et ½ les deux frégates vinrent s’échouer vis à vis le camp de la Brigade de Montréal et à demi-portée de fusil de la redoute qui est située sur la grêve à la gauche de cette Brigade.

Le vaisseau descendit plus bas et mouilla vis à vis la dernière redoute de notre gauche qui n’est éloignée que de 300 toises de la chute du Saut Montmorency et la distance qu’il y a entre les deux redoutes n’est pas de plus de 200 toises.

Ces trois bâtimens étoient placés de manière à faire un feu croisé de leur artillerie pour batre nos bateries et les redoutes qui les soutiennent, de même que de tirer sur le coteau où est situé notre camp et la ligne de nos retranchements dont la gauche est appuyée au grand escarpement de la chute du Saut Montmorency où nous avons un bataillon et 500 hommes du Gouvernement de Montréal qui y montent la garde, et qui sont relevés toutes les 24 heures, parcequ’ils sont sous le feu de l’Artillerie des ennemis qu’ils ont placée à la rive gauche du grand escarpement de la chute du Saut Montmorency, ce qui domine considérablement notre rive droite.

Le vaisseau et les deux frégates étant placés de cette manière ils commencèrent à midi à faire un feu des plus vifs sur nos bateries, sur nos bateaux armés de canon et sur nos redoutes, et une baterie de six mortiers et de 30 pièces de canon située au dessus de l’escarpement du Saut Montmorency fit de même un feu des plus vifs sur nos retranchemens qui, étant commandés par la hauteur où les ennemis sont postés, sont enfilés dans plusieurs endroits, malgré toutes les traverses que nous avons pu faire.

A une heure, nous vîmes faire plusieurs mouvemens aux berges qui étoient remplies de monde qui nous donnèrent de l’inquiétude pour toutes les parties de la ligne de nos retranchemens depuis le Saut jusqu’à la Rivière St Charles.

A une heure et demie, je fus informé que les ennemis fesoient marcher une colonne de 2000 hommes par leur gauche vers les gués que garde Mr de Repentigny: sur le champ, je fis partir 500 hommes du gouvernement de Montréal aux ordres de Mr de la Perrière et tous les sauvages pour se porter au secours de Mr de Repentigny, et je donnai ordre à Mr Duprat de suivre avec ses volontaires le mouvement de la colonne des ennemis et de m’en rendre compte.

J’envoyai ordre au Régiment de Royal Roussillon de s’avancer, je fis marcher la Compagnie de grenadiers de ce régiment pour se joindre aux volontaires et comme dans le moment que le Ral Roussillon me joignoit je vis que les ennemis fesoient un mouvement avec leurs berges pour s’approcher de la pointe de Lessé qui est vis à vis de l’Isle d’Orléans et que cette partie étoit entièrement dégarnie, j’y fis marcher tout de suite le bataillon et je donnai ordre à Mr de Poulharies de communiquer ses postes avec la droite de la ville de Montréal et par sa droite avec les troupes qui s’avançoient du centre de l’armée.

A 2 heures et demie, Mr le Mis de Montcalm me joignit, je lui rendis compte de mes dispositions et des mouvemens des ennemis vers le poste de M. de Repentigny, car ceux des berges tout le monde les voyoit. Il me dit qu’il avoit fait avancer le Bataillon de Guyenne pour s’approcher de celui de Ral Roussillon et nous convinmes qu’il m’enverroit deux compagnies de grenadiers et 100 hommes du gouvernement des Trois Rivières, que nous ferions la guerre à l’oeil et que si la gauche étoit attaquée il feroit appuyer les troupes pour la soutenir; que j’en ferois de même si la droite était attaquée. Après cet arrangement M. de Montcalm me quitta et me dit qu’il alloit rejoindre Mr le Mis de Vaudreuil et lui rendre compte de notre situation.

Les deux compagnies de grenadiers me joignirent à trois heures. J’envoyai celle de Béarn joindre son Bataillon qui étoit de garde à la gauche des retranchemens et j’envoyai celle de la Sarre se placer entre la Brigade de la Ville de Montréal et celle du gouvernement de Montréal que j’avois fait descendre de son camp pour border les retranchemens entre les deux redoutes. Comme je destinois les 100 hommes du gouvernement des Trois Rivières à marcher vers M. de Repentigny, je donnai ordre qu’on les fit rester sur le grand chemin à la hauteur du camp du gouvernement de Montréal pour pouvoir se porter où besoin seroit et je laissai ordre aussi que l’on y arrêtat toutes les troupes que l’on enverrait pour soutenir la gauche.

Après que j’eus fini tous ces arrangemens, je fus rejoindre les troupes qui bordoient les retranchemens et je me placai entre les deux redoutes d’où j’étois à portée d’observer tous les mouvemens des ennemis.

Les ennemis continuèrent à faire différens mouvemens de leurs berges pour nous donner de l’inquiétude dans différentes parties.

A quatre heures et demie je fus informé par Mr Duprat que la colonne des ennemis rétrogradoit et qu’elle rentroit dans le camp. J’envoyai sur le champ M. de Jonsthone chés Mr de Repentigny pour faire revenir les troupes que j’y avois envoyées et j’envoyai ordre à la compagnie de grenadiers du Ral Roussillon et aux volontaires de Duprat de se raprocher et de se mettre à portée de soutenir le bataillon de Béarn qui étoit à la gauche des retranchemens.

A 5 heures les berges entrèrent dans le chenail du Saut et se mirent derrière les deux frégates qui étoient échouées.

A 5 heures et demie je vis descendre la colonne des ennemis des hauteurs du Saut et qui vint se former sur le bord de la grève au gué du bas du Saut Montmorency. J’étois dans ce moment avec le bataillon de Béarn, j’informai Mr de Montcalm de ce mouvement, je donnai ordre aux troupes que j’avois fait rester sur les chemins au camp de la Brigade de Montréal de me joindre. La compagnie de grenadiers de Languedoc me joignit avec 100 hommes des 3 Rivières que je plaçai pour soutenir la redoute de notre gauche. Les volontaires, la compagnie de grenadiers de Ral Roussillon et le détachement de M. de la Perrière vinrent me joindre aussi dans le même moment; je plaçai toutes ces différentes troupes à border les retranchemens et à se soutenir mutuellement.

A 6 heures la colonne des ennemis se remua et commença à passer le gué du Saut : dans le même moment les berges firent la descente derrière les deux frégates qui étoient échouées. Le feu d’artillerie redoubla de toutes parts.

Les ennemis s’étant formés derrière les frégates, marchèrent de bonne grâce pour attaquer la Redoute de notre droite que je fis abandonner, n’étant pas possible de la soutenir, ni aux ennemis de s’y établir, parce qu’elle est sous le feu de notre retranchement du coteau. Le feu de notre mousquetrie commença de toutes parts, la colonne des ennemis qui avoient débarqués dépassa la Redoute et s’avança jusqu’au bas du coteau de nos retranchemens, d’où elle essuya un feu si vif qu’elle fut obligée de plier, et il survint dans le moment un orage si violent qu’il fit cesser le combat et favorisa la retraite des ennemis. Le Régiment de Ral Roussillon qui m’avoit joint à qui j’avois donné ordre de s’avancer et celui de Guyenne que Mr de Montcalm avoit fait avancer, je les avois placés en réserve derrière la Brigade de Montréal, et Mr de Montcalm me joignit aussi de sa personne, un moment après que les ennemis eurent été repoussés. La colonne qui avoit passé le gué du Saut s’avança jusqu’à hauteur de la Redoute de notre gauche qu’elle n’osa pas attaquer, la voyant si bien gardée. Notre baterie de cette Redoute ne discontinua pas à faire feu sur cette colonne. Les ennemis se retirèrent à l’entrée de la nuit par la même route qu’ils étoient venus. J’estime leur perte à 500 hommes tant tués que blessés. La nôtre est de 50, il est étonnant qu’elle ne soit pas plus considérable ayant essuyé un si grand feu d’artillerie toute la journée. On ne peut assés faire l’éloge des troupes et des canadiens qui ont été inébranlables et qui ont continuellement témoigné la plus grande volonté.

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Mardy 7 d’Aoust – Il plut beaucoup la nuit dernière et tout le jour.

Mr de Langy partit avec des sauvages Népisingues pour faire la découverte du côté de Frédéric et Carillon.

Mercredy 8 – Il plut encore cette nuit beaucoup. La pluye n’a cessé que sur les 9 heures du matin.

Je reçus des lettres de Montréal du 6 août sans aucune nouvelle.

Jeudy 9 – Beau tems tout le jour. La découverte à la pointe au fers n’a rien appris de nouveau.

Vendredy 10 – Il plut tout le jour. Nous apprîmes le matin la prise de Niagara le 24 juillet. Le bruit du camp ajoute même que Mr Pouchot a écrit de Chouaguen, par conséquent la garnison prisonnière de guerre. On m’a aussi assuré que le détacht de la Belle Rivière qui venoit au secours de Niagara avoit été défait en entier avant la prise du dernier fort et que la plus grande partie avoient été faits prisonniers de guerre.

Il arriva le soir un bateau des chebecs qui nous apprit que Mr de Langy avoit été découvert par les anglois campés à St Frédéric. Ils envoyèrent d’abord 2 berges sur son canot d’écorce qui chercha à attirer ces berges dans une embuscade; mais elles n’y donnèrent pas et firent au contraire un mouvement en arrière. Alors il se détacha vingt cinq autres berges à la suite du party; mais elles ne le chassèrent pas loin et se retirèrent. Mr de Langy est resté avec 3 hommes pour aller par le Bois dans l’espoir de faire un prisonnier.

Il arriva au camp deux placards du général Wolf adressés aux canadiens. Cy joint.

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[premier placard mentionné, dans l’ordre où il apparait dans le Journal de Nicolas Renaud : ]

Arrivé à notre camp le 10 aoust 1759.

De par Son Excellence James Wolf, Major général, colonel d’infanterie, commandant les troupes de Sa Majesté Britannique sur la rivière de St Laurent.

Le Roy mon maitre, justement irrité contre la France, résolu d’en abattre la fierté et d’en venger les insultes faites aux colonies angloises, s’est enfin déterminé à envoyer un armement formidable de mer et de terre que les habitans voyent avancer jusques dans le centre de leur pays; il a pour but de priver la couronne de France des établissements les plus considérables dont elle jouit dans le Nord de La Mérique.

C’est à cet effet qu’il lui a plu de m’envoyer dans ce pays à la tête de l’armée redoutable actuellement sous mes ordres. Les laborieux habitans, colons et paysans, les femmes, les enfans, ny les ministres sacrés de la religion ne sont point l’objet du ressentiment du Roy de la Grande-Bretagne, ce n’est pas contre eux qu’il élève son bras, il prévoit leurs calamités, plaint leur sort et leur tend une main secourable.

Il est permis aux habitants de revenir avec leur famille dans leurs habitations. Je leur promets ma protection et je leur assure qu’ils pourront sans craindre la moindre molestation y jouir de leurs biens, servir le culte de la religion, en un mot, jouir au milieu de la guerre de toutes les douceurs de la paix, pourvu qu’ils s’engagent directement ny indirectement à ne prendre aucune part à une dispute qui ne regarde que les deux couronnes.

Si au contraire un entêtement et une valeur imprudente et inutile leur fait prendre les armes, qu’ils s’attendent à souffrir tout ce que la guerre offre de plus cruel, il leur est aisé de se représenter à quel excès se porte un soldat effrené; mes ordres seuls peuvent en arrêter le cours et c’est aux canadiens, par leur conduite, de se procurer cet avantage.

Ils peuvent ignorer leur situations présente : une flotte considérable bouche le passage aux secours dont ils pourroient se flatter du côté de l’Europe, et une armée nombreuse les presse du côté du continent.

Le party qu’ils ont à prendre ne paroit point douteux. Que peuvent-ils attendre d’une vaine et aveugle opposition; qu’ils en soient eux-mêmes les juges?

Les cruautés inouïes que les françois ont exercées contre les sujets de la Grande Bretagne établis dans La Mérique pourroient servir d’excuses aux représailles les plus sévères, mais l’anglois dédaigne cette barbare méthode. Leur religion ne prèche que l’humanité et leur coeur en suit avec plaisir le précepte.

Si la folle espérance de nous résister avec succès porte les canadiens à refuser la neutralité que je leur propose et leur donne la présomption de paroitre les armes à la main, ils n’auront sujet de s’en prendre qu’à eux-mêmes; lorsqu’ils gémiront sous le poids de la misère à laquelle ils se seront exposés par leur propre choix, il sera trop tard de regretter les efforts inutiles de leur valeur indiscrète.

Lorsque pendant l’hiver ils verront périr de famine tout ce qu’ils ont de plus cher, quand à moi je n’aurai rien à me reprocher. Les droits de la guerre sont connus et l’entêtement de l’ennemy justifie les moyens dont on se sert pour le mettre à la raison.

II est permis aux canadiens ou aux habitants du Canada de choisir; ils voyent d’un côté une main puissante et secourable que je leur tend, et de l’autre côté la France incapable de supporter ses peuples abandonne leur cause dans le moment le plus critique, et, pendant la guerre, eIle leur a envoyé des trouppes; à quoi leur ont-eIles servi: à leur faire sentir avec plus d’amertume le poids d’une main qui les opprime au lieu de les secourir, que les canadiens consultent leur prudence, leur sort dépend de leur choix.

Signé : JAMES WOLF.

Donné à notre quartier général à la paroisse St Laurent, Isle d’Orléans, le 29 juin 1759.

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[deuxième placard mentionné, dans l’ordre où il apparait dans le Journal de Nicolas Renaud : ]

De par Son Excellence Major général James Wolf, commandant les troupes de Sa Majesté Britannique sur la Rivière Saint-Laurent.

Son Excellence piqué du peu d’égard que les habitants du Canada ont eu à son placard du 29 du mois dernier est résolu de ne plus écouter les sentiments d’humanité qui le portent à soulager des gens aveuglés sur leurs propres intérêts.

Les canadiens par leur conduite se montrent indignes des offres avantageuses qu’il leur faisoit. C’est pourquoy il a donné ordres au commandant de ses troupes légères et autres officiers de s’avancer dans le pays pour y saisir et emmener les habitants et leurs troupeaux et y détruire et renverser ce qu’ils jugeront à propos. Au reste comme il se trouve faché d’en venir aux barbares extrémités dont les canadiens et les Indiens leurs alliés lui montrent l’exemple, il se propose de différer jusqu’au 10 d’Aoust prochain à décider du sort des prisonniers qui pourront estre faits, envers lesquels il usera de représailles à moins que pendant cet intervalle, les canadiens ne viennent se soumettre aux termes qu’il leur a proposé dans son placard et, par leur soumission, toucher sa clémence et le porter à la douceur.

Donné à Saint Henry le 25 juillet 1759.

Signé: JOSEPH DALLING,

Major des troupes légères.

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Samedy 11 d’Aoust – Beau tems. Les travaux qui jusques à présent avoient été par corvées sont devenus pour le corps entier. On battit la générale au point du jour et tout ce qui n’étoit pas de service travailla à l’exception des canadiens dont ils travaillent 600 environ chaque jour.

Nous eumes des nouvelles de Québec. Cy jointes.

Nouvelles arrivées à notre camp le 11 Aoust

Suite du journal du 2 aoust 1759 :

Nous avons eu aujourd’hui une trève de 6 heures à l’occasion d’une lettre que le capitne Ecossois a demandé de faire passer au général Wolf.

Le 3 – Le feu de la Pointe de Lévy a été plus vif cette nuit que les précédentes. Les ennemis ont jetté plus de 100 bombes.

Le 4 – Le feu a été encore plus considérable cette nuit. La ville a reçu au moins 150 bombes et beaucoup de pots à feu qui n’ont eu aucun progrès.

Un parlementaire a apporté la réponse de la lettre du Capne Ecossois et s’en est retourné.

Il nous est arrivé 5 déserteurs soldats du Régiment de Royal Ameriquain. Ils étoient dans un des vaisseaux mouillés à Sillery. Ils ne sont pas instruits, n’ayant pas encore mis pied à terre.

Ils prétendent que les ennemis n’ont que 6 mille hommes de bonnes troupes. Le reste étant de la racaille qu’ils ont fourni de toutes sortes de gens qu’ils ont forcé à entrer à leur service. Ils ajoutent que leurs vaisseaux attendent une nuit favorable pour se rejoindre à leurs escadres.

Le 5, le feu de l’ennemi n’a pas été aussi vif cette nuit que les précédentes. Il tire régulièrement et presque continuellement. Il ne cesse que par petite intervale. Dans l’après midy les généraux sont en correspondance depuis 15 jours pour l’exécution du cartel sur l’échange des prisonniers. Le général Wolf ne veut point entendre, prétendant que nous engageons et payons les sauvages pour commettre des cruautés; qu’ainsi, la guerre se continuera de la façon que Mr le général en a fait choix. Il entend l’exercice de cruauté, qu’il garde les prisonniers et prisonnières qui sont en son pouvoir pour être à même dusé de représailles et faire justice à sa patrie.

Mr le général se décharge de l’inexécution du cartel, au surplus, il renvoïe à l’égard des prétendües cruautés des sauvages au fait également exercées envers nous par ceux attachés à Sa Majesté britannique et notamment à la proclamation du gouverneur Serleik qui avoit mis à prix la tête des françois dans la dernière guerre. La lettre de Mr le général qu’on envoie à bord de l’amiral nous procure une trève de 6 heures.

Le 6. – Bombardement et canonnade continuelle et ordinaire. Un déserteur venu du Sault rapporte que les ennemis ont eu 3 à 400 hommes tués ou blessés à l’afaire du 31 juillet, tous grenadiers, que le général Wolf avoit demandé aux troupes cy elles reprendroient volontiers leur revange, qu’elles avoient témoigné y être très portées, que cette seconde attaque devoit se faire par les quai sur le haut du Sault et sur un pont qu’on parloit de jetter sur la rivière, que les ennemis se feront précéder par plusieurs pièces de canon et mortier, que pendant cette attaque, 4 bâtiments de transport portant des canons viendront s’échouer auprès de ceux brulés et tireront continuellement, qu’ils doivent faire habiller en soldats 2000 matelots qu’ils tiendront dans des berges au large pour faire croire que ce sont des grenadiers. Suivant le dénombrement qu’il fait des troupes réglées et des Royer (Rogers) [Note de Loup K. ; la parenthèse «(Rogers)» fait partie de l’édition de 1930] le total est de 7220 hommes. Un batiment de Louisbourg en dernier lieu a annoncé qu’ils n’ont point de secours à attendre de cette place, que les françois ont descendu en Irlande, mais qu’ils ont été repoussés, que le roy d’Angleterre demande la paix ou une suspension d’armes, que les anglois construisent des cazernes et fortifications à l’Isle aux Coudres où il parle de faire hiverner 6000 hommes. Nous ne donnons pas dans tous les articles de ce rapport. On a vu passer devant Québec la nuit dernière des berges; on n’est point d’accord sur le nombre et on vient de rapporter du Cap Rouge en avoir vu une soixantaine. On attend la première nouvelle des desseins de l’ennemi pour porter secours où il sera nécessaire.

Dimanche 12 d’Aoust – Il venta épouvantablement toute la nuit dernière et ce jour avec beaucoup de pluye.

Il nous arriva des nouvelles de Québec.

Nouvelles arrivées à notre camp le 12 Aoust

du 9 Aoust

Au moment que je vous écris, toutte la basse ville de Québec brûle, le feu qui y a pris ce matin vers une heure en deux endroits, n’ayant pu être arrêté par rapport à la violence de celuy des batteries angloises, dès la naissance de l’incendie, a fait tant de progrès que je doute qu’il échape une seule maison. Il est vrai qu’on avoit fait depuis longtemps le sacrifice de cette basse ville et que cet évènement aura par conséquent fait moins d’impression et aura pour ainsi dire été regardé avec indifférence.

Depuis quelques jours, les anglais ont envoyé des troupes à bord de leurs batimens au dessus de Québec dans la vüe de faire quelques descentes pour ravager nos côtes et avoir des nouvelles du général Hamers (Amherst) [ Note Loup K. : la parenthèse «(Amherst)» fait partie de l’édition de 1930]. Heureusement notre attention à jetter des forces dans cette partie a fait échoüer l’ennemi dans deux tentatives qu’il fit hier, la première au dessus de la pointe aux trembles à un terrein ras, sans arbres ni brouissailles.

Mr de Bourguainville avoit fait ses dispositions lorsque 100 Ecossois débarquèrent et fusillèrent nos gens. Les écossois furent bientôt suivis de tout le reste, ce qui pouvoit former un corps de 1000 à 1200 hommes. Ils se rangèrent en bataille et marchèrent à nous. Notre feu qui jusqu’alors avait été modéré, fut très vif et obligea l’ennemi de plier et de se rembarquer. Mr de Bourgainville le fit suivre et fusiller tant qu’ils se trouvèrent à portée. Cette descente étoit soutenue de l’artillery des vaisseaux qui nous battoit de front et en écharpe. Malgré cela nous n’eumes que deux ou trois blessés.

La seconde se passa plus bas. Les Anglois dans 27 berges voulurent essayer de nouveaux à débarquer. Mr de Bourgainville qui les avoit exactement suivis s’y trouva et attendit les berges jusqu’à demie portée de fusil et leur fit faire de si vigoureuses décharges qu’ils se replièrent de suite avec une perte considérable.

Nous ne pouvons sçavoir la perte de l’ennemy au juste, mais il est certain qu’il a beaucoup perdu. Nous continuons à l’observer et s’il tente de nouveau à descendre il luy en cuira.

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Lundy 13 d’Aoust – Mr de Langy parti le 7 arriva hier au soir tout tard, il ne pût faire de prisonniers.

Les anglois sont campés à St Frédéric et ont toutes leurs berges et autres voitures depuis le moulin jusques au bout de la Pointe aux Sables. Ils luy ont paru travailler à un retranchement sur le Rocher.

Ils ont démoli touttes les maisons de l’autre côté de la rivière pour en avoir les planches.

Beau tems tout le jour. On poussa les travaux vivement. Mr de la Colombière eut ordre de se rendre à Montréal aux ordres de Mr le Chevalier de Lévis.

Je reçus des lettres de Mde Péan.

Il partit un officier de milice avec 7 miliciens en parlementaire pour le camp ennemi.

Je fis donner les vivres aux 4 premières brigades.

Mardy 14 d’Aoust – Beau tems. Mr de la Corne ainé arriva avec six à 7 gentilshommes de Boucherville. Il nous amena 7 à 8 miliciens.

Rien de nouveau, je fis donner les vivres aux 4 dernières brigades.

Mercredy 15 – Rien de nouveau, il plut peu ce jour.

Jeudy 16 – M. Volf fut détaché avec 150 miliciens pour ramener des bateaux à St Jean. Il plut le soir beaucoup et pendant la nuit.

Départ de Mr Outlas pour la découverte.

Vendredy 17 – J’appris ce matin l’arrivée de notre parlementaire hier au soir. Il a été jusques à la pte à la peur [pointe à la peur] où il y avoit une garde. Il luy a paru un camp à la pte Montréal. Le camp de Frédéric luy a paru considérable, il étoit trop loing pour distinguer les objets et les Berges. Il a vu une gabare portant canon; les anglois luy ont dit qu’ils en avoient fait le portage.

Les nouvelles de Québec sont que 500 canadiens et quelques sauvages ont traversé le Sault Montmorency le 11 pour attaquer des travailleurs. Ils n’avoient ordre que de faire une fusillade et se retirer sur le champ. Mais nos canadiens y prirent goût et tirèrent pied à Bout malgré les divers détachemens de l’armée angloise qui venoient soutenir les 1ers attaqués; ils se retirèrent lorsque le 4e détachement parut qui se faisoit précéder de quelques pièces de canon. On estime la perte des ennemis à 300 hommes. Nous y avons eu un canadien prisonnier et blessez et 10 à 12 autres blessés.

Que le 12 les Anglois tentèrent de passer 4 vaisseaux au dessus de la ville, mais notre canon les obligea de retourner mouiller à l’endroit d’où ils étoient partis, un bateau passa, mais nos chaloupes carcassières le firent jeter à la côte. Que les anglois ont un camp à Saint Antoine que Mr Bougainville a jugé inattaquable après l’avoir reconnu.

Je fis par ordre du général un détachement de 120 miliciens voyageurs pour les rapides, ils partirent à 7 heures du matin pour St Jean.

Les 4 premières brigades prirent les vivres pour 4 jours. Beau temps.

Samedy 18 d’Aoust – Hier on disoit que les Anglois n’avoient perdu que 130 ou 40 hommes. On dit aujourd’hui 300. Il arriva le soir un courrier qui ne dit rien de nouveau.

Dimanche 19 – Rien de nouveau.

Lundy 20 – Rien de nouveau.

Mardy 21 – Il plut la nuit et dans la matinée, je fis donner les vivres aux 4 premières brigades.

Il nous arriva l’après diner 121 miliciens du gouvernement de Québec que conduisoit Mr de Boucherville.

Il arriva aussi trois déserteurs anglois dans une berge bien équipée. Ils arrivèrent à 6 ou 7 heures du soir.

Mercredy 22 d’Aoust – Je n’ai pu scavoir rien de juste de la déposition des prisonniers. On m’a dit qu’ils rapportèrent que les anglois doivent venir nous attaquer sous quinze jours; qu’ils rétablissent à présent le fort de Carillon et St Frédéric, qu’ils font Carillon plus grand, un entrepot au Portage et de bons retranchemens à St Frédéric où toute leur armée travaille vivement; qu’ils ont construit une espèce de barque qui porte dix-huit canons et qu’ils en auront trois dans ce goût. Un des trois déserteurs dit qu’il étoit parti ces jours derniers 1 officier et 10 sauvages pour porter des lettres à Québec au général Wolf; un autre que ce détachement venoit seulement dans cette partie de l’Ile aux Noix pour tacher de nous faire quelques prisonniers.

Départ de Mr Langy pour la découverte ce matin. Je ne sçais s’il ira jusques à St Frédéric ou seulement aux environs pour éclairer la marche du party ennemi annoncée par les déserteurs. Ils disent aussi que les françois ont fait une descente en Irlande qui leur a réussi; qu’ils ont des espèces de cajeux ou pontons qui portent 4 pièces de canon de 24, d’autres disent de 12.

Jeudy 23 d’Aoust – Retour de Mr Langy sur les 5 heures du soir. Il a été jusques à la rivière Chassié où il a traqué les bois sans y voir le moindre vestige du party ennemi. Il traversa ensuite au Sud où il a fait la même chose et n’a rien vu pareillement.

Vendredy 24 d’Aoust – Il nous arriva un courrier et des nouvelles de Québec. Des lettres marquent que les anglois paroissent se disposer au retour; qu’ils brûlent et désolent toutes nos campagnes, qu’ils brulent aussi leurs retranchemens de la pointe de Lévy, Ile d’Orléans et Sault Montmorency, que 26 de leurs plus gros vaisseaux ont filé pour la Camouraska. Ces nouvelles sont données par des déserteurs qui arrivent tous les jours à notre camp. Ils ajoutent qu’il est arrivé un petit batiment de Londres qui disoit que nous avions fait une descente en Irlande et qu’elle avoit réussi; que nous étions maitres d’Hanovre, que la Reine d’Hongrye avoit recouvré la Silésie et qu’elle étoit maitresse de Breslau; que Dom Carlos aïant refusé l’exécution du traité d’Aix la Chapelle au sujet de l’abandon des royaumes de Naples et Sicile à Dom Philippe au cas que le Roy d’Espagne vint à mourir, la Cour de Versailles et celle de Vienne ont proposé à la nation espagnole de prendre pour Roy Dom Louis, 3me frère de Dom Carlos, ce qui a été exécuté. Dom Carlos pour faire changer cette nomination a imploré le secours d’Angleterre et celuy du Roy de Sardaigne. On pense que les Etats généraux soutiendront le party de Dom Louis pour contrecarrer les anglois dont ils ne sont pas contents. Ils disent encore que les françois ont 28 vaisseaux au bas de la Rivière. Toutes ces nouvelles demandent une grande confirmation.

On marque à quelqu’un que 60 canadiens indignés des ravages que font les Anglois à St Antoine et paroisses voisines ont traversé la rivière sans en avoir l’ordre et leur ont attaqué quelques détachemens dont ils ont tué 30 hommes.

Samedy 25 d’Aoust – Rien de nouveau.

Dimanche 26 – Il arriva deux ou trois sauvages du party de Mr Outlas partis le 16. Ils dirent qu’après avoir fait deux prisonniers entre la pointe de Montréal et la pointe à la Peur, ils revinrent à leur canot qu’ils avaient laissé à quelques lieues plus bas, ils y trouvèrent des Anglois et des sauvages qui les fusillèrent et leur tuèrent un homme. Ils gagnèrent les bois et se sont dispersés.

Lundy 27 – Départ de Mr Langy avec dix à douze canadiens et 100 Sauvages environ pour la guerre. Mr Outlas arriva vers midy avec deux ou trois sauvages de son party. Il avait laissé le reste en arrière avec un des deux prisonniers; l’autre s’est sauvé.

Mardy 28 – Il plut cette nuit. Le reste du party de Mr Outlas arriva avec le prisonnier. Ils n’ont perdu qu’un seul homme tué dont j’ai parlé le 26.

Mr de La Verandrie partit avec quelques canadiens et 80 sauvages environ.

Le prisonnier arrivé ce jour dit que l’armée angloise campée à Frédéric n’est que de 5 à 6 mil hommes au plus; que les troupes provinciales doivent bientôt se retirer, qu’on leur a donné une certaine quantité de pièces de bois à faire et à transporter et qu’ensuite on leur a promis de les renvoyer en sorte qu’ils travaillent jour et nuit. Mr Volf partit pour le moulin Foucault avec sa compagnie de volontaires.

Mercredy 29 – Mr de Bourlamaque eut avis hier au soir que les sauvages de Mr de La Verandrie avaient arrêté un anglois vis à vis le moulin Foucault.

Mr La Verandrie luy envoya même un espèce de plan du lac Champlain que cet anglais avoit crayonné. Il le fit aussi avertir que cet anglois luy avoit dit qu’ils étoient partis deux berges ensemble, qu’une les avoit laissé, qu’il ne scait si elle est retournée et que les hommes qui étaient dans la sienne où il y avait 2 officiers, étoient partis par les terres, guidés par un sauvage pour aller faire quelques prisonniers vers la prairie. Que tous les sauvages étoient à la poursuite de ces gens-là. Mr de Bourlamaque envoya dans la nuit informer à la Prairie et à Chambly pour qu’on se tint sur ses gardes.

Sur les 6 heures du soir, Mr Lavérandrie arriva avec deux prisonniers et 2 chevelures. Un de ces prisonniers est officier du corps de Roger, il y a aussi eu 1 officier de tué. Trois se sont sauvés avec le sauvage qui les conduisait; nous y avons perdu un Iroquois. Volf poursuit au sud avec les Abénaquis au cas que l’autre berge ait pris cette route.

L’anglais arrêté par les sauvages près de la berge arriva sur les 3 heures après diner. Il dit que l’armée est de 20 mil hommes depuis le fort Edouard jusques à St Frédéric. Qu’on y travaille beaucoup, qu’on fait un chemin de Carillon à Frédéric. Qu’on pense au camp que Québec est pris ou le sera bientôt, qu’il ne sçait ce qu’est devenu l’armée du lac Ontario, mais qu’il a oui dire qu’elle devait descendre le fleuve St Laurent sans en être certain; que le général Brodon (?) [Note de Loup K. : ce point d’interrogation entre parenthèses «(?)» fait partie de l’édition de 1930] a été tué à une petite affaire à Chouaguen, celle de Mr de la Corne sans doute. Qu’il croit que les anglois viendront nous attaquer icy, que plusieurs disent que nous sommes beaucoup de monde, d’autres que nous sommes peu et que le fort est à Québec. C’est tout ce que j’ai pu sçavoir.

Jeudy 30 d’Aoust – Mr de Langy resté en arrière avec des Iroquois pour amener un Iroquois, blessé à Mortrecourt ce jour, avec le reste de son party.

Un détachement de canadiens partis ce matin pour aller chercher de la pierre arriva l’après midy avec un prisonnier anglois qui s’étoit caché lorsqu’on prit celuy qui étoit auprès de la berge. Il se rendit de luy-même.

Mr Volf rentra sans avoir pu découvrir ce qu’était devenue la seconde berge; les Abenaquis n’ont rien découvert non plus.

Trois soldats de la marine manquèrent au camp ce jour, on ne s’en aperçut qu’à midy, ils étaient à l’appel du matin. Il y a apparence qu’ils ont été pris, car ils ont laissé leurs fusils et tout leur équipage, et sont partis sans vivres et nud pieds. Ils étaient allés à la pêche.

Vendredy 31 – Les soldats qui manquoient hier à midy ne sont pas rentrés le soir. On espéroit à l’appel du soir qu’ils rentreroient dans la nuit parcequ’ils étoient allés à la pêche sans permission; le 31 matin, on chercha si on trouverait leur bateau. On le trouva en effet au dessus de la rivière du Sud, fort près du camp. Il y avoit trois rames dans le bateau et une ligne à pescher à terre auprès du bateau qui avait mis à la côte du Sud. Nouvel indice qu’ils avoient été pris.

Un party sauvage des pays d’en hault partit l’après diner. Il doit faire de nouveaux efforts pour tâcher de joindre la berge en question. Les volontaires de Volf partirent aussi. Il plut toute l’après diner.

Samedy 1er Septembre – Le tems fut à la pluye tout le jour, nos travaux furent languissants. Il arriva des nouvelles de Québec. Les déserteurs qui arrivent à notre camp de Beauport confirment toujours que les anglois se disposent au départ. Cependant, le 27 au soir, il passa au dessus de Québec 5 nouvelles frégates ou Senaux. On ignoroit les vues de l’ennemi, et on paroit moins se flatter du prochain départ de l’ennemi.

Rien n’a transpiré encore de ce que pouvoit contenir les papiers dont les anglois et les sauvages pris dernièrement à St François étoient porteurs. Je ne me rappelle pas le jour que nous avons appris cette nouvelle icy, je ne l’ai pas marqué dans son tems.

Dimanche 2 Septembre – Le tems assés beau. Rien de nouveau.

Lundy 3 – Départ de Mr Langy-Montegron avec vingt canadiens environ et quelques sauvages pour aller à la découverte.

Mardy 4 – De la pluye tout le jour. Rien de nouveau d’ailleurs.

Mercredy 5 – Rien de nouveau, beautems.

Jeudy 6 – Nous recûmes des nouvelles de Québec qui nous apprennent que les anglois ont levé leur camp du Sault Montmorency. La déposition du déserteur anglois du 26 Aoust annonce leur départ; mais les vaisseaux qu’ils ont fait passer au dessus de Québec rend cette retraite douteuse. Par les nouvelles de ce jour, ils avoient 17 vaisseaux au dessus de Québec, quelques lettres disent 19. Nous avons perdu une frégate de 26 canons sur la pointe des Grondines.

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Arrivé à notre camp le 6 Septbre 1759

De par Son Excellence Jeffery Amherst, Major général et commandant en chef de toutes les forces de Sa Majesté dans l’Amérique Septentrionale, etc., etc., etc.

No 1 – Instructions pour le Cape Quinson Kennedy, du 17e Regiment

Aussitot les présentes reçues et, ainsi que vous en avez déjà reçu mes ordres, vous partirez pour vous rendre aux villages des sauvages de l’Est et lorsque vous serez arrivé, vous demanderez à parler aux chefs, à qui vous direz de ma part que je suis en marche avec mon armée pour me rendre en Canada, dans le dessein de réduire ce pays sous l’obéissance de Sa Majesté, mais que pour marquer les bonnes dispositions où je suis pour ces sauvages, et avant que j’entre dans leurs habitations, je vous envoye vers eux pour leur offrir mon amitié aux conditions qu’ils demeureront neutres, et qu’ils ne se joindront point avec aucun des ennemis de Sa Majesté ni ne se mêleront dans aucun acte d’hostilité contre son armée ou contre aucun de ses sujets, dans lequel cas, comme je ne suis pas venu avec les intentions de les déposséder ny de les incommoder, je protègerai et deffendrai leurs personnes et leurs biens, et je leur en assurerai la paisible possession, que je ne demande ni leurs secours, ni leur assistance dont je n’ai nul besoin. L’armée qui est sous mes ordres étant plus que suffisamment forte pour réduire non seulement les françois, mais les sauvages même s’ils n’acceptoient pas mon amitié que je leur offre actuellement; vous insisterez donc pour qu’ils vous donnent une réponse immédiate; et je ne doute pas qu’ils ne consultent leurs intérêts et qu’ils n’acceptent avec joye et avec sincérité les propositions d’amitié que vous leur fairés de ma part. Lorsque vous aurez reçu leurs réponses vous irez rejoindre le major général Wolf à Québec et vous lui direz que je lui ordonne de regarder ces sauvages de l’Est comme nos amis et nos alliez, et qu’il aye soin que les engagements que j’aurai pris avec eux soient ponctuellement exécutés après quoi vous reviendrez auprès de moi sans délay me rendre compte de la négociation que je vous ai confiée.

Donné au camp à la pointe à la chevelure le 8 aoûst 1759.

Signé:  JEFF.  AMHERST.

Contresigné:  J. APPY

No 2 – Lettre de David Belfond au commissaire Député à l’armée du général Wolff

De la pointe à la chevelure, le 8 août 1759.

Mr Read a été envoyé au fort Duquesne, et Wogrinthon est resté au fort Edouard.

Il le renvoye au Cape Kennedy pour avoir des détails particuliers, dit qu’il ne veut pas luy rien marquer de conséquence au sujet de la force de l’armée, de crainte que sa lettre ne tombe entre les mains de l’ennemi, qu’il espère d’avoir bien tôt le plaisir de déboucher avec lui une excellente bouteille de vin François en Canada.

No 3 – Lettre de Paul Ricaut au Lieutt Colon Hale, 47e Regiment

De la Pointe à la Chevelure le 8 Août.

Il le remet au Cape Kennedy qui lui faira le détail de leur succès.

Il ne doute pas que ce Cape ne le trouve en paisible possession de la ville de Québec, dit que l’armée à la Pointe est dans de grandes dispositions de bien faire et qu’elle a un train d’artillerie considérable, et une flotte suffisante pour chasser les françois du peu de terrain qui lui reste en Canada. Nos armes, dit-il, ont eu des succès de tout côté. Niagara est à nous et les sauvages ne seront plus amis des françois, il espère avoir bientôt le plaisir de le voir à Montréal.

No 4 – Lettre de Willkins au Lt Col. Barré

Frédéric le 8 août 1759.

Qu’il sera bien informé de leurs démarches et qu’en conséquence il ne lui marquera rien de particulier.

Dit que l’ennemi leur a abandonné des lignes qui étoient fortes, estime l’armée françoise de 2 à 3 mil, qu’ils se sont servis de ces lignes, éloignées de mil toises du fort, pour se couvrir et pour travailler; que les batteries qu’ils avoient fait, avoit fait juger à l’ennemi qu’il ne pouvoit tenir et le détermina à l’evacquer, qu’ils ont trouvé dans ce fort 21 pièces de canon et quelques mortiers, qu’il auroit été effectivement fort malhonnête de tout détruire………… [ces pointillés figurent dans l’édition de 1930] que le Colonel Townsend a été tué, qu’ils ont eu 16 hommes tués et 50 blessés. Il y a longtems que nous sommes convaincus, dit-il, que l’ennemi nous fairoit des grâces, et nous attendons encore d’eux de nouvelles faveurs et que cette place qui est fort belle restera à nous pour toujours, nous les recevrons, témoin Niagara, mais laissons-les s’occuper de l’avenir.

Il dit que le fort de Carillon est actuellement tenable.

No 5 – Rien

No 6 – Au Cape William, Ingénieur

Il le remet à lui dire tout plein de nouvelles après la campagne.

No 7 – Lettre de Mr Moriss, au Cape Leland de la Pointe.

Le 8 aoûst 1759.

Il avoue avoir perdu sa gageure, il voit que contre ses conséquences politiques, les françois ont voulu courir les hazards de la guerre. Cette campagne, cependant l’évènement, comme je l’ai souvent dit, ajoute-t-il, entraînera la perte de tout le Canada.

Nos succès, jusqu’ici, ont répondu à nos attentes; l’armée du général Amerst est en possession de Carillon et de la pointe; celle du général Prideaux a pris Niagara et 600 prisonniers françois, après avoir battu un corps de 1500 hommes dont la perte en morts et blessez, est très considérable. Il ne s’est pas échappé un seul officier de remarque.

Le Capne Kennedy ou Hamilton vous dira les particularités qui nous concernent et si, dans une entreprise aussi extraordinaire, ils ont le bonheur de vous joindre, ils réclameront vos bons offices.

Il compte le voir à Montréal.

No 8 – Lettre de Paul Ricaux, au Capne Smelt, de la pointe

Le 18 août 1759.

Il se flatte que sa lettre le trouvera en paisible possession de Québec. Le porteur lui fera un détail de leur succez. Il dit qu’ils ont une grande armée encouragée par leur victoire et il se flatte de le voir bientôt et le reste de ses amis à Montréal.

No 9 – Lettre de Jos. Knight au Cape Edw. Smith, 58e Regt de la Pointe

8 Aoust

Le Cape Prescot a été envoyé en Europe pour porter la nouvelle de la prise de Niagara.

Il dit que sa lettre passera avec un officier de Son Régiment qui, avec un autre officier et quelques sauvages, entreprennent d’aller à Québec par terre.

Qu’il lui écrira par Boston, ne voulant hazarder aucune nouvelle, ni raisonnements politiques par cette voye, de crainte que ces lettres ne tombent entre les mains des ennemis.

Il parle de la prudence, du sens froid, et de la précaution avec laquelle se conduit le général Amerst.

No 10 – Commission de Cape dans le 17e Régiment. Col. Forbes et Quinson Kennedy, par le général Amerst

Commission de Lieutenant dans Royal américain; Lieut. général St Clair, Colonel à Archebalde Hamilton, par le général Loudon.

No 11 – Lettre de G. West au Cape Edward Smith

8 Aoust 1759.

Je ne peux laisser partir le Cape Kennedy sans vous écrire, c’est plus que vous ne méritez, vous qui ne m’avez pas écrit depuis longtems.

Vous serez charmé d’apprendre que nous sommes en possession de ce fort qui a fait tant de bruit dans le monde.

Nous nous sommes mis sur le lac Georges le 21e juillet et nous avons pris terre le lendemain matin sans opposition.

Le lendemain, nous investîmes Carillon et prîmes possession des lignes que nous attaquâmes l’année dernière. Elles nous ont été très utiles pour mettre notre armée à l’abri du canon; elles sont environ à mil toises du fort.

L’armée entière a campé tout au tour et vous pouvez vous imaginer que nous avons vivement travaillé le jour et la nuit. Le même soir nous aurions eu deux batteries d’établies (c’étoit le 27), si l’ennemi ne nous eut épargné la peine en évacquant le fort pendant la nuit et faisant sauter une partie du fort.

Nous y avons trouvé 20 hommes que l’empressement de s’en aller lui avoit fait laisser; Mr de Bourlamaque qui y commandoit, selon moi s’est très mal comporté. II avoit d’abord près de 3 mil hommes avec lui, et s’il avoit deffendu ces lignes, il nous auroit sûrement arrêté très long tems, et nous auroit fait perdre beaucoup de monde, nous n’avons eu que 10 hommes tués ou blessés par le Boulet; ce fort quoique petit auroit pu faire en peu une place très forte. Elle est cependant commandée; les françois ont fait des travaux et des dépenses immenses pour le construire; l’armée a campé dans les lignes jusqu’au 4 août et a employé ce temps à rassembler les bateaux sur le lac Champlain, nous nous imaginions tous que les françois s’arrêteroient icy, mais contre notre attente, ils ont fait sauter le fort le per de ce mois et nous supposons qu’ils sont allés à St Jean (à 33 lieuës d’icy) où nous pensons qu’ils se fixeront et nous attendons presentement savoir si nous irons ou non, c’est ce que je ne saurois vous dire, mais je crois que cela dépend de vos succès.

Le fort de Niagara est pris malgré la perte du pauvre Pridaux, qui se promenoit pendant la nuit sur le front de nos batteries, lorsqu’un canonier qui ne le voyait pas, mit le feu à un aubusier. L’éclat de la bombe vint le frapper à la tête.

Arrivé à notre camp le 6 7bre 1759

26 Août 1759.

William Quair, Sergent dans le Régiment d’Olivay (Ottway), déclare : qu’il y a cinq régimens au camp du Sault :

Le Régiment Olivay (Ottway)………………………………….. 760

LesseIIes (Lascelles)………………………………………………400

Bragges (Bragg)……………………………………………………..470

Anstruther………………………………………………………………400

2e Bon Royal amérikain …………………………………………….500

Rangers ………………………………………………………………..200

Montagnards Ecossois au Sault depuis 4 jours………….. 250

Marine………………………………………………………………….. 150

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3130

Artillerie au Sault, 5 ou 6 canons de 24. 11 canons de 12. 7 canons de 6. 1 mortier. Environ 9 aubuses et petits mortiers à grenades.

Dit qu’on transporte 8 pièces de canon de 24 qu’on avoit embarqué à bord des vaisseaux et on emporte journellement toutes les bombes et boulets, qu’on se prépare de renvoyer aussi tous les canons qui restent au Sault. Et il croit qu’ils décamperont de là dans trois jours.

Le général Murray qui étoit au dessus de Québec est descendu aujourd’hui et rentré au camp du Sault, dit que les troupes sont aussi descendues à une lieue et un tiers de la pointe de Levice, croit que les vaisseaux qui sont au dessus de Québec passeront ce soir ou demain au soir au plus tard.

Dit qu’on avoit eu les nouvelles que nous avions évacqué Ticonderoga, qu’on n’a pas cependant aucune espérance de réussir icy et comme ils avoient les nouvelles de Ticonderoga au mois de juillet, il croit que ce n’étoit que pour encourager l’armée. Il croit qu’avant leur départ, les vaisseaux s’embosseront contre la ville sans que les troupes fassent de tentatives.

Qu’on n’a pas assez de berges et batteaux pour embarquer toute l’armée à la fois, il croit qu’il peut y en avoir 200.

N’a pas autre connaissance de l’escadre françoise que par une gazette de Boston qui marquoit qu’ils avoient fait une descente en Irlande, mais qu’ils étoient repoussés. Aucune nouvelle du Roy de Prusse ou des affaires sur le continent.

Il croit qu’ils ont perdu depuis leur arrivée icy, tués et blessés, plus de 1000 hommes; qu’ils ont eu le 31 juillet 365 blessés et 157 tués, il dit qu’il peut y avoir en outre des matelots tués et blessés.

Il croit que le corps des troupes au Sault lorsqu’ils quittent ce camp, iront reprendre leur ancien camp à l’Isle d’Orléans.

Qu’il y a beaucoup de malades, tant blessés que de fièvre et de flux de sang.

La raison pour décamper du Sault : ils croyent d’un moment à autre que nous attaquerons, ils ont des alertes continuelles et la nuit dernière ils ont resté sous les armes, croyant avoir vu dans la journée un mouvement dans notre camp.

Qu’il y a 4 régiments à la pointe de Levice:

Webbs …………………………. 800

Amherst ……………………….. 470

3e Regt Royl Ameriqn ……… 600

Kennedy……………………….. 600

Les montagnards écossois ont toujours campé sur l’Isle Dorléans depuis le 31 juillet, il croit 700 de ce régiment détachés au dessus de Québec et le reste sur l’Isle Dorléans.

Moncton le général, blessé le 31e juillet, il est rétabli.

Il croit que l’armée comptant toutes les troupes réglées ne monte qu’à 6000 hommes, non compris la marine et les …

Il dit que leur dessein de monter au dessus de Québec étoit de nous couper la communication avec Montréal et de bruler moulins à moudre.

Dit qu’il ne croit pas qu’ils resteront assez longtemps pour bruler le bled, puisqu’il faut qu’ils soient mur pour le bruler. Ne croit non plus, malgré qu’on le dit, qu’ils s’établiront sur l’Isle aux Coudres par le nombre de malades qu’ils ont et qu’il en tombe journellement.

Le dernier déserteur qu’ils ont eu il y a 8 jours faisoit monter notre armée à 11,400

Ils craignent d’entrer dans les profondeurs à cause des sauvages.

Depuis 8 ou 10 jours on parle beaucoup d’embosser leurs vaisseaux contre la ville et faire une descente en même tems à la ville.

N’a pas oui dire qu’il y avoit de désunion entre les généraux de mer et de terre.

On disoit au camp que le général Muray qui commandait au dessus de Québec, avoit demandé des renforts à Wolf et qu’il ne vouloit pas lui en donner.

Il croit qu’ils ne resteront icy que 14 jours ou 3 semaines. Croit les gros vaisseaux à la pointe d’Orléans.

A oui dire que tous les gros vaisseaux à trois ponts avoient reçu ordre de se tenir prets à partir pour la vieille Angleterre.

II croit que les vaisseaux des transports qui étoient des fascines, des piquets et 400 bêtes à corne, sont à l’Isle aux Coudres, où il y a beaucoup de charpentiers à travailler.

Il y a 3 semaines qu’il ya eu un paquebot de Boston.

Il ignore si on établit de nouvelles batteries à la pointe de Lévice. Que les sauvages font beaucoup de chevelures vers Alifax.

Avant hier à la 4e Eglise, il y a eu un prêtre et 14 canadiens qui ont été obligés de mettre armes bas et se sont rendus prisonniers, mais qu’on les a tués ne voulant pas faire quartier à ceux qui font comme les sauvages. Il assure le fait d’après son frère qui étoit du détachement.

Le général Wolf est toujours au camp du Sault malade depuis quelques jours, mais seulement de la fièvre.

Depuis quelques jours il ne vient plus de canadiens au camp du Sault comme auparavant.

La maladie et la mortalité qu’il y a principalement parmi les matelots déterminera le prochain départ des anglois.

Il prétend que les bâtimens ont débarqué leur eau et arrimé des vivres pour 2 mois.

A leur départ des gros détachemens marcheront par terre, cotoyés par des berges pour bruler et ravager.

Dit que l’amiral Saunders a dissuadé Mr Wolf d’une seconde attaque et d’un établissement à l’Isle aux Coudres auquel il ne croit pas.

Retour de Mr Langy de sa découverte dans la baye de Missiskoui où il n’a rien aperçu.

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Vendredy 7 Septembre – On fit partir 200 hommes du gouvernement de Québec pour aller faire la récolte à Berthier et à Terrebonne suivant l’ordre qu’en avoit envoyé Mr le Cher de Lévis. Il partit aussi beaucoup de canadiens du gouvernement de Montréal pour le même objet; depuis dix à douze jours il en a défilé beaucoup avec permission de Mr de Bourlamaque.

Mr D’Arrezat, capte au Regnt de la Reine fut député à l’armée angloise pour y porter des lettres de nos généraux. Il avoit quelques soldats de son Régiment et 8 Canadiens.

Samedy 8 Septembre – Il a plu toute la nuit dernière et le jour. Rien de nouveau d’ailleurs.

Dimanche 9 – La pluye toute la nuit et le jour suivant.

Lundy 10 – Le tems moins mauvais, il plut cependant encore un peu ce qui ne nous empêcha pas de travailler par corvée. Mr le Cher de Lévis arriva à notre camp sur les 9 heures et en repartit à trois heures après diner. Nous apprîmes que les Anglois avoient évacué le Sault Montmorency, brulé leurs retranchemens et s’étoient retirés dans le meilleur ordre sans essuyer le moindre mal de notre part.

Ils ont un camp à l’Isle d’Orléans et cinq à la pointe de Lévy où ils ont élevé de nouvelles batteries. Outre les vaisseaux qu’ils avoient déjà au dessus de Québec, ils en ont encore fait passer quatre. Tous sont mouillés vis à vis Sillery au nombre de 20 et quelques.

Les derniers prisonniers faits du côte de Chouaguen disent que les Anglois ne doivent pas nous attaquer cette année aux rapides, ni à l’Ile aux Noix. Mais un courrier dépêché tout récemment de l’Ile aux Galops apprend qu’il est venu chez les sauvages de la Présentation une députation des iroquois des 5 nations pour inviter les premiers à se retirer eux et leurs enfans et ne se pas mesler de la guerre des françois et des anglois. Que ces derniers devoient partir le lendemain d’eux pour venir attaquer les françois et les repousser jusques à Montréal. Ils leur dirent aussi qu’on avoit fait la réjouissance de la prise de Québec depuis six jours et que les anglois devoient être maitres de l’Ile aux Noix. Plusieurs pensent que cette députation n’est qu’un prétexte pour connoistre dans quelle situation nous pouvons être.

Mardy 11 Septembre – Beau tems. Rien de nouveau.

Mercredy 12 – Nous eûmes alerte au camp cette nuit. Un party anglois tenta de mettre le feu à la barque que nous avons dans le chenal du Sud de l’Ile. On tira quelques coups de fusil sans pouvoir tuer deux hommes qui étoient venus à la nage jusques à la barque à laquelle ils avoient déjà attaché une lanterne d’artifice. Ils avoient aussi un baril remply de matières combustibles qu’on trouva sur l’eau, qu’ils n’eurent pas le tems d’attacher. Ils ne mirent le feu ni à l’un ni à l’autre.

On fit partir un détachement au point du jour pour les suivre qui rentra sur les dix heures ayant cependant trouvé la piste de 5 hommes, du lard et du biscuit. Notre détachement revint pour prendre des vivres et retourner sur le champ. Les compies de volontaires marchèrent aussi.

A huit heures du soir, Mr de Bourlamaque fit demander encore 15 canadiens avec des vivres pour deux jours pour aller rejoindre les volontaires. Je ne sçai pour quelle raison.

Retour de Mr Dasserat de son ambassade parti le 7.

Jeudy 13 Septembre – Beau tems. Mr d’Hebecour commandt à St Jean escrit avant midy à Mr Bourlamaque que ses sauvages du Sault St Louis avoient envoyé à son poste pour rappeler cinquante et quelques sauvages qui doivent nous passer et les inviter à se rendre au Sault, pour de là marcher tous aux rapides où les anglois avoient attaqué les françois depuis quatre jours. Il ajoute que les françois ont ordre de s’y rendre de toutes parts et que les habitans des Cèdres, à Châteauguay, ile Perault et Pointe Claire étoient déjà partis.

Mr de Bourlamaque n’a pas reçu de la journée de couriers de Montréal qui luy ait confirmé cette nouvelle.

Il fut détaché 25 miliciens pour St Jean.

Vendredy 14 – Il vint des nouvelles de Montréal. La nouvelle écrite hier par Mr d’Hébecourt ne se trouva pas vraie. On dit que Mr de Ligneris n’est pas pris qu’il est au détroit avec 500 hommes.

Il nous manqua trois soldats ce jour depuis l’appel du matin.

Samedy 15 – Il fit cette nuit un très gros vent. Le tems orageux tout le jour. Il vint des lettres de Québec du 3 de ce mois qui n’aprennent rien de nouveau. Les Anglois sont toujours dans la même position à la pointe de Lévy et nous dans la nôtre.

La goëlette arriva ce matin du Lac qui ne nous apprit rien de nouveau. Elle étoit venue chercher des vivres.

Dimanche 16 – Mr Bourlamaque partit pour la baye de Missiskoui y faire une découverte escorté d’une compagnie de grenadiers, 85 volontaires, 25 soldats de la marine de bonne volonté, 30 miliciens et quelques sauvages; le tout avec des vivres pour 3 jours.

Vingt cinq miliciens du gouvernement de Québec furent détachés pour Saint Jean.

Je reçus des lettres de Québec. Les Anglois sont toujours campés à la pointe de Lévy et font diverses manoeuvres qui font croire qu’ils cherchent à prendre poste au dessus de Québec.

Lundy 17 Septembre – Il plut l’après diner. Mr de Bourlamaque rentra au camp. Il avait passé par le Portage de Missiskoui pour venir tomber dans la rivière du Sud. La majeure partie de son détachement resta à l’Ile de la Mothe.

Comme le vent étoit au Nord-Est, la goëlette appareilla le matin pour aller prendre sa station.

Mardy 18 – Il plut beaucoup cette nuit et à diverses reprises dans la journée on ne put pas travailler. Le détachement de Mr de Bourlamaque rentra le soir. Nous eûmes des nouvelles de Québec indirectes. Les lettres ne furent point publiques, mais les nouvelles du camp parlent d’une affaire générale à Québec et très chaude. Que les anglois ont fait trois attaques l’une à Beauport, l’autre à la Basseville, et la troisième à Sillery; qu’ils ont été repoussés aux deux premières avec une perte considérable, mais que la troisième leur a réussi, quoiqu’ils y aient fait une très grande perte. On dit que la nôtre est très grande aussi, que Mr de Montcalm y a été blessé dangereusement, d’autres le disent mort. Enfin, que nous devions avoir une seconde affaire incessament. D’autres disent que notre armée est retirée à Jacques Cartier.

Mercredy 19 Septembre – Les nouvelles d’hier ne sont point encore devenues publiques. Nous ne scavons encore que celles du camp.

Le temps fût assez beau tout le jour. Il fit un très gros vent du Sud.

Jeudy 20 – La pluye commença à tomber hier à neuf heures du soir et a duré toute la nuit. Il ne plut pas dans la journée.

Mr Langy alla à la découverte à la baye de Missiskoui.

Vendredy 21 – Le tems beau. Mr Sabrevois alla à la découverte à la baye de Missiskoui.

Enfin les nouvelles devinrent publique. Nous scumes que la nuit du 12 au 13 [ Note de Loup K. : septembre 1759 ], les anglois firent par surprise une descente à l’anse du Foulon et voilà comme cela arriva. Deux soldats du Regnt de Lasare désertèrent le 12 sur les 8 ou 9 heures du soir. Ils dirent qu’il devoit passer au descendant 19 bateaux du cap Rouge à la ville, chargé de farine. Wolf là-dessus prit le party de faire devancer à la pointe du descendant ces bateaux de 19 berges où il y avoit 1000 hommes. Quand ils passèrent au 1er poste que commandoit Mr Douglas, on leur cria qui vive. Les Anglois répondirent France. [répartie:] Quel Régiment? les Anglois répondirent : ne faites pas de bruit, ce sont les 19 bateaux chargés de farine qui partent du Cap Rouge, et on les laissa passer. [ Note de Loup K. : le texte en italique fait partie de l’édition de 1930.]

Ils vouloient aller au Foulon où ils scavoient qu’il n’y avoit que 50 hommes à poste fixe, commandés par Verger. Quand ils y furent, ils descendirent. Il y avoit une petite garde qui fut emportée sur le champ et ils montèrent d’autant plus aisément que la cote avoit été mal rompue. Les 1000 hommes en haut firent une décharge sur les tentes de Verger et prirent tout le détachement. Ces hommes montés, tout le reste le fût bientôt et Mr Douglas ne fit pas avertir Mr Bougainville, son commandant, qui étoit au cap Rouge. Il ne l’apprit qu’à 8 heures par un perruquier qui dit que les Anglois remplissoient le chemin de Samos et Sainte Foy.

Mr Montcalm campé à la pointe St Jean (1) [transcription par Loup K. de cette note «(1)» qu’on retrouve en bas de page de l’édition de 1930 et attribuée, par une parenthèse qu’on retrouve en fin de note, au lieutenant Nicolas Renaud : «Cet article faux. M. Montcalm n’étoit pas campé à la pointe- S. Jean; il étoit au camp de Beauport. — (Note de l’auteur du journal)»] avec 5000 hommes environ, informé de la descente, marcha à la maison de Borgia où les anglois s’étoient logés. Il replia ce poste dans l’instant et les suivit l’épée dans les reins. Cette troupe apostée là, peut être avec intention les conduisit à l’armée angloise qui étoit ventre à terre dans le bois. A l’arrivée de l’armée françoise les Anglois tirèrent deux pièces de canon à cartouche et fit une décharge à brulebour. Nous y perdîmes 4 à 500 hommes dont 40 officiers tués et blessés, le Marquis de Montcalm du nombre, mort à Québec peu de tems après. Après un court combat, notre armée se retira dans le plus grand désordre. Les canadiens fusillèrent plus d’une heure après la retraite des troupes et se retirèrent aussi dans le camp de Beauport. On proposa de retourner à la charge, il ne fut pas possible d’y déterminer les troupes. Les canadiens y retournèrent aux ordres de Mr Dumas; mais n’étant pas soutenus, ils furent contraints de faire retraite. II fût décidé ensuite par un conseil de guerre qu’on se retireroit à la rivière Jacques-Cartier où on devoit se retrancher. L’armée partit le 14 pour s’y rendre et le 16 tout y arriva avec la dernière misère; sans équipage, sans vivres et sans souliers. Le camp de Beauport resta tendu.

Les anglois ont perdu 60 officiers et 15 à 18 cens hommes au rapport des déserteurs et prisonniers. Dans ce nombre, le général Wolf et son second Moncton. Ces pertes ont redonné courage à nos troupes et on se détermina à revenir gagner les hauteurs du cap Rouge pour empêcher l’ennemi de pousser le siège de Québec. On craignoit que cette ville n’eut déjà capitulé faute de vivres.

Nous avons appris aujourd’hui qu’on a réussi à y faire passer 60 bateaux chargés de farine et nos affaires, moyennant cela, prennent une meilleure tournure. On paroit disposé à attaquer l’ennemi si on trouve à le faire avec avantage, ou tout au moins de l’empêcher de rien entreprendre sur la ville et le combattre au rembarquement (1) [transcription par Loup K. de cette note «(1)» qu’on retrouve en bas de page de l’édition de 1930 et attribuée, par une parenthèse qu’on retrouve en fin de note, au lieutenant Nicolas Renaud : «Article faux. – (Note de l’auteur du journal)»]

Samedy 22 septembre – Nous eumes aujourd’hui confirmation des nouvelles débitées hier. On y a même ajouté qu’on avoit réussi à faire passer un convoi de 40 charettes de vivres en ville (2) [transcription par Loup K. de cette note «(2)» qu’on retrouve en bas de page de l’édition de 1930 et attribuée, par une parenthèse qu’on retrouve en fin de note, au lieutenant Nicolas Renaud : «Article faux. – (Note de l’auteur du journal)»]

Mrs Langy et Sabrevois rentrèrent de leur découverte. Ils n’ont rien aperçu.

La nouvelle du camp est que les anglois sont bloqués dans le bois de Samos et qu’il n’en paroit pas un qui ne soit fusillé.

Dimanche 23 Septembre – II plut toute la nuit et un peu ce jour. II partit ce matin une découverte aux ordres de Mr La Durantaye qui est rentré ce soir et a trouvé un aviron anglois sur le lac. Cela confirmeroit ce qu’ont dit des sauvages revenant de la chasse qui assurent avoir entendu une berge sur l’eau. Mr Outlas étoit avec eux, mais dormoit pour lors. Ils le réveillèrent, il alla à l’endroit, mais n’entendit rien. II croit cependant qu’ils ne mentent pas parcequ’ils luy parurent fort effrayés.

Lundy 24 – Mrs de Langy, La Durantaye et Outlas partirent avec 40 hommes pour vérifier la nouvelle donnée par les sauvages hier. Il plut la nuit et tant soit peu le jour.

Mardy 25. – Même temps aujourd’hui qu’hier à peu près.

Mr Outlas fut détaché par Mr de Langy pour instruire Mr de Bourlamaque qu’il avoit trouvé 17 berges angloises dans la baye de Missiskoui. Il en a brisé une partie et emmené le reste au portage où il est resté pour les garder. J’eus ordre à neuf heures du soir de détacher 2 officiers de la marine, 50 soldats et 40 miliciens avec des vivres pour cinq jours. Ils doivent partir demain au point du jour.

Il arriva aussi un courrier à Mr de Bourlamaque, j’ignore les nouvelles.

Mercredy 26 – Il partit au point du jour de ce camp 300 hommes environ, avec des vivres pour 5 jours. Tout le détachement est de 330 hommes en y comprenant les officiers et le détachement qu’avoit Mr Langy.

On m’a dit que le courrier arrivé hier n’avoit été dépêché que de Chambly pour quelque chose que Mr de Bourlamaque y avoit demandé et qu’on n’avoit aucune nouvelle de notre armée de Québec.

Jeudy 27 Septembre – Il plut un peu la nuit dernière et ce jour. Mr le Gouverneur de Montréal marque à Mr de Bourlamaque par un courrier qu’il luy a dépêché cette nuit dernière qu’on a arrêté vers la Présentation un officier anglois et neuf hommes qui s’y étoient rendu par la rivière aux Sables en 28 jours. Les instructions de cet officier sont du 27 Aoust, jour de son départ de St Frédéric; elles luy prescrivent d’aller à la Présentation par la rivière aux Sables qu’il devoit remonter en bateau plat tant qu’il la trouveroit navigable et, de là, se rendre par terre. Il devoit ensuite envoyer une partie de son détachement au commandant de Chouaguen, l’instruire de ce qu’il auroit observé et de sa mission particulière, et revenir avec l’autre rendre compte au général de l’armée de Saint-Frédéric, observant s’il seroit possible de faire passer un gros détachement par cette rivière. Un caporal luy déserta et vint instruire les françois de l’endroit où étoit le détachement anglois. On s’y transporta sur le champ et on prit l’officier et le détachement entier. On trouva encore la lettre qu’il écrivoit au commandant de Chouaguen – peu intéressante.

Mr de Bourlamaque eut nouvelle du détachement parti le 26. Il en fit partir un autre de 50 hommes à 9 heures du soir, avec des vivres pour huit jours. Ce détachement porte aux autres une augmentation de vivres.

Vendredy 28 Septembre – Il plut un peu la nuit dernière et ce jour. Nous reçumes l’accablante nouvelle de la reddition de Québec du 18 Septembre. Cette nouvelle est générale dans le camp et paroit certaine. Elle y a été tenue secrète pendant plusieurs jours et Mr de Bourlamaque a fait aujourd’hui comme s’il l’apprenoit. On ne dit aucune circonstance; seulement que Mr de Lusignan fils est venu à Montréal sur sa parole, que Mr Dobrespy (d’Aubrespy), capitaine de Bearn a mandé sa femme à Montréal sitôt la lettre reçue pour passer en France et qu’on a accordé quatre de nos vaisseaux français pour passer la garnison de Québec en France.

La ville s’est rendue faute de vivres, dit-on, et ne vivoit depuis trois jours que d’un reste de farine détrempé dans de l’eau. On ne scait rien de notre armée; les uns pensent que la colonie ne capitulera pas, d’autres attendent la capitulation générale à tout instant.

Samedy 29 – Il plut un peu la nuit dernière et ce jour. Rien de nouveau d’ailleurs.

Dimanche 30 – Nous eûmes la confirmation de la reddition de Québec et sa capitulation cy-jointe. Notre armée de Québec apprit cette facheuse nouvelle à Saint-Augustin et se retira à Jacques Quartier – Beau tems.

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[ Capitulation de la ville de Québec, dans la forme telle que présentée, et insérée, ici, dans le journal de des Méloizes; la colonne de droite décrit, point par point, les demandes de Mr de Ramezay, le Commandant français de la ville de Québec; la colonne de gauche décrit, point par point, ce qui est accordé par le général anglais Townshend : ]

Capitulation [de la ville de Québec] accordée par Son Excellence Mr le général Townshend, brigadier des Armées de Sa Majesté britannique de la manière et aux conditions exprimées cy-dessous.

Articles de la capitulation [de la ville de Québec] demandée par Mr de Ramezay, Lieutenant pour le Roy, Commandant la haute et basse ville de Québec, Cher de l’Ordre militaire de St-Louis, à Son Excellence Mr le général des troupes de Sa Majesté britannique.

I

La garnison de la ville composée de troupes de terre, de marine, et matelots sortira de la ville avec armes et bagages, tambour battant, mèche allumée, avec deux pièces de canon de France et 12 coups à tirer pour chaque pièce et sera embarquée le plus commodément qu’il sera possible pour estre mise en France au 1er port.

I

Mr de Ramezay demande les honneurs de la guerre pour la garnison et qu’elle soit emmenée à l’armée en sureté par le chemin le plus court avec armes et bagages, six pièces de canon de fonte, deux mortiers ou aubusiers et 12 coups à tirer par pièce.

II

Accordé.

II

Que les habitans soient conservés dans la possession de leurs maisons, biens, effets et privilèges.

III

[ vide ]

III

Que les dits habitans ne pourront être recherchés pour avoir porté les armes à la défense de la ville, attendu qu’ils y ont été forcés et que les habitans des colonies des deux couronnes y servent également comme milices.

IV

Accordé.

IV

Qu’il ne sera point touché aux effets des officiers et habitans absents.

V

Accordé.

V

Que les dits habitans ne seront point transférés, ni tenus de quitter leurs maisons jusqu’à ce qu’un traité définitif entre Sa Majesté t. c. et Sa Majesté B. ait réglé leur état.

VI

Libre exercice de la religion romaine.

Sauvegardes accordées à toute personne religieuse ainsi qu’à Mr l’Evêque qui pourra venir exercer librement et avec décence les fonctions de son état lorsqu’il le jugera à propos jusqu’à ce que la possession du Canada ait été décidée entre Sa Majesté britannique et Sa Majesté très chrétienne.

VI

Que l’exercice de la religion catholique

apostolique et romaine sera conservée; que l’on donnera des sauvegardes aux maisons des ecclesiastiques, religieux et religieuses, particulièrement à Mgr l’Evesque de Québec qui, rempli de zèle pour la religion et de charité pour le peuple de son diocèse, désire y rester constamment et exercer librement et avec la décence que son état et les Sacrés mystères de la religion romaine exigent, son autorité épiscopale dans la ville de Québec lorsqu’il le jugera à propos jusqu’à ce que la possession du Canada ait été décidée par un traité entre Sa Majesté T. C. et Sa Majesté B.

VII

Accordé.

VII

Que l’Artillerie et les munitions de guerre seront remises de bonne foy et qu’il en sera dressé inventaire.

VIII

Accordé.

VIII

Qu’il en sera usé envers les blessés, malades, commissaires, aumoniers, médecins, chirurgiens, apotiquaires et autres personnes employées au service des hôpitaux, conformément au traité d’échange du 6 février 1759, convenu entre Sa Majesté très Chrétienne et Sa Majesté Britannique.

IX

Accordé.

IX

Qu’avant de livrer la porte et l’entrée de la ville aux troupes angloises, leur général voudra bien donner quelques soldats pour estre mis en sauvegarde aux églises, couvents et principales habitations.

X

Accordé.

X

Qu’il sera permis au Lieutenant de Roy commandant dans la ville de Québec d’envoyer informer Mr le Marquis de Vaudreuil, gouverneur général, de la reddition de la place, comme aussi que le général pourra écrire au Ministre de France pour l’en informer.

XI

Accordé.

XI

Que la présente capitulation sera exécutée suivant sa forme et teneur sans qu’elle puisse estre sujette à inexécution, sous prétexte de représailles ou d’une inexécution de quelque capitulation précédente.

Le présent traité a été fait double entre nous, au camp devant Québec, le 18me 7bre 1759.
Signé et scellé à la minute.
CHARLES SAUNDERS, GEORGES TOWNSHEND, DE RAMESAY.

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Lundy 1er d’Octobre – Beau tems. On dit que notre armée de Québec diminue tous les jours par la désertion des Canadiens qui, dit on, alléchés par les belles promesses des Anglois, vont leur rendre les armes.

Mardy 2 – Beau tems. Rien de nouveau. On donna des souliers à toute l’armée.

Mercredy 3 – Beau tems. On délivra un quarteron de Tabac, par homme, à toute l’armée.

Jeudy 4 – Vent de Nord-Est. Il plut tant soit peu. Les différens détachemens partis depuis le 25 pour la Baye de Missiskoui rentrèrent sans avoir eu aucune connaissance des Anglois que portoient les 17 berges trouvées par Mr de Langy.

Vendredy 5 Octobre – Le temps à la pluye tout le jour. Les travaux continuèrent cependant. Les trois soldats qui manquèrent le 14 rentrèrent au camp. Ils dirent avoir été pris ce jour là du côté du Sud au point du jour, que les Anglois au nombre de 18 dans deux berges, une de 10 et l’autre de 8 avoient partagés, deux dans une et un dans l’autre, et les avoient conduits en 7 jours à une journée environ de Saint Frédéric où aiant mis à terre, ils s’étoient ényvrés et endormis, qu’ils profitèrent de la circonstance et s’échappèrent dans les bois où ils sont resté huit jours égarés, au bout du quel tems ils se sont trouvés vis à vis nos chebecs. Ils ont fait un grand feu pour se faire apercevoir et on les vint chercher. Ils sont restés cinq jours. La barque venant chercher des vivres les a ramenés à huit lieues d’icy d’où elle a détaché sa chaloupe.

On fit partir après midy 1 officier de milice et 20 hommes pour porter des vivres à la barque.

Samedy 6 – 0n apprit le matin que le party anglais dont on eut connaissance le 25 avoit tombé sur le village de St François le 4 de ce mois et l’avoit mis à feu et à sang. En conséquence Mr de Bourlamaque fit un gros détachement, nous fournîmes 60 soldats et 30 miliciens, les troupes de terre 36, les compagnies de volontaires 90 marchèrent aussi avec tous les sauvages qui étoient 100 icy. On crut aussi qu’il y avoit un party au Nord, Mr de Bourlamaque en fit avertir l’armée.

Il plut tant soit peu.

Dimanche 7 – Beau tems. On fit partir les domestiques sous la conduite d’un sergent par Bataillon, pour aller à Québec chercher les équipages. Rien de nouveau d’ailleurs.

Retour de 20 miliciens partis le 5 pour porter des vivres à la barque.

Lundy 8 d’Octobre. – Beau tems. J’entendis tirer sur les 10 heures du matin un coup de canon qui me parut du côté de Montréal ou de Saint-Jean. Quelques autres personnes dirent en avoir entendu 7 à 8. Rien de nouveau.

Mardy 9 – Beau tems. Rien de Nouveau.

Mercredy 10 – Beau tems. Il revint le matin un soldat et un milicien du détachement parti le 6 qui me dirent que ce détachement s’étoit mis en marche pour aller au devant des anglois, désespérant de les voir venir à leurs berges.

L’officier qui commande a projeté de marcher deux jours et de les attendre ensuite.

On marque de Québec du 27 Septembre que la disette y est affreuse, que les habitans pour la plus part ont été obligés de gagner les campagnes pour vivre ce qu’ils trouvent très difficilement, le paysan n’étant pas en état de les secourir beaucoup et n’aiant pas d’ailleurs une grande confiance aux papiers. On ajoute encore qu’il se commet mil brigandages à Québec, que les soldats anglois et même les françois enfoncent toutes les voutes et volent partout malgré que le général anglois en fasse pendre beaucoup. Les françois se pleignent beaucoup de l’amiral.

Enfin, bien des politiques pensent que les anglois ne resteront pas à Québec parce qu’ils manquent de vivres.

Jeudy 11 d’Octobre – Beau tems. Rien de nouveau. Mr Surimeau partit avec 40 soldats et 20 miliciens pour aller à l’Ile La Mothe couper du cèdre propre à faire des bardeaux. Le vent du Sud-Ouest étoit très fort et l’aura peut être empêché de gagner l’Ile.

Vendredy 12 – Tems couvert calme. Le vent se mit au Nord Est le soir. On entendit un bruit semblable à des coups de canon, une heure environ avant le jour et cela dura jusques sur les 4 heures du soir. Ces coups étoient réitérés et par intervalle. Quelques uns ont pensé que ce pouvoit être le bruit du tonnerre.

Mr de Surimeau arriva à midy. Il ne put hier gagner l’Ile La Mothe, le vent étoit trop fort. Il s’arrêta à deux lieues environ du moulin Foucault où il trouva un grand bâtiment qui avoit été construit pour faire une église, il apporta dans ses bateaux tout le cèdre qu’il y trouva, il estime en avoir apporté pour ce faire cinq milliers. Il a entendu le même bruit que notre camp et l’a jugé être des coups de canon.

Sur les trois heures, il nous arriva treize soldats de la marine et des soldats de terre qui sont venus chercher des vivres pour le détachement aux ordres de Mr Bernard dans la baye de Missiskoui. Ils n’ont encore eu aucune connaissance du détachement qu’ils attendent. Ils ont entendu aussi le bruit semblable à des coups de canon et ne font aucun doute que nos chebecs n’aient été attaqués. Ils disent avoir entendu tirer par décharge à ne s’y pas tromper.

Mr de Bourlamaque envoya un détachement de grenadiers sur les 9 heures du matin, commandé par un Lieutent qui avait ordre de marcher jusqu’à ce qu’il eut quelque éclaircissement de ce qui pouvoit se passer sur le lac.

Mr Le Borgne eut ordre le soir de se tenir prêt à marcher à deux heures après minuit avec un détachement de 20 soldats de la marine et miliciens dans deux berges pour aller jusques aux chébecs s’il prévoit le pouvoir faire.

Samedy 13 d’Octobre – Gros Nord Est et de la pluye.

Les soldats arrivés hier partirent ce matin à 4 heures avec les vivres qu’on envoye au détachement. On détacha aussi 60 miliciens pour en faire le portage qui rentrèrent au camp le soir.

Il arriva dans la nuit du 12 au 13 deux matelots qui dirent à Mr de Bourlamaque que la barque commandée par St Onge avoit été poursuivie par un senault anglois et une esquif à canon; qu’elle auroit été prise infaïblement si le senault ne s’étoit point échoué. St Onge entra dans la rivière de Missiskoui où il est encore. C’est luy qui a tiré tout le canon entendu hier pour nous avertir et les chebecs au cas qu’ils ne soient pas pris. Il pense qu’ils ont été attaqués.

Dimanche 14. – Les sauvages et canadiens attachés à Mr de Langy rentrèrent au camp. On pense que le party anglois est passé. On a trouvé des pistes de 9 à 10 hommes à 4 ou 5 lieues dans les profondeurs qui retournent à St Frédéric. On a aussi trouvé un ancien feu dont les cendres étoient encore chaudes. Enfin, le détachement rentre en entier, les troupes passent par le lac avec les bateaux.

Gros Nord Est et pluye.

Lundy 15 d’Octobre – Il a plu cette nuit prodigieusement et fait un très gros vent. La pluye cessa à midy. Le détachement de Missiskoui rentra en entier sur les 5 heures après midy. La goëlette étoit sortie de la baye. Les soldats croient l’avoir vue vers la pointe Squenonton. Nous n’avons encore eu aucunes nouvelles des chebecs. Mr le Borgne n’est pas rentré avec son détachement quoique ce fut aujourd’huy le dernier jour de ses vivres.

Mardy 16 – Il gela cette nuit très fort. Le vent de Nord Est tomba et se mit au Nord-Ouest sur le soir. Beau tems.

Il arriva cette nuit quatre matelots des chébecs et 6 miliciens qui vinrent par terre qui dirent que Mr Dolabara aïant poursuivi 60 berges en prit une armée de 20 hommes qui luy dirent que l’armée angloise étoit en marche, qu’ils avoient trois bâtimens de même force à peu près, que nos chébecs et un brigantin de 20 canons de 12. Mr Dolabara aiant aperçu le brigantin et un autre vers l’Ile au bois blanc, au dessous de luy, se détermina à couler les trois chébecs à fond et à s’en revenir par terre. Les miliciens disent que les anglois n’ont que cinq mil hommes.

Ils étoient porteurs d’une lettre de Mr Dolabara qui s’est trompé en ployant son paquet et a mis sous enveloppe une lettre que luy écrivoit Mr de Bourlamaque au lieu de mettre la sienne. Les matelots disent 10 mil hommes.

Mr Le Borgne parti le 13 avant le jour rentra sur les 5 heures du soir. Il avoit laissé la barque de St-Onge au haut de l’Ile La Mothe. Il alla à l’Ile au Bois blanc où il fit tuer quatre boeufs que nous avions et les fit porter à la barque de St-Onge. De l’Ile au Bois blanc, il aperçut le brigantin anglois et un autre petit batiment qui levèrent l’ancre et appareillèrent pour remonter du côté de Saint Frédéric lors qu’ils aperçurent un autre petit bâtiment qui, les voyant appareiller, vira de bord. Mr Le Borgne prit ce petit batiment pour un de nos chebecs, mais c’était sans doute un petit vaisseau anglois.

Notre armée prit les armes à une heure après midy et borda le retranchement. Ce mouvement se fit pour faire connaitre au soldat son poste.

Mr de Langy partit pour la découverte.

Mercredy 17 d’Octobre – Beau tems. Mr de Lépervanche partit au point du jour avec 8 soldats et 8 miliciens et des vivres pour quatre jours pour porter des vivres à la barque et un ordre à St-Onge de rentrer.

Sur les onze heures il arriva un officier et six anglois qui ont été à bord de St Onge comptant aller à un de leurs vaisseaux. Cet officier étoit parti de St Frédéric depuis trois semaines pour aller porter des lettres à Mr Johnson qu’il comptoit trouver au dessus de l’Ile de Montréal. Il avoit ordre à son retour de se rendre par la rivière Chasie à la pointe au fer, où l’armée angloise devoit être campée le 7 d’Octobre. S’il trouvoit à cette pointe des vestiges de camp, il pouvoit venir droit à l’Ile aux noix, sinon, aborder le 1er Vaisseau à deux mats qu’il rencontreroit, ce qu’il a fait et a donné dans le pot au noir.

On l’a fait partir à deux heures après midy pour St-Jean d’où il doit être conduit sans doute à Montréal.

Il est parti ce matin des sauvages pour aller par terre au devant des troupes et matelots qui étoient sur les chébecs.

Jeudy 18 d’Octobre – Tems calme et fort couvert. La goëlette commandée par St-Onge arriva sur les dix heures du matin, remorquée par deux berges aux ordres de Mr L’Espervanche. Elle partit hier à l’entrée de la nuit du hault de l’Ile La Mothe d’où on n’apercevoit rien. Mr de Langy partit de la barque à soleil couchant pour pousser sa découverte plus avant.

Mr Le Mercier, commandant l’Artillerie, arriva sur les 7 heures du matin et nous annonça de puissans secours de Montréal.

Sur le soir, le vent se jeta à l’Ouest.

Vendredy 19 – Le tems clair. Le vent à l’Ouest fort froid. Mr de Langy arriva sur les huit heures. II venoit de la pointe Squenonton. II a vu les barques angloises mouillées aux environs de la Rivière aux Sables. II a aussi vu vingt à trente berges allant et venant, il ne scauroit dire si l’armée est dans la Rivière. Les sauvages qu’il avoit avec lui ne voulurent jamais passer la nuit pendant laquelle il auroit pu s’approcher de plus près et voir sur quoy pouvoir tabler. Ils n’osèrent pas même traverser la baye de Scononton, ils firent portage de leur canot près de trois lieues et de jour.

Mr Laverandrie partit pour la découverte à la baye de Missiskoui.

Mr Volf rentra à la nuit. II étoit parti ce matin. II a été a deux lieues au delà de la pointe au fer sans rien voir. Le feu prit sur les 9 heures à quelques baraques.

Mr Outlas partit le soir avec un canot d’écorce pour aller en avant.

Samedy 20 – Beau tems. Mr le Cher Denoës partit le matin à la découverte avec ses volontaires. II rentra à onze heures et fit sur son chemin rentrer les travailleurs et les grenadiers de Bivouac. II avoit aperçu 20 à 30 berges. On prit les armes sur l’heure et on se porta aux retranchemens. Peu après 5 à 6 berges se firent voir et allèrent se mettre à l’abri d’une pointe qui est devant nos retranchemens. Mr VoIf partit à une heure après midy et alla à deux lieues environ en avant sans rien apercevoir.

Mr Outlas parti hier au soir revint par terre. On le traversa vers les 3 heures. II dit avoir été jusques près du Moulin Foucault, et comme il traversoit à la pointe au fer, il partit du coté du Sud dix berges environ qui lui donnèrent la chasse. Comme elles le gagnoient de vitesse, il se jeta à terre et abandonna son canot d’écorce. II n’est rentré qu’avec trois à quatre hommes. Les six autres ont suivi un homme de La Prairie qui passoit pour connoitre les bois et qui sans doute les aura conduits à la Prairie. Ces hommes sont rentrés au camp à la nuit. Dans la route que Mr Outlas a fait par terre, il compte avoir vu 30 à 40 berges dans la rivière. II n’a point vu les barques.

Mr Lespervanche, Ense, est parti ce matin pour la baye de Missiskoui. Ni luy, ni Mr Laverandrie ne sont entrés le soir, on n’a aucune nouvelle de cette partie.

Le tems se couvrit tant soit peu, il tomba même un peu de pluye, mais le soir, le ciel s’éclaircit.

Dimanche 21 d’Octobre – Tems d’été. Beau Sud-Ouest. La découverte d’hier au soir a été à deux lieues environ sans rien voir. Elle entendit seulement tirer 3 coups de canon vers le moulin Foucault. Mr Bernard partit le matin et est rentré à une heure après midy. Une berge venant à sa rencontre à la voile a retourné sur ses pas dès qu’elle l’a aperçu. II l’a suivie sans la pouvoir joindre. II a vu une barque mouillée vers l’Ile aux têtes avec plusieurs autres berges ou bateaux aux environs. II s’en est revenu de suite.

Mr Lépervanche est revenu de la baye de Missiskoui où il est retourné sur le champ. Ils ont été jusqu’à la grande ile qui est dans la baye et d’où on aperçoit le lac, et n’ont rien vu.

Mr Outlas est parti avant midy avec quelques sauvages pour aller en avant. II est rentré sur les 6 heures du soir. II a été à demie lieue ou ¾ de lieues environ du moulin Foucault où il a vu un bâtiment mâté en bateau au dessous dudit moulin, n’ayant qu’une berge en arrière de luy. II n’a vu aucune apparence de camp nulle part.

II partit après diner dix huit sauvages iroquois qui sont allé faire la découverte par terre. Ils n’ont pas voulu prendre de françois avec eux.

Lundy 22 – Le tems couvert presque tout le jour. Gros vent du Sud. Il plut tant soit peu.

Nos différentes découvertes n’ont rien vu qui annonça l’armée angloise. Les découvertes dans la baye de Missiskoui y ont aperçu quelques berges qui n’ont pas mis à terre. La barque d’hier toujours mouillée au bas du moulin Foucault. Mr Langy partit avec des sauvages dans l’espoir de faire quelques prisonniers. Les 18 sauvages partis hier rentrèrent sans avoir fait de prisonniers; peu s’en est fallu disent-ils. Ils ne paroissent pas croire que l’armée soit sur le lac. Mr Sabrevois partit ce matin pour la baye Missiskoui avec 5 soldats de la marine et 20 canadiens. Je ne scai s’il a des sauvages.

Mardy 23 d’Octobre – Il fit cette nuit un vent impétueux Sud Est, il plut beaucoup et la pluye a duré tout ce jour.

Mr de Langy parti hier rentra le soir. Il a poussé sa découverte jusques à la Rivière Chasie. Il n’a aperçu aucun vestige de camp. Dès hier, il s’aperçut que les barques mouillées au dessous du moulin Foucault vouloient se retirer parce qu’elles se touchoient pour s’élever jusqu’au dit moulin et aujourd’huy elles mirent à la voile au point du jour. Il les a vu dépasser la pointe aux Roches au dessus de l’Ile La Mothe, elles paroissoient faire route pour St Frédéric. Il ne croit pas leur marine plus forte que d’un gros brigantin de 20 canons, un bateau et une espèce de gabare portant une voile quarée, ce qui le fait soupçonner Mr Dolabara d’avoir fait une fausse manoeuvre. Enfin, avant de le condamner, il faut l’entendre.

Nous eûmes des nouvelles ce matin de Montréal qui nous apprennent l’arrivée de 60 hommes des chebecs au Sault St-Louis, le 20 de ce mois. On dit en même tems qu’on a fait partir des sauvages pour aller au devant des égarés dans les bois.

Mr Le Borgne est parti ce matin avec 10 soldats et 10 canadiens pour la découverte à la baye de Missiskoui.

Départ d’un officier de la Reine, Mr du Faye, avec des volontaires pour la découverte.

Mercredy 24 – Le tems assez beau. Retour de Mr Le Borgne de la baye de Missiskoui où il n’a rien vu. Retour de Mr du Faye parti hier. Il a remonté la rivière Chasie jusqu’aux rapides et n’a vu aucune apparence que les Anglois y aient été. Il n’a vu ni barques, ni berges sur le lac. On débita icy que le party anglois qui avoit tombé sur le village de Saint François avoit été rejoint par un des nôtres qui déjà lui avoit fait 50 chevelures et dont on poursuivoit toujours les restes. Cette nouvelle est débitée par des sauvages et demande confirmation.

Jeudy 25 – Il plut beaucoup la nuit dernière et ce jour. Le tems s’éclaircit un peu l’après midy.

Mr Lapérière arriva avec 44 miliciens du gouvernement de Montréal. Rien de nouveau d’ailleurs.

Vendredy 26 – Beau tems. Mr Sabrevois parti le 22 arriva à l’entrée de la nuit de la baye de Missiskoui sans avoir rien vu dans toute sa découverte. Nous n’avons plus aucun détachement dehors.

Samedy 27 – Il plut tant soit peu au soir à l’entrée de la nuit. Le tems assez beau tout le jour. Rien de nouveau.

Dimanche 28 – Arrivée de Mr Deganes capte aide-major des Trois Rivières avec 19 soldats et trente trois miliciens. Il nous a confirmé la nouvelle de la poursuite qu’a eu le détacht anglois qui avoit tombé sur le village de St François. Ce party s’est partagé en trois bandes pour s’en retourner : une bande de 35 a été jointe et exterminée; on est à la poursuite d’une autre bande où se trouve Roger, pour la troisième on n’espère pas la pouvoir rejoindre.

Il plut un peu ce jour.

Mr La Durantaye partit avec 20 hommes pour faire la découverte à la baye de Missiskoui.

Lundy 29 – Il plut cette nuit horriblement et beaucoup dans la journée.

On fit partir 200 hommes aux ordres de Mr Bayeul pour aller chercher des planches au bas de la rivière de Sorele pour les bâtimens du fort.

Mardy 30 – Retour de Mr La Durantaye qui n’a rien vu dans sa découverte.

Beau tems tout le jour, mais fort froid.

Mercredy 31 – Départ de Mr Cadillac avec 6 soldats de Bery et 9 Canadiens pour aller porter des lettres à l’armée angloise.

Rien de nouveau d’ailleurs. Beau tems mais fort froid.

Jeudy 1er Novembre – Beau tems, mais très froid. Rien de nouveau.

Vendredy 2 Novembre – Mr de Sabrevois arriva de la Baye de Missiskoui où il étoit allé à la chasse ces jours passés avec des sauvages. Il dit à Mr de Bourlamaque que des sauvagesses traversant la baye en canot d’écorce avoient aperçu quelques hommes qui chassoient, un entre autres qui attendoit une bande de canards, qu’elles s’étoient jetées promptement à terre et s’étoient cachées. Quelques autres sauvages aïant pris les devants par terre pour se rendre au fort de Missiskoui et y faire du feu avoient aperçu de la fumée dans le fort et plus même que n’en auroient pu faire quelques sauvages qui les auroient devancés. Ils s’approchèrent avec précaution et le plus près qu’ils purent et entendirent un grand bruit, comme si on broyoit du Blé d’inde. Ils entendirent même parler anglois. Ils s’apercurent aussi que de cinq chevaux qu’ils avoient, il n’y en avoit plus que quatre, ce qui leur avoit fait juger que les anglois en avoient tué un.

Sur cette nouvelle, Mr de Bourlamaque fit partir Mr de Langy avec 15 ou 20 sauvages, qui fut suivi de près par Mr Outlas qui conduisoit un sergent et vingt soldats de la marine et 10 canadiens; il marcha aussi 15 volontaires de terre.

Tout ce détachement partit à deux ou trois heures après diner. Sur les sept heures du soir, on entendit tirer des coups de fusil et faire des cris sauvages, c’étoit notre détachement qui rentroit avec 5 prisonniers faits par trois sauvages dans le fort de Missiskoui. Ces cinq anglois venaient de Saint François. Ils avaient laissé derrière eux dix autres hommes dont quatre se mouroient de faim et de misère.

Le détachement de Roger étoit à son départ de Frédéric de 180 hommes, à son arrivée à Missiskoui, il en avoit renvoyé 20 à 30 et avoit continué la route pour St François avec 150 ou 160 hommes. Il paroit par ce que disent les prisonniers que tout le détachement est par les bois et que peu se rendront en Angleterre.

Le tems s’adoucit vers midy. Le vent au Nord Est.

Samedy 3 Novembre – Il plut presque tout le jour. Le tems fut doux. Le vent Nord Est, mais foible. Rien de nouveau d’ailleurs.

Dimanche 4 – Le vent se mit au Sud Ouest, mais mauvois, il tomba un peu de pluye et de neige fondante.

Mr Cadillac arriva à l’entrée de la nuit. Il a été arrêté vers la pointe Squenonton où les anglois ont une chaloupe de 14 canons, un de nos chebecs, quelques bateaux à canons et quelques berges. On l’a ensuite conduit jusqu’à la pointe à la peur. Il n’a point vu le camp des anglois à St-Frédéric, mais il entendoit battre les tambours et il pense que l’armée y est encore. Le Brigantin anglois est à St-Frédéric. Il n’a pas vu le général; il a vu Mr Abercromby qui lui a donné les gazettes où il paroit que nous avons perdu une bataille dans le Duché d’Hanovre. Un combat naval sur la Méditerranée de sept de nos vaisseaux aux ordres de Mr de la Chen (?) [note Loup K. : cette parenthèse «(?)» fait partie de l’édition de 1930]. La gazette angloise nous en fait perdre 6, deux de brulés, quatre jetés en côte et le septième s’est échappé. Il n’est pas question que nous aïons fait aucune expédition de mer.

Les troupes du Roy de Prusse ont été battues par les Russes qui ensuite ont été battus par les Prussiens.

Mr Abercromby a dit à Mr Cadillac que les prisonniers françois étoient en marche pour être échangés. Il luy a remis de gros paquets à l’adresse de Mr le Marquis de Vaudreuil.

Lundy 5 Novembre. – Le tems assez beau pour la saison. Rien de nouveau.

Mardy 6 – Rien de nouveau, même temps qu’hier.

Mercredy 7. – MMrs de La Durantaye et Lepervenche en détachement avec des canadiens et des sauvages depuis le 3 ou le 4 rentrèrent avec deux chevelures que les sauvages firent vers la pointe Squenonton hier où ils ont vu deux batimens et des bateaux à canon. Les anglois travaillent à relever nos chébecs.

Le soir, des Abénaquis et autres sauvages revinrent de Missiskoui avec trois anglois et deux chevelures. Ils trouvèrent 5 hommes revenant de St François et une sauvagesse prisonnière. Dans le nombre des cinq hommes, deux se trouvèrent munis de chair humaine. Ils avoient tué un petit sauvage leur prisonnier. Les Abénaquis égorgèrent ces deux là sur l’heure. Il fit grand froid tout le jour.

Jeudy 8 – Les ordres pour le déblayement vinrent à Mr de Bourlamaque qui ne les a pas encore rendus publics.

Il tomba de la neige ce jour.

Il nous manqua un soldat le soir. Il étoit allé à la Prairie de Boileau chercher des chevaux entrés dans les bois. Il s’y est égaré.

Vendredy 9 – Il a neigé beaucoup cette nuit. Le soldat qui manquoit hier s’est retrouvé et est rentré le soir. Beau tems.

Samedy 10 Novembre – Beau tems, rien de nouveau.

Dimanche 11 – Beau tems. Mr de Langy partit avec des sauvages et quelque canadiens pour faire la découverte.

Lundy 12 – Le plus beau tems du monde. Mr de Bayeul, parti le 29 octobre arriva avec 300 madriers et quelques miliers de planches qu’il étoit allé chercher à Maska. Presque tout son détachement luy a déserté à l’exception de 30 à 40 qui doivent partir demain matin pour retourner chez eux.

Mardy 13 – Les prisonniers anglois passèrent la nuit dernière sous nos retranchements pour être échangés avec les nôtres. MMrs Courtemanche et Langy Levreau commandent l’escorte.

Rien de nouveau d’ailleurs, le plus beau tems du monde.

Mr de Langy revint. Il a été jusqu’à la pointe Squenonton. Les Anglois y sont toujours qui paroissent travailler à relever nos chébecs. Mr de Langy croit en avoir vu un démâté.

Mercredy 14 – Les deux bataillons de Bery ont tiré un piquet chaqu’un de 50 hommes pour tenir garnison au fort de l’Ile aux Noix, conformément à l’ordre qu’ils en recurent hier.

Beau tems. Rien de nouveau.

Jeudy 15 – Le tems fort doux, un peu de pluye.

Les deux bataillons de Bery partirent pour rentrer dans leurs quartiers.

Véndredy [sic, édition 1930] 16 Novembre – Le même tems qu’hier. Rien de nouveau. Tous les jours, le général fait déblayer quelques miliciens.

Samedy 17 – Le Régiment de la Reine partit pour rentrer dans ses quartiers. Un piquet de ce Régiment fut tiré pour tenir garnison dans le fort St Jean. Il plut un peu ce jour.

Dimanche 18 – Doux tems, il tomba une espèce de neige fondue. Rien de nouveau.

Lundy 19 – Tems couvert et fort doux. Il tomba un peu de pluye.

MMrs Courtemanche et Levreau Langy arrivèrent de St Frédéric hier au soir à 9 heures. Ils n’ont vu ni le fort, ni le camp; ils ont été arrêtés à la pointe à la peur. Il paroit que le général Amherst et son armée sont encore à St Frédéric.

Nos trois chebecs ont été relevés. Les anglois frondent beaucoup la manoeuvre de ceux qui les montoient et prétendent qu’ils se seroient aisément sauvés à la rame, le vent étant tout à fait calme lorsqu’ils se sont coulés. Ils ne se flattoient pas de les prendre; tout au plus un.

Ils ont demandé qu’on laissa dix bateaux pour nos prisonniers qui étoient partis d’Orange; nous devons les avoir sous huit jours.

Mr de Bourlamaque dans la crainte que l’armée angloise ne fasse quelques mouvemens a établi des signaux entre ………. [Note de Loup K. : ce long pointillé figure dans l’édition de 1930] et St Jean et a envoyé ordres aux Régimens de la Reine, Royal-Roussillon et Guyenne de se tenir prêts à marcher. Il a arrêté le déblayement des miliciens. Il n’en est parti aucun ce jour.

7 sauvages iroquois se sont présentés au Nord de nos retranchemens pour se faire traverser. Ils sont partis du Sault Saint-Louis depuis six jours pour faire une découverte disent-ils du côté de la baye Squenonton où les Outaouas leur avoient dit que les anglois batissoient un fort. Ils n’ont rien vu.

Mardy 20 Novembre – Il plut beaucoup la nuit dernière et ce jour. Le tems toujours au doux. Rien de nouveau.

Mercredy 21 – Arrivée de Mr Langlade avec des sauvages. Départ de Mr Langy Montegron pour une découverte sur le lac.

[ Le Journal Militaire de des Méloizes, dans l’édition reproduite ici, se termine ainsi, le Mercredy, 21 novembre 1759. ]

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Blogosphère – années 2010-2013 :  electrodes-h-sinclair-502.com

( electrodes.wordpress.com )

préparé et succinctement présenté par

Loup Kibiloki (Jacques Renaud)

Nouvelle France

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Avons-nous jamais vécu en démocratie? Pétitionne, trace ton x, cause toujours  —  Un survol de la Nouvelle France.   —   Le vrai portrait de Marguerite Bourgeoys par Pierre Le Ber, un chef-d’oeuvre d’art naïf   —    La terre tremble pendant des mois au Québec en 1663. Des montagnes, des rivières disparaissent   —   Kateri Tekakwitha scintille

Non-fiction

Étienne de la Boétie (Bouëti)  :  Discours de la servitude volontaire, ou Le Contr’un, 1576 (pdf)

« .. Mais en conscience n’est-ce pas un extrême malheur que d’être assujetti à un maître de la bonté duquel on ne peut jamais être assuré et qui a toujours le pouvoir d’être méchant quand il le voudra ? Et obéir à plusieurs maîtres, n’est-ce pas être autant de fois extrêmement malheureux ? » — Étienne de la Boétie

« Il s’agit d’un texte politique essentiel. L’auteur se pose la question: Pourquoi un seul peut gouverner un million, alors qu’il suffirait à ce million de dire non pour que le gouvernement disparaisse ? Cet ouvrage est paru en 1549. Le Prince de Machiavel est paru en 1513. La Renaissance bat son plein en Europe et les auteurs politiques commencent à s’exprimer.  La Boétie est né à Sarlat, à 30 km de chez moi, en Périgord noir (Dordogne). Sa maison existe toujours dans la vieille ville. Les touristes peuvent la visiter. » — Claude Ovtcharenko, journaliste à la retraite.

Héraclite, Heraclitus : Les Fragments d’Héraclite (Heraclitus) en grec ancien, en français, in English (pdf)  — source : Philoctetes

Jacques Renaud  :  La Constellation du Bouc Émissaire, trois essais sur le proto-totalitarisme (re-diffusion en progrès) : Clause dérogatoire (clause nonobstant); torture; nombre possible de tortionnaires potentiels pour une population donnée; lois linguistiques; boucs émissaires. La Constellation du Bouc Émissaire, trois essais sur le proto-totalitarisme, a été publié pour la première fois en 1993 sous le nom de Jacques Renaud. Vous ne trouverez probablement plus cet ouvrage en librairie. Vous trouverez parfois l’ouvrage en bibliothèque. Sur Wikipedia, jusqu’à tout récemment, à l’article « Jacques Renaud », l’ouvrage n’était pas mentionné sous la rubrique des oeuvres de l’auteur.

Anonyme ( « Comité Invisible » )  :   Ingénierie sociale et mondialisation (pdf, 2004)

Extrait  :   Jacques Attali, un des plus fins observateurs sociopolitiques de l’époque, ne cesse de le rappeler, que ce soit dans ses publications ou ses interventions médiatiques : la plupart des dirigeants contemporains ne poursuivent fondamentalement que deux buts, le premier étant de mettre sur pieds un gouvernement mondial ; le deuxième, afin de protéger ce gouvernement mondial de tout renversement par ses ennemis, étant de créer un système technique mondialisé de surveillance généralisée fondé sur la traçabilité totale des objets et des personnes.

Ce système global de surveillance est déjà fort avancé grâce à l’informatique, à la téléphonie mobile et aux dispositifs de caméras, statiques ou embarquées dans des drones, en nombre toujours croissant dans nos villes. Un pas supplémentaire sera bientôt franchi avec la technologie RFID (Radiofréquence Identification) et les implants sous la peau de puces électroniques émettrices de signaux qui assureront notre géolocalisation permanente. Ce tatouage numérique, plus qu’indélébile puisque enfoui dans nos chairs, contiendra en outre les informations biographiques et biométriques suffisantes pour autoriser le profilage à distance de son porteur et permettre ainsi d’anticiper sur tout comportement évalué comme potentiellement dangereux de sa part.

Profondément travaillé par ce fantasme d’ubiquité sécuritaire, le pouvoir politique se limite aujourd’hui à l’application du principe de précaution et à une recherche effrénée de réduction de l’incertitude et du risque zéro. L’intégration mondialiste, comme projet politique imposé par certaines élites aux populations, n’est ainsi rien d’autre que la mise en place d’un vaste système de prévisibilité et de réduction de l’incertitude des comportements de ces populations, autrement dit un système de contrôle total des contre-pouvoirs. Il y a en effet équivalence entre imprévisibilité et pouvoir, ainsi que le notent Michel Crozier et Erhard Friedberg dans un ouvrage fondateur de la sociologie des organisations :

« (…) le seul moyen que j’ai pour éviter que l’autre me traite comme un moyen, comme une simple chose, c’est de rendre mon comportement imprévisible, c’est-à-dire d’exercer du pouvoir. (…) Dans le cadre de la relation de pouvoir la plus simple, telle que nous avons pu la découvrir sous-jacente à toute situation d’organisation, nous avons montré que la négociation pouvait être reconstruite en logique à partir d’un raisonnement sur la prévisibilité.  Chacun cherche à enfermer l’autre dans un raisonnement prévisible, tout en gardant la liberté de son propre comportement. Celui qui gagne, celui qui peut manipuler l’autre, donc orienter la relation à son avantage, est celui qui dispose d’une plus grande marge de manoeuvre. Tout se passe donc comme s’il y avait équivalence entre prévisibilité et infériorité. »

Manifeste de Theodore John “Ted” Kaczynski  :  Manifeste de Theodore «Ted» Kaczynsky, 1995  —  Theodor “Ted” Kaczynski : Manifesto, 1995

«La révolution industrielle et ses conséquences ont été un désastre pour la race humaine.»

“The Industrial Revolution and its consequences have been a disaster for the human race.”

Nasa  :  The Future is Now – War on People  Presented as a Nasa document. Or is adapted from a Nasa document? Sounds very believable (très vraisemblable) and real. You decide. I found it here ( click )

Sylvain Guguenheim : L’Histoire d’un mythe : l’invention des terreurs de l’An Mil (pdf) ; Étude et critique historiographique, d’Abbon de Fleury à Richard Landes, par  Sylvain Gouguenheim   –   écrit avant l’an 2000, très vraisemblablement dans les années 1990s.

Carroll Quigley : The Anglo American Establishment — Carroll Quigley, 1981 (pdf)

Ernst Henri  :  Hitler Over Europe, Ernst Henri – ouvrage publié en 1934 (English ; pdf)   — L’un des intérêts de cet ouvrage de Ernst Henri est qu’il a été publié en 1934, soit 5 ans avant le début de la Deuxième Guerre Mondiale en 1939. Cette copie pdf est celle de la 3e impression de la première édition.

Sri Aurobindo  :   La Zone intermédiaire (1933)   –   The Intermediate Zone (l’original en anglais, 1933)  —   Sri Aurobindo et la réincarnation : La renaissance et les autres mondes; le karma, l’âme et l’immortalité.   —   Sri Aurobindo on reincarnation : Rebirth and Other Worlds; Karma, the Soul and Immortality.   –  The Secret of the Veda (pdf) –  The Future Poetry (with On quantitative meter) (pdf)   —   Letters on Poetry and Art (pdf)

The Life Divine (pdf)  –   The Synthesis of Yoga (pdf)   —   Record of Yoga (pdf)   –   Autobiographical Notes and other writings of historical interest (pdf)  –   Letters on Himself and the Ashram (pdf)  –   The Human Cycle (pdf)  –   Essays on the Gita (pdf)  –   Isha Upanishad (pdf)  –   Kena and other Upanishads (pdf)  –   Essays in Philosophy and Yoga (pdf)  –   Essays Divine and Human (pdf)  –   Karmayogin (pdf)  –   Bande Mataram (pdf)  –   Letters On Yoga I (pdf)   –   The Mother – with Letters on the Mother (pdf)   –    Early Cultural Writings (pdf)     –

René Guénon  :  Le théosophisme, histoire d’une pseudo-religion (pdf)     —    La Crise du monde moderne, René Guénon, 1925 (pdf)    —     Le règne de la quantité et les signes des temps  –  L’erreur spirite (1923; édition 1977 – pdf)  –  L’Homme et son devenir selon le vedanta (pdf)  –  Les principes du calcul infinitésimal (pdf)  –  Symboles de la science sacrée (pdf)  –  Le Roi du Monde (pdf)   –   Orient et occident (1924 – pdf)   –   Les états multiples de l’être (1932 – pdf)   –   Le symbolisme de la croix (pdf)   –

Peter D. Ouspensky  :  In Search of the Miraculous, Fragments of an unknown teaching (pdf)  –  (First published in 1949; Ouspensky meets with “G.”, George Ivanovich Gurdjieff.) Il existe une traduction française de cet ouvrage par Philippe Lavastine, datant de 1949, Fragments d’un Enseignement Inconnu, publiée chez Stock, en France.  –  P. D. Ouspensky, Tertium_Organum, 1920-1922, pdf  (in English ; source : Awakening blog).

Anne Larue  :  Les chambres de l’esprit : Acedia, ou l’autre mélancolie  (under fair use, comme tout le reste, d’ailleurs ) –

« La machine à décerveler n’est pas toujours aussi extérieure que le prétendent les utopies sociales. L’ennemi peut siéger dans la place, au coeur même de la vie intérieure si menacée. Un fort sentiment de culpabilité, mélange de panique et de honte qui conduit à l’obéissance et à la soumission, se manifeste dans l’esprit même du roseau pensant et peut le conduire à une très efficace auto-censure. Avec son double versant de résistance et de dépression, de génie et de morosité, de puissance créatrice et de stérilité morne, la mélancolie rend compte de cette profonde dualité. Elle est le terrain général où s’ancre le phénomène qui nous  intéresse : le déni diffus de la vie intérieure, et plus spécialement de la vie intellectuelle. Telle est l’acedia, l’autre mélancolie, la face cachée de la mélancolie.. » (pp. 5-6) L’extrait qui précède est suivi, dans l’essai d’Anne Larue, d’un chapitre intitulé : « La honte d’avoir un esprit »

.. (Je ne connaissais pas Anne Larue avant de tomber sur cet essai.)

Etc.

Non-fiction

7 Responses to Nouvelle France : Le Journal Militaire de Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes, 1756 – 1759

  1. Anonymous says:

    JOURNAL MILITAIRE OU JOURNAL DE GUERRE
    de Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes
    1756-1759

    Savez-vous que l’on trouve également cette édition de 1930 en France chez des descendants de Nicolas Renaud d’Avène des Méloizes ?

    Merci de l’avoir retranscrit ici. Je vais le lire attentivement.
    Cordialement,

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  2. FirstRich says:

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