Et si le maire Jean Tremblay, à Saguenay, s’inspirait de la Prière à Dieu de Voltaire?

Portrait de François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694–1778), auteur, entre autres, du Traité sur la Tolérance (1763) où l’on trouve la célèbre « Prière à Dieu ». Le tableau a été peint par Catherine Lusurier (vers 1753-1781), d’après le tableau de Nicolas de Largillière (1656-1746).

Et si le maire Jean Tremblay, de Ville de Saguenay, au Québec, s’inspirait de Voltaire (je reproduis plus bas la très belle Prière à Dieu de Voltaire) et transformait son combat en combat..  “voltairien” contre l’intolérance?  Ça ne manquerait pas d’ironie.

Les adversaires du maire y ont-ils pensé? Et le maire lui-même?

Je muse et je rêve, mais il n’est pas encore interdit de rêver, même fort (l’interdit viendra sûrement un jour – mais pour l’instant c’est prier qui est visé).

Saguenay, elle, a été condamnée à payer 30 000 CA$ pour une prière (Saguenay est allée en appel) prononcée à l’intérieur de la salle du Conseil de Ville.

On croirait vraiment assister à un nouvel épisode de Candide.

À tout événement, j’ai quelque chose à proposer.  Une solution simple, pratique, et qui ne manquerait pas d’un certain humour sous-jacent – voire d’une dose homéopathique d’ironie.

Il suffirait d’afficher la très belle, très profonde, très émouvante Prière à Dieu de Voltaire (dont le texte suit, plus bas, et qui ne se réfère à aucune religion en particulier) à l’intérieur de la salle du Conseil municipal de Saguenay et d’observer chaque jour une bonne minute de silence où chacun prierait selon sa tendance intérieure ou sa foi.

 


Note : Voltaire pouvait être pingre, cruel, etc.,  pas de doute  :  Voltaire, Nouvelle-France, Canada, Québec : Anéantir l’Acadie, et autres citations.   Mais il ne s’agit pas de lui, mais de sa prière, qui demeure très belle et très inspirante, que ça plaise ou que ça déplaise.   Je m’explique en deux mots, sous ce lien, là-dessus.  Il dit dans Candide (par la bouche du sénateur Pococurante)  : « Les sots admirent tout dans un auteur estimé.  »   Il a raison là-dessus.  Il aurait tout aussi bien pu ajouter, très justement  :  « Les sots méprisent tout dans un auteur détesté », etc.


Jean Tremblay, maire de Ville de Saguenay: afficher la « Prière à Dieu » de Voltaire dans le salle du Conseil de Ville de Saguenay? Pourquoi pas?  Source: la phototèque du quotidien de Québec Le Soleil.

 

Il ne serait pas sans intérêt – et ce serait extrêmement révélateur à tous points de vues – de voir lesquels seraient les premiers à dénoncer Voltaire et sa Prière … On pourrait avoir de grosses surprises.

*

Mise à jour, mars 2010 ; je suis tombé sur l’une de ces « surprises », qui n’en est pas vraiment une à mes yeux, je l’admets; il s’agit d’une réaction à l’article que vous lisez présentement (cette réaction s’intitule « Pas même la Prière à Voltaire…  – Prière de ne pas Prier »

Elle vient du “camp laïco-athée”.


  Sur le même thème, lire :  Donc, les croyants athées seraient plus intelligents que les croyants pas athées ..  –  il est intéressant, par exemple, de constater que, par son étymologie, le mot “athéisme” est un synonyme rigoureux du mot “obscurantisme“..

Sur l’étymologie du mot « Dieu » :  Edith Piaf censurée au Québec:  les racines védiques du mot et du concept de «Dieu»


 

Donc :  Prière de ne pas prier ?  

On s’oppose même au simple affichage d’un texte profondément inspirant comme celui de Voltaire.  Même pas une minute de silence où chacun se recueillerait, comme le suggère mon article.  Ça sent le fanatisme inquisitorial – ou le refoulement puritain.

J’ai eu un débat, avec un certain Renart Léveillé, sur la prière, sur un site qui s’appelle  «Les 7 du Québec».   Léveillé est l’auteur de l’article déjà mentionné ( « Pas même la Prière à Voltaire…  – Prière de ne pas Prier » ).

Il appuie, entre autres, la suspension de la liberté d’expression.  Il nie la réalité de la prière et ce qu’elle peut apporter de réel.  Le type, évidemment, parle à travers son chapeau : en effet, pendant qu’en Hollandie ça hollandise et qu’au Québec ça laïcise, ça athéise, et ça chartise, en France les guérisons miraculeuses dans un contexte de prières se multiplient depuis des années à l’Église Saint Nicolas des Champs, à Paris. C’est un témoignage parmi des milliers d’autres.  Ce n’est pas sans évoquer les miracles de Saint André, à Montréal, à l’Oratoire Saint-Joseph, phénomènes qui s’échelonnent, aussi, sur des années, et qui viennent ironiquement voleter au nez du laïcisme athéisant.

Voici un très bon reportage sur ce qui se passe depuis des années à l’Église Saint Nicolas des Champs :


 

Au fond, ce n’est pas à la présence de telle ou telle religion dans « l’espace  public » que s’attaque vraiment la mouvance intégriste et fanatisante du laïcisme québécois mais, plus fondamentalement encore, au phénomène même de la prière, c’est-à-dire à cette fonction fondamentale de la psyché humaine qui tend naturellement, depuis toujours, à se relier au divin – religare, religere – en ce monde ou dans d’autres – ou même, tout simplement, au recueillement – nonobstant toute forme d’adhésion à quelque religion connue, quelle qu’elle soit. Quand on s’y arrête, il y a, dans cette opposition, quelque chose de pathétique. Le refoulement de l’aspiration humaine à mieux, s’est substituée, dans le temps, au refoulement de la libido : on appelle ça le « progrès ». Plus ça change, plus ça se ressemble. Le Québec est entraîné en plein script orwellien : interdire la prière et soumettre à l’amende au nom de la liberté d’expression.

Par analogie, on ne peut s’empêcher de penser à 1984, le roman de George Orwell, avec son Ministère de la Vérité (Miniver en français, Minitrue en anglais) dont l’une des trois devises est que la liberté est esclavage (les deux autres devises sont: « la guerre est paix » et « l’ignorance est force »; au Québec, c’est « expression interdite est liberté d’expression »).   Ici, à propos de 1984, le roman, sur Wikipedia en français; ici, à propos du roman, sur Wikipedia en anglais  –   Ici, la traduction française du roman 1984 par Amélie Audiberti, domaine public, au Canada, du moins   –   Ici, le texte original du roman en anglais, (domaine public au Canada).

On rêve d’entendre ce que Voltaire lui-même, aujourd’hui, en dirait ( Le problème, avec Voltaire lui-même, et ça semble paradoxal quand on lit la Prière à Dieu, est que c’était un être souvent d’une petitesse à vous foutre la poisse, mesquin, gratteux, certains le qualifieraient de petite ordure.  Je le mentionne ici.  Et je le décris plus abondamment ici.  D’autres l’ont fait ailleurs.  L’Esprit soufle où il veut et semble souvent faire la nique à tout le monde.. ).

Par ailleurs, on connait (en tout cas, je pense qu’on aurait intérêt à connaître) dans quelle perspective, par exemple, un René Guénon situe le phénomène dont il est question ici dès les années quarantes. On aurait intérêt à lire. Juste pour voir. Question d’élargir encore la perspective.

J’aimerais mentionner, en passant, que je ne pratique aucune religion en particulier et que je ne suis membre d’aucune dénomination ou groupe religieux. Je n’aime pas certains symboles que l’histoire a surchargés d’un pouvoir inducteur qui peut brouiller l’esprit, ça inclut certains symboles dit «religieux», et ce que je propose n’inclut pas nécesssairement l’un de ces symboles. En résumé, plus lone ranger que moi, tu décèdes. Idéalement, plié en deux. De rire.

En passant, on a aussi eu, dans l’Histoire, des périodes où on refoulait le rire et le plaisir. On le sait, mais ce n’est pas une perte de temps que de revoir, par exemple, Le Nom de la Rose (The Name of the Rose, youtube). C’est cette même sorte d’interdiction aberrante et anti-humaine que les « nouveaux puritains » veulent imposer. Cette fois, contre la prière.


 

Quoi qu’on dise, quoi qu’on pense, la prière demeure une fonction radicale, vitale, fondamentale, de la psyché humaine, elle existe sous une multitude de formes depuis la nuit des temps, elle existe aujourd’hui, continuera à exister dans l’avenir, elle ne s’éteindra pas.

Vouloir éradiquer la prière partout sous toute forme dans l’espace public m’apparait présentement comme une sorte d’aberration anthropologique et historique : jamais l’espace public n’a eu autant besoin qu’aujourd’hui d’une inspiration profonde et universelle, dans le monde, pas hors du monde – et certainement pas hors de « l’espace public », une inspiration qui puisse toucher, ne serait-ce qu’un tant soit peu, et encore plus, si possible, le coeur des pouvoirs (tant qu’ils existent), une inspiration divine en ce monde, pas nécessairement liée aux formulations propres aux diverses dénominations religieuses – mais sans non plus nécessairement condamner fanatiquement chacune de ces dénominations comme le font trop souvent les militants « anti-prière ».

Sous ce rapport, la célèbre Prière à Dieu, de Voltaire, convient extraordinairement bien à notre époque. Il s’agit, comme beaucoup le savent, d’un extrait du chapitre XXIII du Traité sur la tolérance publié en 1763. Voltaire était déiste. Il était anticlérical, mais il n’était pas athée. En fait, le dernier paragraphe de la Prière à Dieu pourrait très bien être prononcé à haute voix par ceux qui le veulent, vu qu’il n’est pas très long, et ne nécessiterait qu’une adaptation mineure quant à deux noms de lieux. On pourrait aussi l’adapter autrement dans une perspective d’universalité.

Je reproduis ici cette prière, l’une des plus belles à avoir jamais été écrites ou prononcées :

« Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.

« Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant. »

Un lien pertinent sur les philosophes du XVIIIe siècle. La majeure partie d’entre eux était déiste, comme Voltaire : Paul Hazard, La Pensée européenne au XVIIIe siècle ; on trouve le livre sous forme électronique sur le site des Grands classiques des Sciences sociales – un site qui, incidemment, a son serveur central au Saguenay … Le maire tremblay et ses opposants devraient tous aller jeter un coup d’oeil.

Les autres pourraient aller lire avec intérêt cet essai d’Alexis Carel : La Prière.


© Copyright 2011 Hamilton-Lucas Sinclair (Loup Kibiloki, Jacques Renaud, Le Scribe), cliquer


Canada : Avez-vous jamais remarqué la présence du pape sur la monnaie canadienne ?

Donc, les croyants athées seraient plus intelligents que les croyants pas athées ..

Edith Piaf censurée au Québec :  les racines védiques du mot et du concept de «Dieu»


Déclaration universelle des droits de l’Homme – Nations-Unies. Texte complet et intégral    –   Depuis 1982, le Parlement canadien – tout comme chacune des législatures du pays – ont le pouvoir constitutionnel de violer, sans aucun recours légal possible, au moins 18 des 30 articles de la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations-Unies, soit les articles suivants1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 17, 18, 19, 20, 26, 29.

Canada, Québec, Ontario …  un proto-totalitarisme souterrain persistant.   –   Canada : Pouvoir dérogatoire canadien et pouvoir dérogatoire hitlérien sont identiques

Documents de référence – La d’Habilitation nazie mars 1933, pouvoir dérogatoire québécois (1975), canadien de 1982. Essentiellement, les extraits pertinents de la Charte québécoise, de la Charte canadienne, et la Loi d’Habilitation allemande de mars 1933 au complet.

Milgram, la torture, l’abîme de l’obéissance. Les candidats sont légion.   –   Le danger d’être canadien, le danger d’être québécois


Réception à la table des nombres

Le Règne de la quantité et les signes des temps de René Guénon

Le vrai portrait de Marguerite Bourgeoys par Pierre Le Ber : un chef-d’oeuvre d’art naïf.   —  Le niqab. On veut l’interdire. Lequel?

Candide de Voltaire.   —   Un coup bavant du Grand Avide – ou Kafka aurait pu l’dire. Fable.  –     Rimbaud, le Bateau ivre, et un « lapsus-coquille » : Je est autre.


Jacques Renaud, ouvrages de fiction en ligne, des notes biographiques.


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