Barnabé entra le matin dans la soute à charbon et tisonna à froid l’amoncellement noir.
La houille lui murmura: «Reviens demain à cinq heures.»
La terre trembla. La brèche s’ouvrait.
Barnabé repartit en titubant et passa la nuit sur le sofa des vivants et des morts que la gardienne de nuit avait disposé dans la chambre.
Il la prit au petit matin par surprise et ne fut pas étonné d’y reconnaître sa cousine. Il s’en fit une bonne amie qui l’accompagna dans ses méandres.
La terre tremblait. On entendait des cris partout. La folie de tous contre tous.
Le soir même, Barnabé revint à la soute à charbon qui rougissait de plus en plus, non sans avoir remis sa clé à sa mère. Elle s’empressa de la glisser dans la poche de son tablier au cas où Barnabé en aurait besoin pendant la veillée.
Puis elle trempa un bout de pain dans la soupe qui s’agitait de plus en plus et chanta : «Trempèèèèttttteeee dernièèèèreee! trempèèèèttttteeee dernièèèèreee!»
Le soir même, donc, Barnabé cuisait quand son amie Louisine vint retirer le capuchon de la marmite.
Barnabé compta les hameçons qui pendaient aux murs de la soute à charbon et s’engagea à tout payer dès qu’il en trouverait l’occasion. Personne ne lui fit ici de remarques désobligeantes, ce qui le consola des marques du destin.
La terre tremblait comme une catin. Le bouillon grossissait et commençait à faire craquer la marmite. Ça chauffait.
Le soir même Barnabé revint à la soute à charbon pour y meurtrir le riz broyé qu’on y avait jeté la veille. Mais il ne rencontra que l’oeil de son père et il eût peur du noir. La terre tremblait en projetant Barnabé dans la boue et les étoiles. Barnabé vit la brèche se briser, un regard d’or et de fer fendre le boulier, et la suie gicler sur les charbons rouges. Il s’écroula dans des constellations de fraises.
La terre tremblait en s’émiettant dans les pleurs et devenait liquide.
Barnabé prit la poudre d’escampette, non sans salir le tablier de sa mère en y puisant la clé et en se sauvant de sa mère qui hurlait : «Trompèèèèttttes! Trompèèèèttttes!»
Barnabé abandonna sa bette, grogna gravement et murmura en attouchant subtilement les modulations de ses accents avec ses doigts pleins de jus de fraises et de suie : «C’est bein verrat, mais c’est comme ça. C’est-tu la fin ou le commencement du monde? »
Et Barnabé entendit sa mère crier : « C’est son milieu de Naine Bedaine, ti-mâle ! C’est la Naine Bedaine au milieu ! Haa haaa ! Ha ! Ha! Haaaaa ! C’est la Naine Bedaine au milieu, miaam miaam !! C’est la Naine Bedaine qui mène les ti-mâles ! C’est la Naine Bedaine qui les mène au milieu !! C’est la Naine Bedaine qui les craque et les croque !! »
Le cinquième conte : Barnabé encore ! ( Neuf contes “surréalistes”, délirants, biscornus 5/9 )
Un chic chat dans l’coma – Un ballon dans un cochon — Elle a trop bu de jus d’ tortue
Le miracle de l’écrivain dans l’donjon – Petit Matou (paroles pour chanson de plage et d’été, tendre, kétaine et rythmée) – La pluie, de ses dents rondes et bleues – Filez, filez, ô mon navire – (poème qui se chante) (et bateau d’avril)
Un coup bavant du Grand Avide, ou Kafka aurait pu l’dire
Crassus le Gigueur ou Comment ouvrir le sol sous les armées – Le Cliquetis de la croquignole — La logique est une muette qui ne cesse de nous faire signe – La soeur d’Absalon, ou le ciel et l’enfer interdits aux comiques
Beaucoup de poèmes de Jacques Renaud ( Loup Kibiloki )
Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : Plusieurs suites poétiques de Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) – Des poèmes à Shiva – Des histoires, des comptines, des contes. En prose ou en versets libres. Parfois bizarres, parfois pas.
Suites poétiques, Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : Les Enchantements de Mémoire – Sentiers d’Étoiles – Rasez les Cités – Électrodes – Vénus et la Mélancolie – Le Cycle du Scorpion – Le Cycle du Bélier – La Nuit des temps – La Stupéfiante Mutation de sa Chrysalide
Oeuvres de fiction de Jacques Renaud ( Loup Kibiloki ) qu’on trouve sur ce blog :
Le Cassé, la novella, avec les nouvelles; la vraie version originale et intégrale, la seule autorisée par l’auteur. — Le Crayon-feutre de ma tante a mis le feu, nouvelle.
L’Agonie d’un Chasseur, ou Les Métamorphoses du Ouatever, novella. – La Naissance d’un Sorcier, nouvelle.
C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer, nouvelle. — Émile Newspapp, Roi des Masses, novella.
Et Paix sur la Terre (And on Earth, Peace), nouvelle. — L’histoire du vieux pilote de brousse et de l’aspirant audacieux, nouvelle
Le beau p’tit Paul, le nerd entêté, et les trois adultes qui disent pas la même chose, nouvelle — La chambre à louer, le nerd entêté, et les quinze règlements aplatis — La mésange, le nerd entêté, et l’érudit persiffleur
Jack le Canuck, chanson naïve pour Jack Kerouac, poème — L’histoire de l’homme qui aimait la bière Molson et qui fut victime de trahison
Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : La Petite Magicienne, nouvelle; La Licorne et le Scribe, nouvelle.
And on Earth Peace, Le Cassé, le joual, Jacques Renaud (Sur Jacques Renaud, l’époque du Cassé, le “joual”.)