1
Qu’est-ce qu’une tragédie ?
Voici.
Il y a une grosse tempête dans l’Atlantique.
Rappelez-vous le Titanic, même si y avait pas de tempête la fois du Titanic.
Le bateau a soif. Il coule dans l’eau glacée.
Le prophète, ou le poète, coule aussi au nom de tous les siens et crie ( il s’est allumé une cigarette et s’est brûlé le doigt) : «Je reviendrai!»
Et il va à la toilette.
Tire la chaîne.
Et l’Atlantique, dégoûtée, se rue sur lui par la bol en rugissant.
Donc, une tragédie, c’est comme genre tempête dans l’Atlantique avec des mélanges de liquides qui provoquent des rugissements d’abysses dans les vécés.
Auparavant, on s’énerve. On se brûle un doigt avec une allumette. On veut crier «ayoye!». On a honte de montrer que ça fait mal. On s’énerve encore plus. On a envie pas possible! On court à la toilette en se tenant.
Et c’est là qu’on crève vécéralement noyé au lieu d’aller faire ça tranquille au large en partageant avec les autres.
C’est une tragédie.
2
«Je me mouille» signifie que l’eau me touche (ça, c’est du littéral). Ça signifie aussi parfois que j’ose m’engager dans quelque chose (ça, c’est du métaphorique). M’engager dans quelquechose comme dans l’eau, par exemple (ça, ça pourrait être du littoral). Tout spécialement si je suis tout nu au bord de l’océan arctique (oui, c’était du littoral). En hiver (du littoral frète). Si vous la frottez assez fort, la glace, ça mouille.
Et ça regèle aussitôt.
C’est idiot d’faire ça !
3
Les bébés vous le diront pas mais ils ont pas besoin de courage pour se mouiller.
4
Un naufragé du Titanic qui s’écrierait, – en tombant dans l’Atlantique au large de Terre-Neuve et en se mettant à nager tout seul en refusant de sauver un enfant, une femme, ou la casquette du capitaine : «Moi, j’me mouille pas!!», serait un naufragé singulièrement doué.
5
Il existe d’autres acceptions de la célèbre expression.
Il est certain qu’un chat qui dit, calmement en le faisant, «je me mioulle», est un chat qui parle.
Si c’est la coque d’un bateau qui dit la même chose, elle connaît son dharma.
6
Si on entend quelqu’un crier : «J’aime et mouille!»
A ) Il s’agit d’une hispanophone s’adressant au monde en français.
B ) Et/ou l’on peut annoncer que dans quelque temps quelqu’un criera, d’une voix encore incompréhensible, quelque chose qui voudra dire «j’ai mouillé!».
La voix proviendra d’une bassinette (si le bébé est précoce).
Ou d’un yacht.
C ) Ou encore, on entendra : «Vous pouvez partir, c’est fini.» La voix pourrait provenir du cabinet du docteur Avorto Sec.
Il ajoutera : «Moi, j’me mouille.»
Et ira à la toilette en disant : «Je reviendrai.»
Comme sur le Titanic.
7
Une poule a beau hurler avec des accents solennels «moi, j’me mouille!!», on l’sait. Et on préfère pas savoir dans quoi. On détourne les oreilles. Une telle réaction est très blessante à l’endroit des poules mouillantes. À ne pas confondre avec l’effet inverse que le détournement d’oreilles produit sur une mouille puante. Quiconque a l’nez croche peut vous l’expliquer.
Par ailleurs, qu’un premier ministre trempe son doigt dans un bénitier et le porte à son front pour prier pendant qu’on bombarde la ville, l’acception de l’expression sera différente et aura une connotation sinon héroïque, du moins sanctifiante.
Il faudra bien préciser qu’il s’agit du doigt.
S’il s’agit d’autre chose que du doigt, ce n’est probablement pas un premier ministre : c’est un acrobate.
Ou un premier ministre acrobate. Y en a, et ils sont souvent assoiffés. Comme le Titanic.
8
Pourquoi toutes ces évocations de drames inhumains?
C’est pour compléter Jétu Magrippe I tout en donnant un exemple aqueux et clapotant de la nature d’une tragédie.
Je reprends donc où j’en étais dans Jétu Magrippe I (avant qu’il rapetisse comme un fétu sous l’effet du feu).
Un jour où je me promenais rue Sparti, j’aperçois donc de la fumée montant du premier étage d’une maison. Je me précipite au deuxième, en sueur (oui, j’me mouille).
J’entre.
Qu’aperçois-je?
Dos à dos : Jétu/Fétu/Foutu Magrippe et John Steinbeck (j’en ai déjà parlé; c’était avant le décès de ce dernier et ce n’est pas là qu’il est mort).
Conscient de mon devoir civique, je crie «au feu!»
Une bonne chose de faite.
Steinbeck sort aussitôt de l’édifice crépitant (l’expression «au feu!» signifiant que le feu est pris).
Jétu/Fétu/Foutu Magrippe, lui, se tourne vers moi, suave, et me dit : « Mon fils, vous avez le feu. Vous suez. Calmez-vous avec votre énervant et ridicule petit « au feu! ». Sachez que les mots ne renvoient qu’à eux-mêmes.»
J’étais certain, certain qu’il allait m’dire ça ! C’est toujours la même chose avec lui !
Si Jétu/Fétu/Foutu Magrippe était sorti immédiatement, comme Steinbeck, sa théorie se serait écroulée avec lui sous l’ardent sifflement mouillant des hoses dont le jet jetait son eau glaciale et titanesque sur toutes têtes.
Conséquent, Jétu/Fétu/Foutu Magrippe est resté sur place, droit, fidèle et carbonisé.
Sa théorie, elle, s’est écroulée, malgré lui, avec lui, sous les cris des pompiers qui criaient : «On t’emmouille!!»
C’était une scène effrayante.
Il a fallu pousser sur Magrippe pour qu’il tombe et se casse en petits morceaux noirs.
Sacré Jétu/Fétu/Foutu ! Il avait pas le choix. D’une manière ou d’une autre, il périssait. Physiquement et/ou intellectuellement brûlé. C’était l’épreuve de l’eau et/ou du feu. On ne nie pas l’eau et/ou le feu. Magrippe était condamné, d’une manière et/ou d’une autre, à perdre la théorie et/ou la face, quoi qu’il fasse/qu’il-ne fasse.
C’est ça, une tragédie.
C’est fini avec Jétu Magrippe. Le quatrième conte : Barnabé dans la Naine Bedaine ( Neuf contes “surréalistes”, délirants, biscornus 4/9 )
Un chic chat dans l’coma – Un ballon dans un cochon — Elle a trop bu de jus d’ tortue
Le miracle de l’écrivain dans l’donjon – Petit Matou (paroles pour chanson de plage et d’été, tendre, kétaine et rythmée) – La pluie, de ses dents rondes et bleues – Filez, filez, ô mon navire – (poème qui se chante) (et bateau d’avril)
Un coup bavant du Grand Avide, ou Kafka aurait pu l’dire
Crassus le Gigueur ou Comment ouvrir le sol sous les armées – Le Cliquetis de la croquignole — La logique est une muette qui ne cesse de nous faire signe – La soeur d’Absalon, ou le ciel et l’enfer interdits aux comiques
Beaucoup de poèmes de Jacques Renaud ( Loup Kibiloki )
Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : Plusieurs suites poétiques de Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) – Des poèmes à Shiva – Des histoires, des comptines, des contes. En prose ou en versets libres. Parfois bizarres, parfois pas.
Suites poétiques, Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : Les Enchantements de Mémoire – Sentiers d’Étoiles – Rasez les Cités – Électrodes – Vénus et la Mélancolie – Le Cycle du Scorpion – Le Cycle du Bélier – La Nuit des temps – La Stupéfiante Mutation de sa Chrysalide
Oeuvres de fiction de Jacques Renaud ( Loup Kibiloki ) qu’on trouve sur ce blog :
Le Cassé, la novella, avec les nouvelles; la vraie version originale et intégrale, la seule autorisée par l’auteur. — Le Crayon-feutre de ma tante a mis le feu, nouvelle.
L’Agonie d’un Chasseur, ou Les Métamorphoses du Ouatever, novella. – La Naissance d’un Sorcier, nouvelle.
C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer, nouvelle. — Émile Newspapp, Roi des Masses, novella.
Et Paix sur la Terre (And on Earth, Peace), nouvelle. — L’histoire du vieux pilote de brousse et de l’aspirant audacieux, nouvelle
Le beau p’tit Paul, le nerd entêté, et les trois adultes qui disent pas la même chose, nouvelle — La chambre à louer, le nerd entêté, et les quinze règlements aplatis — La mésange, le nerd entêté, et l’érudit persiffleur
Jack le Canuck, chanson naïve pour Jack Kerouac, poème — L’histoire de l’homme qui aimait la bière Molson et qui fut victime de trahison
Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : La Petite Magicienne, nouvelle; La Licorne et le Scribe, nouvelle.