Le Scorpion à Bicyclette

Dix milliards d’étoiles sont tombées
avec une jambe de bois rapiécée;
dix milliards de scorpions gavions
se ruent comme sur du bonbon.


Dans Le Scorpion à bicyclette (le texte qui suit, un peu plus bas), on trouve deux personnages centrals :

Ça roule...

Oui, ça roule…

a)  Le premier, un scorpion qui roule à bicyclette.

b)  Le second, Long John Silver (Long John Argent).

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas, ou n’ont jamais lu le roman de Robert-Louis Stevenson , L’Île au Trésor ( Treasure Island ), ou n’ont jamais vu l’un des films que le roman a inspirés, retenez que le leader des pirates, dans le roman de Robert-Louis, s’appelle Long John Silver.

J’ai traduit par “Long John Argent” ( longues ovations… merci… je vous en prie…  merci… non, c’est trop… ).  Ouf… (vous savez, la notoriété, c’est… Ouf…).

Long John Silver – Long John Argent – est unijambiste.

Il se déplace avec une jambe normale et une jambe de bois.

Bonne randonnée …


Le Scorpion à bicyclette

Un scorpion à bicyclette
se roule une cigarette,
le pif planté dans le soleil
le menton en tire-bouchon;

la lune le mord et puis geint
en se la tenant à deux mains,
sa joue, où roule sans fin
la dent qu’elle s’est cassée en mordant.

Le scorpion à bicyclette
roule sur une cigarette,
le nez dans la fumée d’asphalte,
les pieds sur les pédaliers plates:

il n’entend pas
la plainte du tabac
qui monte comme une colonne
de fumée dans la couche d’ozone.

Le scorpion sur sa cyclette
mange une tonne d’omelettes (il a faim).
Qu’importe la lueur du frette,
au scorpion que le Pôle Nord guette.

Un scorpion en unicycle
écrase une chiclet qui gicle
son jus doré sur les pins.
Long John lui fait signe de la main.

 

Le scorpion, pas d’jambe de bois,
creuse un puits dans le bois;
il campe ce soir là-bas
pour la cérémonie du trépas.

La roue du monde tourne,
tourne et emporte le gars,
le scorpion qui campe là-bas
dans un trou-garou qui aboie.

Le scorpion à bicyclette
roule perpendiculairement
jusqu’au milieu de la planète
en cherchant désespérément

le trésor de Long John Argent,
fourré dans un sac écœurant;
il se cache dans le ciel plein d’étoiles,
Long John, avec son sac de toile.

Le scorpion à bicyclette
atteint le feu qui giclette
et qui tonne au milieu du monde;
on l’entend des fois, pis ça gronde

dans nos greniers, hiver comme été:
ça fait jouir coquerelles et araignées,
ça lance des souris dans le salon,
ça effraye les bons vieux garçons.

Le scorpion, en bicycle à roues
remonte, les cheveux pleins d’poux,
le crâne hurlant, les yeux en feu,
suant sur son pédalier d’feu.

Le scorpion à bicyclette
file autour d’la planète,
le nez siphonnant le soleil,
les cycles cliquetant de bébelles.

Cent scorpions font la fête,
ils chantent comme cent squelettes
qu’on entend dans nos oubliettes
quand l’hiver fouette et claque de frette.

Cent scorpions, cent squelettes,
nus comme des p’tites grenouilles vertes,
sillonnent et font bruire la planète
en grinçant comme des gonds sur du frette.

Mille scorpions, queue en l’air,
piquent mille nuages dans l’air
en pédalant du fond d’la bouche
au bord de l’abîme et du gouffre.

Un milliard de scorpions décacycles
dansent dans le feu de leurs cycles
avec des grenouilles blanches comme du sable
qui crient en invoquant le diable.

Dix milliards de scorpions sportifs
roulent en hyper-décacycles
à des vitesses hyperlubriques
en défonçant des murs de briques.

Dix milliards de scorpions non-fumeurs,
par le maudit scorpion en bicycle,
qui fume, mis en fureur,
se ruent sur le prédaleur.

Mais le scorpion décacycle,
qui fume de ses pieds en feu
se tourne en leur hurlant: «Beu!»
Dix milliards de scorpions prennent feu!

Le scorpion à bicyclette
se penche et ramasse les squelettes,
les enrobe dans leurs vieilles peaux défaites
et repart pédaler la planète.

Le soleil lui sort par les yeux,
il ne fut jamais si heureux.
Long John Argent le surveille
du fond de sa cachette aux cieux.

Long John, avec le Scorpion qui planète,
veut partager son sac de recettes,
son vieux sac sale, plein d’galette,
de trésors, de diamants pis d’omelettes.

Long John le surveille en tenant
son sac de merveilles qui luit,
son sac hideux, rempli d’fruits,
pour le fou qui pédale assis.

De ses vingt bras et dix jambes,
le scorpion fou décampe
sans raconter son aventure.
Personne va l’crouère, ça c’est sûr.

Le scorpion, sur l’horizon,
roule en décacycle, en caleçon.
Le soleil en son grand sein le fond,
bouillonnant comme un volcan d’savon.

La nuit, on peut l’apercevoir,
noir sur ses cycles de gloire,
courir la galipote au ciel
avec diables, gripettes et pères noëls.

Hommage au scorpion pas d’fond,
sur ses cycles de gloire en caleçon,
la bouche remplie de merveilles,
son pédalier plein d’étincelles.

C’est vrai qu’ça pas d’allure, son affaire;
qu’ça tient pas d’bout, son histouère.
C’est vrai qu’ça s’peut pas tout ça:
même le scorpion rit pis s’croit pas.

Et Long John, qui surveille le trésor,
l’entend rire, et de rire se tord:
que l’monde le crouèye pas, tant mieux!
Ça va en faire plus pour nous deux!

Le scorpion à bicyclette,
les dents mordant dans sa chiclet,
pédale dans des ruelles de bébelles
en dardant son dard vers le ciel.

«C’t’assez, crie Long John, arrête!
Le ciel en peut pus, sa tête pète:
si t’arrête pas d’rouler comme un con
on va s’faire erpitcher dans l’fond!»

Mais le scorpion, qui s’sacre du fond,
se sacre autant de s’y faire erpitcher.
Pas d’répit, il pédale à fond
en haut, sur les bords, d’ins bas-fonds.

«Si tu veux que j’m’arrête, Long John,
Lâche ton paquet over tout le monde,
ton trésor dans ton sac immonde!
Non!? Dans c’cas-là, ton sac, je l’défonce!»

Dix milliards d’étoiles sont tombées
avec une jambe de bois rapiécée;
dix milliards de scorpions gavions
se ruent comme sur du bonbon.

Et le scorpion décacycle,
écœuré par la gagne qui s’excite,
er’pitche les tonnes de pépites
dans le grand sac noir à Long John.

C’est un gros scorpion sportif,
un gros scorpion idéaliste
qui roule, tiré par son pif.

C’est un gros scorpion décacycle,
les dents dans sa chiclet à vif.

C’est un gros scorpion qui va vite,
qui file par les rues d’Amérique,
la tête à l’envers en Afrique.

Le scorpion à bicyclette,
la bouche remplie de chiclet,
s’allume une cig en bonbon
au lighter du grand soleil blond.

Il répare la dent de la lune,
sent une odeur qui l’allume,
crache sa chiclet qui goûte pus
et chante à tue-tête dans la nue:

«L’horizon est comme un highway
qui sent la spearmint à plein nez;
un scorpion à l’âme bien née
la sent de son pif aimanté,
la gobe, pis se r’met à mâcher.»

Le scorpion à bicyclette,
la bouche pleine de spearmint en fête,
craquant comme cent allumettes,
plein d’feu, sillonne la planète.

Années 1960s


© Copyright 1960, 1989, 2013 Hamilton-Lucas Sinclair ( Loup Kibiloki, Jacques Renaud, Le Scribe ), cliquer


 

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Oeuvres de fiction de Jacques Renaud ( Loup Kibiloki ) qu’on trouve sur ce blog :

 Le Cassé, la novella, avec les nouvelles; la vraie version originale et intégrale, la seule autorisée par l’auteur.

Le Crayon-feutre de ma tante a mis le feu, nouvelle.   —   L’Agonie d’un Chasseur, ou Les Métamorphoses du Ouatever, novella.    –   La Naissance d’un Sorcier, nouvelle.

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Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) :  La Petite Magicienne, nouvelle  –  Héraclite, la Licorne et le Scribe, nouvelle.


 

Sur Le Cassé de Jacques Renaud, des extraits de critiques

Jadis, la liberté d’expression régnait dans ma ruelle, ou La ruelle invisible

Le Cassé de Jacques Renaud : le vrai, le faussé, le faux  (A-t-on voulu détruire la carrière de l’auteur ?)

Sorel : En 2012, on y censure Dieu et Edith Piaf. En 1971, on y censurait Le Cassé de Jacques Renaud…

And on Earth Peace, Le Cassé, le joual, Jacques Renaud  (Sur Jacques Renaud, l’époque du Cassé, le “joual”.)


 

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