Ils toussaient tous, las.
Ça faisait quelques siècles qu’ils attendaient. Ça sentait la catastrophe molle. C’était la Toussaint des tousseux .
Certains étaient morts. Les vers de l’oubli venaient les ronger. Souvenir après souvenir.
Des tuberculeux illettrés (ça se corserait?), par solidarité, s’étaient joints à eux (comment résister!). Ça toussait. Pire qu’au concert. Pire qu’à messe. Toussent timbrés. Toussent posthées. Toussent insultés. Toussent collés stiff.
Ils se dérhumaient, dérhumaient, dérhumaient.
Une tête forte était déjà partie en crachant la porte et en lançant cette parole qui, par la suite, devint célèbre dans tout le pays: «Maudite gagne de caves!» Selon une scripette-assistante, il aurait ajouté : «Vous vous userez la guelotte en d’inutiles logomachies»(j’essaie d’y myther).
La Banque Centrale disait rien. La Banque Centrale est polie. La Banque Centrale parle pas la poche pleine.
L’incident datait d’au moins cent ans. «Tête forte», avaient pensé les tousseux. «Chercheur de trésors, dragon rouge», avaient pensé les autres. Astheure, y voulaient à tout prix dire queuq’chose, point virgule. Il le fallait. Queuq’chose. C’était de mise. De mise comme le port du smoking, la soupe ovaires-missels, la voiture pile-patate, le transistor à zipper.
Le temps passa. On toussait par tradition. Sans s’en rendre compte. Petits toussottements. Petits toussotements. Ils attendaient maintenant le conférencier de la secte Kilmankarkanne-Holy qui devait venir leur dire comment pouvait se dénouer les millions de doigts tordus à même le drame à défaire.
Le conférencier est pas venu. Bête de même. Ça vous coupe une histoire.
La secte n’apprendrait jamais pourquoi le conférencier de la secte Kilmankarkanne-Holy, qui était, à ses heures et à celles de tout le monde, écrivain, avait décidé de ne plus écrire. Il avait manqué l’avion. Ou la marche. Le bateau, le radeau ou l’autobus. Ou bien s’était-il aperçu, à la dernière minute, que son zèbre était bipède et qu’il ne pouvait le chevaucher sans le faire ployer vers le devant? Dangereusement? Vers le fond du monde?
Ou peut-être s’était-il, par inadvertance, tranché les veines du poignet sur l’arête trop vive d’une angoisse métaphysique?
Ou bien s’était-il coïncé le doigt entre les piquets rapprochés d’un deux points qui, désespérément, lascivement, ne s’ouvrait sur rien? Où donc ce nomade était-il allé planter sa tante? Avait-il sauté avec les deux bombes puantes qu’il était allé déposer, l’une au siège de la revue Conserves, la moitié d’une autre dans les studios radiotélés d’Hypnose-Canada, et l’autre moitié au comptoir des éditions Mensonge? Avait-on oublié de le convoquer?
On commençait à le croire, les nouvelles vont vite, et on est crédule quand on est fatigué.
Mais nul ne sut jamais.
Oncques ne vîmes le sieur écrivain. Oncques ne sûmes ce qu’il en advint. De lui ou de la secte Kilmankarkanne-Holy. On se moucha du doigt, des doigts devrait-on dire, du bras, des bras, des genoux, des orteils, de la plante des pieds.
Un coup bien huilé, chacun rentra chez soi. Qui, au cimetière, qui, au sanatorium, qui, au parlement, qui, à Hypnose-Canada, qui, n’importe où, qui, à qui qui.
De l’écrivain à ses heures et à celles des autres?
Oncques ne sûmes ce qu’il en advint.
Épilogue :
Y est mort et enterré! La la!
Y est mort et enterré! La la!
Latrouille s’en va-t’en gueeeerrrre,
ris mon thon, c’est comique en baptêêêêêême!
(Sur l’air de «Y avait un jambon jaune pendu au clou
rouge d’la patente à Charles» – cf La Baronne Chanson.)
Le huitième conte approche … Un contaproche, c’est une sorte de contabroche, ça tient bien quand c’est tordu solide. Le huitième conte : La Saga des Ose-un-Peu (Neuf contes “surréalistes”, délirants, biscornus 8/9 )
Ce huitième conte, c’est une introduction au peuïsme. Un conte peuïste. Il était un peu temps. C’est un conte un peu extrême, c’est-à-dire très modéré. Les agents massemédiatiques aiment beaucoup un peu.
Vous l’avez remarqué, c’est sûr: les agents massemédiatiques utilisent abondamment «un peu», comme dans : «C’est un peu extrême» (équivalent de «C’est très modéré»).
Ou comme dans : «Les gens sont un peu fâchés de se faire frauder» (c’est-à-dire qu’ils sont «très satisfaits» de se faire frauder).
Nous sommes entrés, depuis plusieurs années, dans une ère d’abondance d’ «un peu» partout sur les ondes. Les agents massemédiatiques sont devenus de fidèles et constants répeuteurs peuïstes.
Vous l’avez remarqué? Non? Vous l’avez un peu remarqué, non?… Juste un peu ? Un tout, tout petit petit peu ? Non?! Ben ouèyons?!… )
Un chic chat dans l’coma – Un ballon dans un cochon — Elle a trop bu de jus d’ tortue
Le miracle de l’écrivain dans l’donjon – Petit Matou (paroles pour chanson de plage et d’été, tendre, kétaine et rythmée) – La pluie, de ses dents rondes et bleues – Filez, filez, ô mon navire – (poème qui se chante) (et bateau d’avril)
Un coup bavant du Grand Avide, ou Kafka aurait pu l’dire
Crassus le Gigueur ou Comment ouvrir le sol sous les armées – Le Cliquetis de la croquignole — La logique est une muette qui ne cesse de nous faire signe – La soeur d’Absalon, ou le ciel et l’enfer interdits aux comiques
Beaucoup de poèmes de Jacques Renaud ( Loup Kibiloki )
Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : Plusieurs suites poétiques de Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) – Des poèmes à Shiva – Des histoires, des comptines, des contes. En prose ou en versets libres. Parfois bizarres, parfois pas.
Suites poétiques, Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : Les Enchantements de Mémoire – Sentiers d’Étoiles – Rasez les Cités – Électrodes – Vénus et la Mélancolie – Le Cycle du Scorpion – Le Cycle du Bélier – La Nuit des temps – La Stupéfiante Mutation de sa Chrysalide
Oeuvres de fiction de Jacques Renaud ( Loup Kibiloki ) qu’on trouve sur ce blog :
Le Cassé, la novella, avec les nouvelles; la vraie version originale et intégrale, la seule autorisée par l’auteur. — Le Crayon-feutre de ma tante a mis le feu, nouvelle.
L’Agonie d’un Chasseur, ou Les Métamorphoses du Ouatever, novella. – La Naissance d’un Sorcier, nouvelle.
C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer, nouvelle. — Émile Newspapp, Roi des Masses, novella.
Et Paix sur la Terre (And on Earth, Peace), nouvelle. — L’histoire du vieux pilote de brousse et de l’aspirant audacieux, nouvelle
Le beau p’tit Paul, le nerd entêté, et les trois adultes qui disent pas la même chose, nouvelle — La chambre à louer, le nerd entêté, et les quinze règlements aplatis — La mésange, le nerd entêté, et l’érudit persiffleur
Jack le Canuck, chanson naïve pour Jack Kerouac, poème — L’histoire de l’homme qui aimait la bière Molson et qui fut victime de trahison
Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) : La Petite Magicienne, nouvelle; La Licorne et le Scribe, nouvelle.
And on Earth Peace, Le Cassé, le joual, Jacques Renaud (Sur Jacques Renaud, l’époque du Cassé, le “joual”.)