En février 2012, à Sorel, au Québec, à l’école Saint Gabriel Lalemant, on censure Hymne à l’Amour d’Édith Piaf à cause du mot «Dieu».
On biffe la finale, le verset qui vous arrache les larmes des yeux, on élimine le mot «Dieu» en biffant «Dieu réunit ceux qui s’aiment…», on veut pas que les enfants chantent ce verset dans leur spectacle de fin d’année (Le Devoir, février 2012).
Si on veut nous laver de grands pans de mémoire à grandes eaux, mettons le paquet et censurons massivement, par exemple, François Villon : Dieu partout, ça revient 52 fois rien que dans Le Grand Testament de 1461!
Et sa Ballade des Pendus (extraits) :
Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six:
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Le verset «Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre» revient quatre fois dans le poème, et Dieu, cinq fois en tout. On peut lire ici La Ballade des Pendus au complet (cliquer). C’est une espèce en péril au Québec, surtout avec «Dieu» en finale …
On peut raffiner. Par exemple : faudra-t-il aussi censurer Cendrars et Pâques à New York ?
Extrait :
«Je suis comme ce bon moine, ce soir, je suis inquiet.
«Dans la chambre à côté, un être triste et muet
«Attend derrière la porte, attend que je l’appelle!
«C’est Vous, c’est Dieu, c’est moi, — c’est l’Éternel.»
Ou, à la limite, en raffinant encore, sa Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913, texte intégral) ? Extrait :
«Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe…
«Et le soleil était une mauvaise plaie
«Qui s’ouvrait comme un brasier.»

Jehanne (Jeanne d’Arc) était analphabète mais un aide de Charles VII lui avait appris à signer son nom. Cette signature est un facsimile de la signature originale de «la petite Jehanne de France»… Source : cliquer.
Rien que le titre en est subversif : «… et de la petite Jehanne de France»! C’est ainsi que «Jeanne d’Arc» signait son nom : «Jehanne». Elle était analphabète mais elle avait appris à signer son nom à la cour de Charles VII. Et vous savez quoi? Jehanne a souvent parlé de Dieu! Oui oui. Et c’était une sainte! Elle osait même dire à Charles VII que le peuple français ne lui appartenait pas!
Oui, la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France est une oeuvre subversive et il ne faut surtout pas que les étudiants dans les écoles aient accès au code!
Aux savons, citoyens! À la moppe! Aux ciseaux, inquisiteurs! On a des tê(x)tes sur la planche! Cachez ce Dieu que je ne saurais voir. Au fil des décennies, on a recyclé les feuilles de vignes : du cache-sexe au cache-Dieu …
Edith Piaf censurée au Québec : l’origine védique de «Dieu». – 2012 : On censure Edith Piaf et Dieu à Sorel. En 1971, on y censurait Le Cassé de Jacques Renaud… – Edith Piaf, sur Wikipedia en français – Edith Piaf, on Wikipedia, in English
Le Cassé de Jacques Renaud (texte intégral en ligne)
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