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«Chaque mot que nous disons est frémissant d’histoire..» — Carl G. Jung
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Une chose, un objet, n’importe lesquels, qui n’auraient pas d’histoire, n’existeraient pas. Tout simplement. Littéralement. Pfuitt. Néant.
Le plus petit caillou a une histoire. Une histoire géologique. Demandez à un bon géologue. Un arbre a une histoire. Un chien a une histoire. Son pedigree en fait partie. Une région a une histoire, vous avez une histoire, votre famille a une histoire. La société où vous avez vécu et où vous vivez a une histoire. N’importe quel groupement animal ou humain a une histoire.
Toutes ces choses ont une histoire. Sinon, aucune de ces choses n’existe. Littéralement.
Parce que toute chose est mûe ou se meut dans le temps et l’espace, toute chose a une histoire. Une sorte “d’enchaînement propulsif dans le temps”. La tempête a une histoire. La neige a une histoire. Même le vent le plus doux.
Un peuple a une histoire. Sinon il n’existe pas. N’a jamais existé. Littéralement. Il est néant. Il n’est pas.
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1837-1838 – Rébellion des Patriotes Canadiens-Français dans le Bas-Canada. Rébellion écrasée dans le sang par l’armée anglaise et des milices de fanatiques. Plusieurs Patriotes sont pendus. D’autres sont jetés en prison. Ou exilés pour toujours. La chanson « Un Canadien Errant » est beaucoup plus qu’une fiction profondément émouvante.
Le Parlement Canadien était situé à Montréal. Les Tories, des fanatiques anti-Canadiens-Français, par dépit, incendieront le Parlement quand ce dernier votera des fonds de réparations pour venir en aide aux victimes collatérales de la rébellion – ce qui signifie que, dans une large mesure, un grand nombre des victimes de l’armée britannique et des milices anti-canadiennes-françaises étaient des Canadiens-Français qui n’étaient pas nécessairement des patriotes combattants mais des civils désarmés.
Le Parlement ne sera jamais reconstruit à Montréal. On le reconstruira ailleurs. Dans un coin perdu. À Ottawa. Décision de la Couronne britannique. Même la reine Victoria n’avait plus confiance dans les brutes blokes du Bas Canada.
1839 – Lord Durham est envoyé au Bas Canada par Londres pour rédiger un rapport destiné à la Reine sur la Rébellion de 1837-1838. (Note : Apparemment, Durham ne connaît par la langue française, ou très peu.) Il livre son rapport en 1839.
À la page 95 de son Rapport, vers la fin, il écrira notamment, des French Canadians : «They are a people with no history…» Les Canadiens-Français «sont un peuple qui n’a pas d’histoire…»
Ou, en d’autres mots, vous l’aurez compris : les Canadiens-Français n’existent pas. On a vu tout ça plus haut à propos des cailloux. Ou des arbres. Ou des tempêtes. Ce qui n’a pas d’histoire n’existe pas.
Le Rapport Durham, vers la fin, se conclut donc, entre autres, par cette étrange expression d’inexistence des Canadiens-Français. C’est une expression d’inexistence qui va sceller plus solidement que jamais une dissonance cognitive grave, déjà existante, dans la psyché profonde du Canada-Anglais, une dissonance cognitive fondamentale, toujours présente et active aujourd’hui, ressurgissant régulièrement : le peuple qui s’est rebellé en 1837 dans le Bas Canada, ce peuple-là, « n’a pas d’histoire »… Donc il n’existe pas. Il faut donc le faire disparaître, l’effacer, puisqu’il … n’existe pas. Et tout rentrera dans l’ordre. La dissonance cognitive peut, dit-on, induire une névrose et conduire au délire.
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« La dissonance survient quand les personnes sont confrontées à une information qui n’est pas cohérente avec leurs croyances.
« Si la dissonance n’est pas réduite en changeant sa propre croyance, elle peut avoir pour effet la restauration de la cohérence au moyen d’une perception erronée de cette information non cohérente, du rejet ou de la réfutation de cette information, en recherchant le soutien d’autres personnes qui partagent les mêmes croyances, et en tentant d’en persuader les autres. » Ouf.
Wikipedia, Dissonance cognitive
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La volonté d’effacer les Canadiens-Français de la réalité des choses, voire de la surface de la Terre, s’exprime encore aujourd’hui, – parfois sous une forme qui tient à la fois d’un mélange de solennité, de haine, de délire névrotique (comment dire?).
Ainsi, En 1977, l’ancien Premier Ministre du Canada, Pierre Elliot Trudeau, le père de Justin Trudeau (présentement, en 2024, lui aussi, Premier Ministre du Canada et qui oeuvre depuis des années à nous noyer sous le poids d’une immigration massive et, de toute évidence, sciemment “incontrôlée” – Rapport Durham oblige), — Pierre Elliot Trudeau, donc, déclarait, lui, en 1977 devant le Congrès des États-Unis, faisant aussi écho au Rapport Durham mais allant plus loin, que l’indépendance du Québec serait «un crime contre l’Histoire de l’humanité»…»
C’est dire que les 7,000,000, et un peu plus, de Canadiens-Français du Québec, commettraient, par leur simple croissance et leur désir d’indépendance, par leur histoire, un crime contre l’histoire de l’humanité elle-même, c’est-à-dire, comme on l’a compris, contre l’existence même de l’humanité.
La névrose des Canadians, leur haine profonde des Canadiens-Français, leur monstrueuse dissonance cognitive, se muait en adoration pour Pierre Trudeau. Ça vous rassure?
« L’indépendance du Québec serait «un crime contre l’Histoire de l’humanité»…» disait Trudeau. De là à suggérer, voire à prôner carrément le génocide des Canadiens-Français dans le but d’éviter que ces derniers ne commettent un tel crime, il n’y a qu’un tout petit pas à franchir. Tout petit. Le Rapport Durham de 1839 en est en grande partie la semence et s’est transformé en une sorte de cinquième évangile inverti et meurtrier.
Suicidaire et contaminé – vraisemblablement sans le savoir, – François Legault, Premier Ministre du Québec, a d’ailleurs déjà retiré, comme un zombie dormant, le crucifix catholique de l’Assemblée Nationale du Québec, s’attaquant ainsi, lui aussi, à l’histoire du Québec, c’est-à-dire à l’existence du Québec – mais en y laissant les symboles de la royauté britannique…
Or, le Pape de l’Église anglicane c’est la Couronne Britannique… Beaucoup de gens ne savent pas ça. Le cinquième évangile inverti de Lord Durham et la papauté anglicane veillent dorénavant, sans nous, sur l’Assemblée Nationale du Québec. Bonnes gens, ne dormez que d’un oeil : Les houles de l’inconscient collectif se transforment parfois en tsunami.
( Note : Pour ceux qui ne comprendraient pas très bien, vous pouvez, par exemple, chercher “dissonance cognitive” sur internet et lire plusieurs descriptions du phénomène et de ses conséquences sur la santé mentale. C’est un bon début. Et ne vous contentez pas d’une seule petite entrée. Ne vous gênez pas: devenez des pros. )
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« Chaque phrase contient une longue histoire, chaque mot que nous disons est frémissant d’histoire [.. « has a tremendous history»], chaque métaphore est pleine de symbolisme historique; les mots n’auraient aucune portée, aucune, si ça n’était pas vrai.
Nos mots sont chargés de la totalité de cette histoire qui fut jadis si vivante et qui continue d’exister en chaque être humain. Avec chaque mot, nous touchons une fibre historique dans nos semblables et c’est ainsi que chaque mot prononcé fait vibrer la même corde dans tous ceux qui parlent la même langue.»
— C’est de Carl G. Jung, psychiatre et psychanalyste suisse de renommée mondiale; extrait de Dream Analysis, 1958 ; traduit par moi de la traduction anglaise du texte original en allemand.
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Un caillou a une histoire. Un arbre a une histoire. Toute chose a une histoire. On a vu tout ça.
Dire d’une chose, d’un objet, d’un groupe d’êtres humains, en dire qu’ils n’ont pas d’histoire, c’est en dire qu’ils n’existent pas. Littéralement. C’est dire qu’ils ne se sont jamais mûs dans l’espace et dans le temps. Ni maintenant, ni avant. Ils ne sont pas là. Ni nulle part ailleurs.
C’est simple. C’est terriblement simple.
Affirmer, comme Durham, l’inexistence d’un peuple qui s’est rebellé – quand, en plus, on l’a eu sous le nez, après coup, pendant des mois, – est le signe, déjà, d’une névrose profonde. Pour Lord Durham, en définitive, si le peuple Canadien-Français n’existe pas, il faut donc … le faire disparaître! Je me répète. Le noyer. Pourquoi? Pour justifier la dissonance cognitive, la conserver, la cultiver, la chérir, la garder, pour justifier la dissonance cognitive canadienne-anglaise.
Durham propose donc, dans son Rapport, la noyade collective des Canadiens-Français par l’assimilation. Et ainsi faire disparaître ce malaise constant causé par la dissonance cognitive dans la psyché collective canadienne-anglaise. Le simple fait de l’existence de ce peuple des French Canadians étant, en soi, un scandale. Ou une aberration. Une douleur psychologique constante pour les Canadiens-Anglais…
Ils en sont malades depuis longtemps. Et voudraient bien nous rendre malades comme eux. Je me suis fait dire carrément, out of the blue, par un anglo qui nétait pas fâché, pas du tout, en Ontario, qu’il souhaitait que nous crevions tous.
Les Anglos-Canadiens ont aussi souvent recours à la pitíé et à la bonté pour vous transformer en anglo dissonant. Vous savez, la tête un peu penchée vers la gauche. Il ont recours à des manières et à des tons de pitié pour nous. L’amour. La compassion. Vraiment, les rois de la bigoterie.
J’ai vécu neuf ans à Ottawa. J’ai tout vu ça. Entendu tout ça. Et ils s’y emploient, à la chose. Tenaces. Bavouillant d’amûûûr. D’une prétention insupportable.
Les non-anglos assimilés s’y emploient aussi. Comme des petits singes dressés, fidèles à leurs maîtres. Ils entendent un mot de vous, vous identifient immédiatement par votre accent du Québec, et se mettent à vous prêchouiller le Canada comme s’ils parlaient à un attardé mental ou à un bout-de-chou de sept ans. Minables bigots. Et heureux de l’être. Certains semblent parfois, cependant, sortir de la transe, muets, les yeux vides, quand on leur mentionne qu’on est là depuis 1608.
Il dépend entièrement de nous de savoir dire non à ces singeries gnagnanes et nauséeuses.
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En résumé :
Quand, en 1839, vers la fin de son Rapport sur la Rébellion Patriote de 1837-1838 dans le Bas Canada, Lord Durham dit que les French Canadians sont un peuple… qui n’a pas d’histoire (!), il crée, du coup, et scelle – compte tenu de la nature du Rapport qu’il a rédigé – une dissonance cognitive durable et têtue qui va s’enraciner profondément dans la psyché profonde des Canadiens-Anglais. Jusqu’à ce jour.
Pour guérir de cette dissonance cognitive, les Canadiens-Anglais doivent faire disparaître les Canadiens-Français.
Durham propose l’effacement des Canadiens-Français par l’assimilation, par la noyade culturelle et linguistique dans le magma dissonant de l’inconscience et de l’insconscient canadien-anglais. Pour notre bien, évidemment. Ils me l’ont dit. Car les Canadiens-Anglais se considèrent comme moralement et culturellement supérieurs. Ça aussi, c’est dans le rapport Durham de 1839. Cette attitude existe toujours aujourd’hui.
Il vaudrait évidemment mieux pour eux (et pour nous) qu’ils se séparent de nous – mais ce serait, pour eux, admettre que nous existons.
En attendant. Le Canada est une névrose. Il faut en sortir.
Je salue l’entière diaspora canadienne-française et le Québec de la Fleur de Lys.
© copyright 2024 Hamilton-Lucas Sinclair (aka Loup Kibiloki, aka Jacques Renaud)
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La métaphore du chalet au bord du lac (3). Le passé n’est pas “derrière” nous. William Faulkner.
La métaphore du chalet au bord du lac (4). Le passé n’est pas “derrière” nous. La nation Métis.
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Quelques parallèles à faire avec les Confédérés, ceux que les vainqueurs ont appelés les rebelles et dont le drapeau, aujourd’hui, est vu comme un symbole de racisme, voire de fascisme et banni en beaucoup d’endroit? On déboulonne les statues du général Lee alors qu’il était moins esclavagiste que Lincoln. Sous toutes les latitudes, la liberté fait peur à l’empire. Cela dit, les patriotes étaient de drôle de moineaux qui comptaient parmi leurs rangs des ”rattachistes” qui rêvaient de devenir Américains ; dans leur projet figurait le bilinguisme d’état. Ce qui me fait dire que c’est peut-être une chance que leur projet n’ait pas abouti.
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Je te répondrai quand tu auras compris le texte auquel tu te réfères – autant que j’ai compris ce que j’ai moi-même écrit. En fait, ton commentaire est indigent au point de donner l’impression que tu n’as pas lu le texte, sinon deux trois lignes.
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Indigent! Peut-être, mais certainement pertinent. Car un n’exclut pas l’autre, Qu’est-ce qui vous a mis hors d’état dans mon texte? Ma référence aux patriotes rattachistes? C’est pourtant un fait indéniable que même les moins honnêtes des ”fact checkers” ne sauraient nier,
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Des “rattachistes” … Tout ce que vous avez à dire c’est qu’il y avait des “rattachistes” ?!? Des “bilinguistes”?!? De toute évidence, je maintiens que vous n’avez pas lu ni surtout compris la dimension pourtant plus qu’explicite du texte que vous commentez.
Évidemment qu’il y en avait. Des milliers ? Je ne sais pas. Mais la Rébellion de 1837-38 a lieu au milieu d’un EXODE massif des Canadiens-Français vers les États-Unis au XIXe siècle que des historiens font débuter dès 1820, d’autres, dès 1826 et qui se prolonge bien au-delà de 1839, date de publication du fameux Rapport de Lord Durham. Dans un tel contexte, il me semble impossible qu’il n’y ait pas eu des “rattachistes” ou des “bilinguistes” parmi les Patriotes…
Mais mon texte, encore une fois, ne porte pas là-dessus.
Il porte sur quelquechose d’infiniment plus fondamental que tu n’as, de toute évidence, ni vu, ni saisi, ni compris …
Ma foi, c’en est comique. Tu n’as vu que le doigt, comme dit le proverbe chinois. Et tu persistes. Question de Q.I., peut-être. Ou de dissonnance cognitive …
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Bien sûr, c’est un long texte aux multiples facettes que je n’ai pas voulu commenter en long et en large. Je ne faisais que souligner la convergence des ”impérialismes” au nord comme au sud et que les dits patriotes étaient bien mal avisés de s’en remettre à l’un plutôt qu’à l’autre. Aujourd’hui, on donne aux dits patriotes une identité et un but qu’ils n’avaient pas pour la plupart c’est pourquoi il me semblait bon de le souligner. Je persiste à croire que si les patriotes avaient eu gain de cause nous serions tous assimilés aujourd’hui,
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En passant, un être supérieur en intelligence ne s’abaisserait jamais à insulter les humbles qui, malgré leurs limites, essaient de comprendre du mieux qu’ils peuvent.
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