And on Earth, Peace – nouvelle de Jacques Renaud.

L’écrivain Jacques Renaud, auteur de “Et Paix sur la Terre” et de “Le Cassé”. Fragment d’une photo du cinéaste Jean Beaudin prise au milieu des années soixantes. Fragment posted under Fair Use.

And on Earth, Peace a été publiée pour la première fois en 1963 (ou 1964) dans la revue québécoise Parti Pris.

Cette nouvelle de Jacques Renaud, où la langue populaire surgissait soudain dans la narration, annonçait le coup d’envoi de la nouvelle littérature québécoise en langue populaire, ce que l’establishment québécois a appelé le “joual” (l’auteur n’a jamais donné lui-même de nom à la langue ou au niveau de langue qu’il utilisait).

Quelques mois plus tard, le 17 novembre 1964, paraissait Le Cassé, du même auteur, un recueil de nouvelles dans lequel on retrouvait And on Earth, Peace, et qui poursuivait plus loin l’écriture joualisante au point où Le Cassé a marqué, jusqu’à ce jour, l’histoire et l’évolution de la littérature québécoise en ouvrant définitivement toutes grandes les portes à cette langue et à ses rythmes, jusque-là méprisés.

Jusque-là, la langue narrative de la littérature canadienne-française, québécoise, s’était essentiellement cantonnée, dans la plupart des cas, dans le “français métropolitain”. Avec And on Earth, Peace, et surtout Le Cassé, une nouvelle dimension non-seulement s’ouvrait largement et s’offrait tout aussi largement, mais aussi, et surtout, s’imposait pour toujours.

Dans sa préface à Broke City, la traduction anglaise de Le Cassé par David Homel, le poète et député souverainiste Gérald Godin, en évoquant les écrivains de l’époque, dit de Jacques Renaud qu’il était “le plus audacieux de tous”.

Il y avait eu, déjà, des tentatives d’écrire en langue populaire, mais elles avaient fait long-feu et ne s’étaient jamais imposées. Après And on Earth, Peace – mais surtout après Le Cassé – on est jamais revenu en arrière, le feu allumé s’est imposé et ne s’est jamais éteint.

Jacques Renaud avait vingt ans lorsqu’il écrivit And on Earth, Peace, tout comme Le Cassé. Lors de la publication de Le Cassé, Jacques Renaud venait tout juste d’avoir vingt-et-un ans – sept jours auparavant, pour être exact :)

Loup.

[ Note:  This story was first published in Québec French in 1964 but with an English title, And on Earth, Peace. However, to my knowledge, it’s never been translated into English and so, despite its original title, has never been available in that language. ]

Lien :  un article sur la nouvelle postée ici,  sur l’époque, l’auteur,  Le Cassé, etc.

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And on Earth, Peace

nouvelle

Jacques Renaud


© Copyright 1963, 1964, 2009 Hamilton-Lucas Sinclair ( Loup Kibiloki, Jacques Renaud, Le Scribe), cliquer  –  Texte intégral et original tel que publié en 1963-1964. Cette version est la seule autorisée par l’auteur.


 

 

L’aube. La soupane blafarde. La visquosité de l’humidité. Le froid. Une odeur de ciment gelé s’est figée dans mes sinus. L’odeur a disparu. J’ai beau me dilater les narines, je n’arrive pas à la renifler de nouveau. Odeur de ciment gelé! Oua! Pis après. M’en sacre. Odeur de quèqchose. Ça puait. Chus jamais allé m’placer l’nez au-dessus du ciment gelé, comme ça, pour le fonne. Pourrais ben dire que ça sent gris. Ah! Pis après. M’en sacre. Pas pour me mettre à recherche des puanteurs. Chus pas imprésario. Me retrouver à dump. Nez dans marde. Pour trouver des puanteurs. Non, non. Hey! Pas si cave.

Il frissonne. Il aime pas ça. Il sait qu’une stupide absence de chapeau ou de bottes fourrées, plus la fatigue – il est fatigué – et c’est une pleurésie «légère». Ça lui arrive tous les hivers. Le frissonnement. Ouerch! Maudite marde! Bromo quinine – pilule verte. A chaque frissonnement, y répète la même chose. Un vrai chien de Pavlov. Une fringale lance un sang nerveux à ses tempes. Par saccades. D’un coup, sans crier gare, ses mâchoires se décrochent. Ses nerfs cèdent quelque part. L’épaule croule vers la droite. La tête vers la gauche. Puis vrang, la mâchoire. Frissonnement. Des phrases et des mots s’entrechoquent dans sa tête.

«Brassées par bandes, brassées par bandes.» Une écharde de poème. «Un-brin-d’scie-fait-la-planche.» Six pieds. Celui-là, c’est de moi. Comique en barnac, han, Baudelaire? Mon enfant, ma soeur, songe à la partie de fonne d’éparpiller des confetti de poèmes à tous les coins de rues. Un policier au bout de chaque doigt, astiquer rageusement les écuries d’Augias. Je t’aime. Un beau mot – allons – un beau geste. Un beau fumier, toute cette enthropophagie. Songe à la douceur d’aller là-bas. Non, non. Pas dans les écuries d’Augias. Tu connais pas Augias? Un beau malpropre. T’en parlerai. Songe à là-bas pis pose pas de questions. Les guerlots sonnent (pause) dans la vallée (demi-pause). C’est une trôlée de morveux dans ma tête grosse comme un orphelinat. Mon enfant, ma soeur, songe un peu, c’est douze dollars pour des bonnes bottes – ben non, voyons, des bottes qu’on se met d’in pieds, cochonne. On est fourré. Là tout n’est qu’ordre et marché, marche par là mon poulet que j’te pleume, luxe, calme et volupté.

La veille, il est allé louer une chambre pour Loulou. Elle a dix-huit ans. Elle est enceinte de lui. Il a trouvé la chambre vers neuf heures. Loulou est venue s’étendre sur le lit. Elle a souri. Chus fatiguée. Sourire triste, pensa-t-il. Triste… Non. Je dis ça parce que je sais, moi, qu’elle est lasse et sans doute triste… ça se voit dans les yeux. Lasse et écoeurée. Je sais. Si un autre l’avait vue sourire, un inconnu, aurait-il pu deviner ses sentiments réels? Peut-être. Sourire triste… Ça se sent. Ce sourire, ce visage, sont explicites. Ce sourire n’est pas artificiel. Ne laisse rien sous-entendre. Ne cache pas l’écoeurement. Il le transforme. Toute la douceur du monde vient se résorber dans un mouvement des lèvres. Loulou sourit.

Etre envoûté par le simple contact du regard avec le sourire d’une écoeurée. Comprends pas. Veux-tu me dire. Ces sourires-là, on s’en rappelle toujours. Loulou sourit. Loulou sans emploi, sans amis, cassée, fatiguée, à bout. Loulou palpable, aussi, passionnée. Loulou enceinte. Loulou dans marde comme beaucoup d’autres. Loulou sourit. Ecoeurée, chaleureusement vraie.

Il est allé acheter des hot-dogs et des patates frites, rue Amherst. Loulou s’est endormie après avoir mangé. Pâle. Belle. Ailleurs. Ailleurs. Ayeur. ‘Yeur… Le mot se retournait sur lui-même dans sa tête, lentement, coulait le long de ses tempes… ayeur… yeur… Tout semblait être ailleurs dans cette chambre. La chaise, la table, le lavabo. Les deux ampoules fixées au mur. L’une, pendante – oblique et raide, plutôt. L’autre, horizontale, plus jeune sans doute. «Plus jeune», pensa-t-il; c’est stupide. Ampoule «jeune». Oua! Et d’abord, pourquoi plus jeune? Parce qu’elle est horizontale et que l’autre est penchée, oblique? Un mort peut être horizontal ou oblique… Aucun rapport avec le dilemme, il y a de vieux morts et de jeunes morts. D’ailleurs, un pendu est perpendiculaire… Aucun rapport avec les ampoules, aucune d’elles n’est perpendiculaire… Complexe, tout ça. Ampoule jeune. Waingne! Parce qu’elle semble résister avec plus de ténacité que l’autre à l’attraction terrestre, voilà… Mais il y a des jeunesses molles et des vieillards énergiques. Waingne! C’est pas l’ampoule qui résiste à l’attraction terrestre, c’est la prise de courant…

Il passa peut-être par Lagrange, Newton ou Einstein. Le libertinage de ses spéculations semblait se faire d’une façon de plus en plus autonome et de moins en moins consciente.

Il écoutait le silence: c’était l’assourdissant tic-tac tic-tac tic-tac d’un petit réveille-matin. Lui, il se sentait de plus en plus immobilisé près de la porte. Il parcourut discrètement, du coin de l’oeil, le cadran de sa montre. Les aiguilles indiquaient une heure trente-deux; l’aiguille des secondes tournait, plus explicite que jamais. Les secondes passaient, passaient, trépassaient. Un léger pivotement de la tête, et surtout des yeux. Loulou dormait. Retour au cadran: l’aiguille tournait. Le silence: tic-tac tic-tac tic-tac. Il dirigea lentement sa main vers le commutateur: ne pas éveiller Loulou. Tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac. L’index appuya sur le bouton du commutateur. Clap! Le silence sembla se taire. La noirceur l’acheva. Il n’entendit plus rien. La pénombre l’éveilla un peu. Il osa brusquement la main vers la poignée de la porte. Le silence reprenait son tic-tac. Pas de répit. La poignée. Un grincement.

*
Il marche depuis environ une heure. Par moments, il frissonne. Loulou: une image qui émerge dans sa tête, persistante et floue, qui émerge entre deux grouillements d’images et de réminiscences imprécises, persistantes. Loulou. La chaise, la table, le lavabo. Les ampoules. La Catherine. Le soir même, vers sept heures, il était allé marcher sur la Catherine, après les bines de l’Eldorado. Catherine rotait déjà son White Christmas, le vessait, le barguinait, le cantiquait, elle pissait partout son rimel de néon. Les cash pis le p’tit change sonnaient à toute volée, etc., etc., etc.

Il marche depuis longtemps. Par moments, il frissonne. Son corps tressaille un court instant. Une avalanche d’images se déclenche dans sa tête. Le frisson cesse; le délire dure et s’apaise. Puis ça recommence. Sueurs de pieds refroidies. Frissonnements.

«L’aube tarde à venir, et dans le bouge étroit
Des ombres crucifiées agonisent aux parois.»

Par ici, Cendrars, c’est Noël à Montréal. Ça pette, ça braille, ça râle. T’aurais dû voir la Catherine hier soir. A jouissait. Une vraie guidoune. Y manquait rien que les dentelles au cul. Mon vieux Cendrars, faudrait vraiment pas qu’elle chante durant l’éternité.

«… L’aube a glissé, froide comme un suaire…»

Il marche sur le ventre refroidi de la Catherine. Elle s’étale, morne et démaquillée, de l’est à l’ouest, dans sa sueur figée. Tiquée, han, ma grosse? Aigres en bile, chers en sperme, tes petits Noëls aux films cochons. Tes saintes réjouissances, tu peux t’les renvaginer. Pis l’Jésus d’cire. Le sauveur du monde, y pisse au lit, y pisse partout. Par ici, bain d’pipi, douche de pipi, chapelets, missels sauce pipi: 20% de rabais; avec la taxe, ça fait – attends un peu – ça fait… pipi au lit, pipi partout, avec garantie pour quarante jours et quarante nuits, déluge de pipi, sauve qui peut, chacun pour soi choit sur l’autre.

Zing zing, one two.
A dit: «Woup, Farnantine,
La bizoune à Raspoutine,
Barguine-moé ton violon,
L’pays marche à reculons!»
Zing zing two three!

Un poignard valse dans mon crâne. C’est un glaçon de joie qui perce mon rhume de cerveau. C’est une croix. Elle se déforme. Elle fond. Elle rétrécit. Elle se fige. C’est un serpent emprisonné. Un signe de piastre. And on Earth, peace. Minuit Chrétien, c’est l’heure du crime: l’homme, le dollar à la main, touiste et dérape sur l’escalator de son destin, etc. And on Earth, peace – à rabais, beau, bon, pas cher. Ils ont l’air cave. Non, ils ont l’air tragique. Ils ont l’air comique. Ils ont les pieds meurtris. Ils sont hypnotisés. Ils sont harassés. Ils suent. Ils s’écorchent l’oeil partout. Ils ont mal à l’âme. Elle barbotte dans l’alcool. Dans l’estomac. Dans les talons. Avec la taxe, ça fait…
C’est pas un moulage de cire, un pipi de l’esprit-saint, un leurre solennel que Loulou couve dans son sein. C’est le fruit de la synthèse d’un ovule et d’un spermatozoïde. Waingne. Ça n’attend ni l’opération du saint-esprit, ni le plein-emploi. Ça n’attend pas sagement l’autobus en rang d’oignons gelés. Ça fonce tête première l’un dans l’autre, ça s’étreint, ça s’aime, c’est bohème à s’en faire la morale. Neuf mois plus tard, ça s’est concerté pour demander à manger. Des vrais gavions. Y faut l’vouâr pour le crouâre – comme pour les grandes ventes d’écoulement.

Minuit Chrétien. Décompte. Le chiffre d’affaires d’Eaton’s, de Morgan’s, de Dupuis, de Patente et compagnie, de Bébelle incorporé. La messe de minuit – envouèye, marche. Perds pas ton ticket. Les malengueuleries familiales. Les ruelles du bas de la ville où aucun sapin ne viendra traîner après le premier janvier. Y a des bonnes âmes qui se font appeler «les amis des pauvres». Une fois par année, y rapaillent une gagne de cassés pis y leû payent un festin-de-jouâ. Ô sâ-înte nuit. Y les aiment-tu donc. Y les aiment comme y sont. Y les aiment cassés. Faibles. Pitoyables. Y les aiment ignorants. Carencés. Aliénés. Y les aiment étouffés. Viciés. Vicieux. Y les aiment comme ça. La pauvreté est une nécessité sociale. Une fois par année, ça nous permet de nous retaper la conscience.

Les cassés. Culpabilisés. Conditionnés à la petitesse morale. Aimez-les comme y sont, y resteront comme y sont. La tactique, c’est d’leû calfeutrer l’estomac à intervalles réguliers. Le bourrage de crâne fait le reste. Crânes bourrés, dindes farcies, joyeux Noël.

Ils ont besoin d’amour? Non. Ils ont besoin d’aimer. Et ils haïssent. Ils se haïssent eux-mêmes. S’aimer eux-mêmes comme ils sont, c’est du masochisme. Quand ils s’aimeront eux-mêmes pour de vrai, ils auront honte. Ils feront la révolution. Ils se voudront autres.

Les cassés. Même pas l’instinct sûr des bêtes.

Incarcérés pour vols et viols. Remis dans le droit chemin de Saint-Vincent-de-Paul. Mets-toé à genoux. Baise-moé à main. Baise-moé le cul. Plaide coupable, ça coûte pas une cenne. T’as péché par ivrognerie. T’as péché par impureté. T’as péché par icitte, pis t’as péché par là. Mon frère en Crisse. Le bonyeu vâ t’pardonner tes zaveuglements. Nouzô’t, on vâ t’les conserver. Mange pis fârme ta yeule.

Dernière cène, brochée sur tapis, latest style: $9.95; avec la taxe, ça fait… éponge au pipi.
Hypnotisés. Donne in bôbec pis va t’coucher pitou, prie le p’tit Jésus d’réchauffer l’père noël – y pourrait avouèr frette à souèr, dors, goudou goudou. Y faut qu’tu souèyes fin fin, sans ça, le P’tit Jésus va dire au père noël de pas v’nir te ouèr. T’à l’heure, y va descend’ par la cheminée pis pa pi po pi, etc., etc., etc.

– C’est pas une cheminée qu’on a, c’est un tuyau d’poêle.
– Le père noël, y peut tout faire. Y est magicien.
– Comme le bon Dieu?
– Comme le bon Dieu. Dors, goudou gou…
– Comme ça, y a deux bons Dieux?
– Ben non, vouèyons! Dors, g…
– T’as dit que…
– Tais-toé pis dors! Goudou goudou!

– C’t’enfant-là, y a ben qu’trop d’imagination. Y pose toujours des questions nounounes.

Avec la taxe, ça fait…

Sur la Catherine, un panneau-réclame attire l’attention. A droite d’une colombe blanche et majestueuse, en exergue: «…And on earth, peace.» A droite, en bas, c’est signé: Royal Bank. Et pendant ce temps, comme dit la chanson, le pathos éjacule dans les cash.

Lui, c’est l’aube, et il marche sur la Catherine. Par moments, il frissonne. Bromo-quinine – pilule verte. Il est n’importe quoi. Moi, toi, lui. Une obstination fortuite, insolite, incohérente. Il serait risible de dire qu’il n’est plus rien. Mais qu’est-il? Fringale, fatigue, douleurs, sueurs de pieds refroidies, envies de tuer, envies. Une charade fantasque.

Une charade d’envies, d’impulsions irrationnelles. Un animal blessé qui désespère de trouver exactement où se situe la blessure. Quelle en est la provenance. C’est le récit de l’homme blessé à l’esprit et au corps qu’il faut écrire. Sans arrières-pensées littéraires, sans visées esthétiques. La révolte, c’est la réaction scabreuse de l’homme quand il prend conscience de sa situation de cobaye, sans même l’attention qu’on prête à ce dernier. On ne néglige pas et on ne mutile pas impunément l’humain. Un jour ou l’autre, il nous recrache nos verbiages en plein visage. En attendant…

La Royal Bank. Il s’est arrêté devant. Il ne la voit peut-être pas, mais il la sent. Tout le fragile humain s’est broyé dans sa tête.

Sur un lit, une fille enceinte. Les toits et les murs se sont effondrés. Il neige. Le lit avec la fille dedans est en plein milieu de la Catherine. La fille y dort. Il est sept heures du soir. Les autos klaxonnent, foncent dans les ruines. Les hypnotisés se ruent sur les vitrines, les défoncent, pillent, massacrent. La hideur se donne des ailes d’anges de carton. C’est le rite, l’incantation du dollar, la masturbation collective, la joie vicieuse des cantiques, les cloches du-û hameau, du nanane, du libertinage des chapelets.

L’imagination multiplie le mal à l’infini; d’abord elle semble couver les impressions. La coquille du crâne se brise. Une écaille entame la cervelle. Les phantasmes germent comme des champignons. On patauge en pleine omelette. Plus l’omelette tremble, plus les pensées glissent et butent, saoules et incohérentes, les phantasmes épuisent. La volonté est inutilisable, infirme.
L’imagination attendait, passive. Un coup dur. Un autre. On s’énerve. On se fatigue. L’avenir devient rebutant, menaçant. Des phobies nous triturent le ventre. Tout l’être se crispe. La conscience est submergée.

Une courte accalmie, parfois… Demain, tout à l’heure, dans un instant, déjà tout recommence. Casser des vitrines, des yeules, n’importe quoi. Pire que de tout haïr, tout nous ahurit. Tout le mal est là. La réalité ne nous façonne plus, elle nous défigure.

Alléluia Royal Bank pour tes colombes de Claude Néon, pour tes saintes images d’Elizabeth, vertes, roses, bleues, cananéennes; alléluia pour tes hommes de bonne volonté, ceux de la Brink’s, ceux-là aussi qui calculent derrière tes guichets, qui ternissent leur oeil et leur propre richesse; alléluia pour la caisse de noël, pour les chômeurs toasts and beans, and vômissures de rage à taverne, and bonjour m’sieur l’curé, and toujours pas d’travail, and c’est du sentimentalisme ton affaire, and mon vieux tu perds ton temps, and on écrit pas comme ça, and on attend pour écrire, and on attend la permission, and vous m’faites chier pis ch’continue gagne d’égossés, alléluia Royal Bank pour tes coffres-forts viragos vierges sans joie ni foi, pour ta confrérie instruite, ceux qui savent compter plus loin que 100 000, ceux qui disent moâ, ceux qui disent we, me, I and So What, ceux qui mettent des «S» à «salaire», ceux qui mettent des «H» à amour, ceux qui ont mis la hache dedans, ceux qui m’ont fait charrier, ceux qui m’ont fait sacrer; alléluia White Christmas en Floride avec la secrétaire, she’s so French – plante-la pour la plus grande gloire du Canada, de sa goderie et de nos bonyeuseries, des trusts, des vices à cinq cennes, de nos perversités à rabais; alléluia pour les indulgences salvatrices de nos frustrations d’invertis, alléluia pour la fraternité humaine in the Life Insurance Company, and on earth peace – tu veux rire! – alléluia pour nos hernies, nos conscrits, nos pendus, nos prisonniers, nos aliénés, nos curés, nos imbéciles, nos stoûles, peace. At any price. Avec la taxe, ça fait…

Montréal, hiver 1963


© Copyright 1963, 1964, 2009 Hamilton-Lucas Sinclair ( Loup Kibiloki, Jacques Renaud, Le Scribe), cliquer  –  Texte intégral et original tel que publié en 1963-1964. Cette version est la seule autorisée par l’auteur.


Les oeuvres de fiction de Jacques Renaud qu’on trouve sur ce blog :

Le Cassé, la novella, avec les nouvelles; la vraie version originale et intégrale, la seule autorisée par l’auteur.   —   Le Crayon-feutre de ma tante a mis le feu, nouvelle.   —   L’Agonie d’un Chasseur, ou Les Métamorphoses du Ouatever, novella.

La Naissance d’un Sorcier, nouvelle.   —   C’est Der Fisch qui a détruit Die Mauer, nouvelle.   —   Émile Newspapp, Roi des Masses, novella.   —   Et Paix sur la Terre (And on Earth, Peace), nouvelle.   —   L’histoire du vieux pilote de brousse et de l’aspirant audacieux, conte

Le beau p’tit Paul, le nerd entêté, et les trois adultes qui disent pas la même chose, nouvelle  —  La chambre à louer, le nerd entêté, et les quinze règlements aplatis  —   La mésange, le nerd entêté, et l’érudit persiffleur

Jack le Canuck, chanson naïve pour Jack Kerouac,  poème  —    L’histoire de l’homme qui aimait la bière Molson et qui fut victime de trahison, conte

Loup Kibiloki ( Jacques Renaud ) :  La Petite Magicienne, nouvelle;  Héraclite, la Licorne et le Scribe, nouvelle.


Sur Le Cassé de Jacques Renaud, des extraits de critiques.

Jadis, la liberté d’expression régnait dans ma ruelle, ou La ruelle invisible

Le Cassé de Jacques Renaud : le vrai, le faussé, le faux  (A-t-on voulu détruire la carrière de l’auteur ?)

Sorel : En 2012, on y censure Dieu et Edith Piaf. En 1971, on y censurait Le Cassé de Jacques Renaud…

And on Earth Peace, Le Cassé, le joual, Jacques Renaud  (Sur Jacques Renaud, l’époque du Cassé, le “joual”.)

Jacques Renaud, oeuvres de fiction en ligne, des notes biographiques


Blogsurfer.us – IcerocketTechnorati

2 Responses to And on Earth, Peace – nouvelle de Jacques Renaud.

  1. Anonymous says:

    Je constate avec un certain plaisir que, désormais, vous revendiquez vos droits et votre paternité. C’est un bel et bon exemple à donner lorsqu’on est un honnête homme. Cela enlève aux faquins l’occasion de s’approprier notre dû.

    Musael ben Salem

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    • Oui : – ))) En fait, c’est essentiellement, en tout cas présentement, ce qu’on appelle le «droit moral» que nous protégeons en affichant le copyright partout sur le blog : nous avons été en litige pendant 15 ans avec un éditeur qui avait publié une oeuvre en progrès contre nos objections répétées. Ça a tué l’oeuvre, en ce sens que je n’ai jamais pu la terminer, etc. Litige : de 1989 à 2005. Chat échaudé .. On s’écroule ou on apprend à rire – mais les conséquences sont là. Par exemple, les conséquences psychologiques sont considérables : j’arrivais à écrire, mais c’était pénible. Quinze ans ! Alors j’ai écrit pour les autres, ça je pouvais : j’ai fait un peu de ghostwriting à l’occasion. On a refait surface autour de 2009. Mais toujours échaudé quant aux éditeurs et à l’édition imprimée. Il faut dire que l’existence du Web change beaucoup de choses – vs l’imprimé. On va peut-être faire quelque chose là-dessus. Salut Salem : )

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